Les équipements de santé peinent à suivre la hausse de la population en Pays de Savoie. Et le décrochage est encore plus fort pour la santé mentale et la psychiatrie.
Ils font ce qu’ils peuvent. Tous le disent : professionnels comme représentants de l’institution sont « de bonne volonté » et font « ce qu’ils peuvent ». Mais au bout de quelques minutes de discussion, tous dénoncent le manque de moyens pour la prise en charge de la santé mentale. Une demande qui progresse : le nombre des patients a augmenté de 3,8 % en Savoie et 7,4 % en Haute- Savoie entre 2018 et 2022 (chiffres de l’Agence régionale de santé).
Certes la Savoie bénéficie d’un centre hospitalier spécialisé, aux moyens conséquents (200 lits d’hospitalisation à l’hôpital de Bassens, 40 structures extra-hospitalières sur le territoire), et à l’activité soutenue. Ce qui ne veut pas dire que le territoire n’a pas ses problèmes.
« La Savoie souffre de l’absence d’urgences psychiatriques », regrette Annie Dole, déléguée départementale de l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). « Résultat : lors de situations de crise, les familles se retrouvent avec leurs proches aux urgences générales déjà débordées et peu formées à ce type de prise en charge. »
Au-delà de ce problème, elle constate que le système peine à prendre en compte l’importance de l’aide à apporter aux aidants familiaux en psychiatrie. Bien que deux fois plus peuplée, la Haute-Savoie n’a pas de centre hospitalier spécialisé et présente une grande variété d’acteurs, publics (établissement public de santé mentale de La Roche-sur-Foron, hôpitaux de jour de Saint-Sixt, Sallanches et Vétraz-Monthoux notamment) et privés.
Malgré les efforts des collectivités pour rattraper le retard, le sous-équipement reste évident. En 2022, 35 000 patients ont été pris en charge dans les établissements de Savoie (16 300) et Haute-Savoie (19 000). Dont 6700 hospitalisés (2700 en Savoie, 4000 en Haute-Savoie), et 28 600 en ambulatoire.
Situation tendue
Mais dans les deux départements, la situation reste tendue : « Il y a un réel dynamisme professionnel », assure Arnaud Carré, maître de conférences en psychologie à l’Université Savoie Mont-Blanc, qui porte le projet de chaire Best (pour bien-être santé territoire). « Mais les patients doivent attendre très longtemps, parfois dans des états de crise, avant d’être pris en charge. »
À vrai dire, la situation est souvent pire ailleurs en France. En octobre dernier, le collectif santé mentale 2025, composé d’associations, d’élus et d’acteurs du secteur, estimait que 40 à 60 % des personnes vivant avec un trouble psychique ne bénéficient aujourd’hui d’aucun soin, ni accompagnement. Et de demander que la santé mentale soit la grande cause de l’année prochaine.
« On estime que 20 à 30 % de la population traverse chaque année une perturbation de la santé mentale, annonce Arnaud Carré. Comme pour les autres maladies, plus tôt on intervient, meilleur est le diagnostic. Or les temps d’attente se chiffrent en années ! Ces dernières décennies, les efforts de prévention ont permis de grandes avancées pour les affections cardiovasculaires ou le cancer. Il faut en faire autant pour les troubles mentaux. »
« La pandémie de covid a été une rupture »

Le paysage hospitalier a profondément évolué en vingt ans. C’est ce que nous explique Florent Chambaz, Directeur général du centre hospitalier Métropole Savoie.
« La période a été marquée par une forte modernisation du parc avec l’aboutissement des deux importants chantiers des hôpitaux de Chambéry et d’Annecy.
Au plan des organisations, les dix dernières années ont vu la généralisation des groupements hospitaliers de territoires (GHT), qui font émerger des parcours de soins gradués et coordonnés et permettent des mutualisations de compétence.
Dans nos départements, les GHT Léman Mont-Blanc, Genevois Annecy Albanais et Savoie Belley couvrent maintenant tous les hôpitaux publics.
La pandémie de covid a été une vraie rupture, qui a bousculé nos modes de fonctionnement et accentué des tensions sur le personnel qui préexistaient, entretenue par la pression immobilière et la faible attractivité de nos métiers. Cette crise démographique touche également la médecine de ville. »
Les chiffres-clés de la démographie médicale

Philippe Claret
Photo à la une : Bret Kavanaugh sur Unsplash
Cet article est issu de notre magazine « Savoie Mont Blanc en chiffres 2024 », disponible au format liseuse en ligne ou au format papier.

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