Réforme de justice (1) : « pas de fermeture » mais…

par | 18 janvier 2018

Le gouvernement va (encore) réformer l’institution judiciaire et son organisation sur le terrain. « Sans fermer aucun site », jure la Garde des sceaux. Qui prévient pourtant qu’il n’est pas question de statu quo. Explications.

« Penser le statu quo serait une erreur. » Dans un courrier adressé aux deux députés LR de Haute-Savoie qui l’avaient interpellés, Nicole Belloubet, ministre de la Justice et Gardes des sceaux, annonce la couleur : oui, l’institution judiciaire va être (à nouveau) réformée. Et ceux qui refusent le changement vont en être pour leurs frais.

En octobre, le gouvernement a annoncé le lancement de 5 chantiers : transformation numérique ; adaptation de l’organisation judiciaire ; amélioration et simplification de la procédure pénale ; idem pour la procédure civile ; sens et efficacité des peines.

Tribunaux amputés de certaines activités ?

Chez les professionnels et les élus, c’est l’adaptation de l’organisation qui inquiète le plus. Avec la crainte de voir fermer des tribunaux. Que nenni !, jure la ministre. « Ma volonté est claire : cette réforme doit se faire en conservant le maillage actuel de nos juridictions et en maintenant les implantations judiciaires que nous connaissons aujourd’hui. Ces adaptations ne se traduiront par la fermeture d’aucun lieu de justice. »

Rassurant. Mais pas complètement. Tel tribunal de grande instance (TGI) pourrait être ravalé au rang d’annexe de son imposant voisin : Thonon ou Bonneville vis-à-vis d’Annecy, Albertville vis-à-vis de Chambéry ou même cour d’Appel de Chambéry vis-à-vis de celle de Lyon. Et perdre ainsi la main sur les dossiers. Tel « lieu de justice » pourrait être spécialisé et/ou amputé de certaines activités : le TGI s’en va, mais le tribunal d’instance ou un simple Service d’accueil unique du justiciable (Sauj) demeure…

Mi-décembre les avocats des cinq barreaux du ressort de la Cour d’appel de Chambéry avaient manifesté une première fois. Crédit : DR.

Nouvelle mobilisation lundi 22 janvier

« Les murs ne seront pas rasés, les sites ne seront pas fermés : de ce point de vue, la ministre tiendra sans doute parole… », soupire maître Catherine Anxionnaz, bâtonnière du barreau de Chambéry, promue porte-parole des cinq barreaux locaux (Albertville, Annecy, Bonneville, Chambéry, Thonon) dans la mobilisation qui monte en Pays de Savoie. « Mais nous refusons toute volonté de ʺdéjudiciariserʺ ou de déshumaniser la justice sous couvert, notamment, de numérisation. »

Après une première manifestation mi-décembre, les avocats remontent au créneau lundi 22 janvier au matin : en prélude à l’audience solennelle de rentrée de la Cour d’appel, ils organisent (dans l’enceinte du Musée des beaux-arts, situé juste en face du palais de justice) une table ronde pour sensibiliser les élus des Pays de Savoie à l’importance du maintien d’une Cour d’appel de plein exercice dans la capitale des Ducs. Dans leur combat, ils ont le soutien du procureur et du premier président de la Cour.

Une autre opération de sensibilisation, en direction du monde économique cette fois, devrait ensuite avoir lieu, probablement début février.

Le 8 janvier la ministre a écrit à deux députés (LR) de Haute-Savoie. Sa missive alterne les annonces directes et les formules plus rassurantes. CLIQUEZ SUR LA PHOTO POUR OUVRIR LE PDF.

La ministre souffle le chaud et le froid

Dans son courrier à Virginie Duby-Muler et Martial Saddier, la ministre est parfois très directe. « Le mouvement de simplification et de numérisation des procédures ne peut à l’évidence rester sans incidence sur nos modes de fonctionnement. » Donc sur la carte judiciaire. D’autant que « nous avons besoin de clarté et de lisibilité de notre organisation, trop complexe aujourd’hui. » Et vite, avec de premières actions « mises en œuvre dès 2018. »

Mais Nicole Belloubet se veut aussi persuasive et rassurante. L’ambition de sa réforme ? « Satisfaire les intérêts essentiels de nos concitoyens auxquels on doit garantir un accès à la justice simple, direct, transparent et rapide. » Sa méthode ? La concertation : « mon projet ne sera pas fondé sur un quelconque schéma arrêté de manière autoritaire et technocratique. »

« JE SOUHAITE GARANTIR UN MAILLAGE DE LA JUSTICE IRRIGUANT L’ENSEMBLE DES TERRITOIRES, UNE ORGANISATION GÉOGRAPHIQUE PLUS LISIBLE ET UN MEILLEUR ACCÈS AU DROIT ET AU JUGE »
Nicole Belloubet, Ministre de la Justice

Catherine Anxionnaz, bâtonnière du barreau de Chambéry (au centre, avec des lunettes) a été nommée porte-parole des cinq barreaux des Pays de Savoie pour cette mobilisation. Crédit : DR.

« Améliorer la proximité du réseau »

Il y a quelques jours, lors de la restitution de la phase de consultation des Chantiers de la justice, elle a même été plus loin, évoquant son souhait d’ « améliorer la proximité du réseau pour le bien commun et la proximité nécessaire au justiciable. » Et de « garantir un maillage de la Justice irriguant l’ensemble des territoires, une organisation géographique plus lisible et un meilleur accès au droit et au juge. »

La table-ronde puis l’audience solennelle de lundi 22 janvier permettront de voir si cette plaidoirie a convaincu les avocats et les magistrats des Pays de Savoie.

En savoir plus :

L’interview de Catherine Anxionnaz, porte-parole des cinq barrreaux, au journal télévisé de TF1 du 15 janvier (cliquez sur le lien)

La mobilisation du 14 décembre 2017 devant le palais de justice de Chambéry, relatée par France 3 (cliquez sur le lien)

Discours de Nicole Belloubet lors de la restitution de la consultation des Chantiers de la justice, le 15 janvier 2018 (cliquez sur le lien)

La restitution de la consultation sur le chantier « adaptation du réseau des juridictions », par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon (rapporteurs), le 15 janvier 2018 (cliquez sur le lien)

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