Télétravail : quel avenir après le Covid-19 ?

par | 23 juin 2020

Malgré sa mise en place dans l’urgence de la pandémie de Covid-19, le télétravail a suscité l’adhésion des salariés, indépendamment du niveau hiérarchique et du secteur d’activité. Mais ce nouveau mode de travail survivra-t-il à la crise sanitaire ? Nous faisons le point en Haute-Savoie et à Genève.

L’arrivée du Covid-19 s’est accompagnée de la généralisation immédiate et imposée du télétravail, une pratique qui, bien qu’en nette progression depuis plusieurs années, n’était pas encore la norme. « La France était plus en avance que la Suisse avant la pandémie, constate Kirsten Bourcoud, psychologue du travail chez Vicario Consulting, à Genève. Mais avec la pandémie, la mise en place s’est faite dans des conditions qui n’ont rien à voir avec celles du télétravail en temps normal. »

Malgré le contexte, l’expérience du télétravail semble avoir convaincu. En Suisse, une étude réalisée en avril par Colombus Consulting révèle que 80 % des Suisses veulent davantage de télétravail à l’avenir. En France, les trois quarts des Français (76 %) estiment que cette pratique devrait être plus développée dans le pays, selon une enquête Odoxa-Adviso Partners datant également du mois d’avril.

Côté employeurs, le bilan affiché est là aussi plutôt positif. Le monde de l’après-Covid-19 serat- il donc celui du télétravail ? Les entreprises sauront-elles répondre à la demande des salariés ? Pour Nathalie Maisonniac, directrice de la Maison de l’économie développement (MED), à Annemasse, « on ne va pas revenir au système d’avant car les collaborateurs vont demander le télétravail. A la MED, nous avions déjà commencé à le mettre en place depuis septembre 2019 afin d’être attractif sur le marché du travail où nous sommes en compétition avec les salaires suisses. Proposer le télétravail est un atout important, surtout auprès des générations Y et Z qui, du reste, demandent durant l’entretien d’embauche s’ils pourront télétravailler. »

« On ne va pas revenir au système d’avant car les collaborateurs vont demander le télétravail. »

Nathalie Maisonniac, Directrice de la Maison de l’économie développement (MED) à Annemasse.

Concertation et cadre légale

Reste maintenant à pérenniser le home office, sachant que, comme le fait remarquer Kirsten Bourcoud, il ne faut pas minimiser le réflexe de contrôle et les vieilles habitudes. « L’après-pandémie sera une période de transition, estime la psychologue. Après cette période, beaucoup de gens auront d’abord envie de se retrouver avec leurs collègues. » L’envie de poursuivre l’expérience du télétravail ou de l’intensifier, dans le cas de ceux qui le pratiquaient auparavant, n’interviendra que dans un deuxième temps. Mais, même si de nombreuses études menées notamment par Harvard et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont montré les avantages du home office, celui-ci risque de se heurter au type de management en vigueur dans l’entreprise. « Plus une société fonctionne selon un schéma paternaliste, plus le télétravail est difficile à faire adopter, constate Kirsten Bourcoud.

En Suisse, par exemple, la situation est contrastée. Historiquement les grands patrons et dirigeants étaient aussi officiers de l’armée et même si ce n’est plus vraiment d’actualité, cette situation a laissé une empreinte durable. D’un autre côté, plus de 80 % des entreprises du pays ont moins de 50 employés et donc un style de management moins hiérarchique. » D’où l’importance, comme le souligne Nathalie Maisonniac, de la concertation et d’un cadre légal. « A la MED, nous avons établi une charte en seize points qui couvre aussi bien les conditions de passage au télétravail que le retour à un mode classique, les modalités de régulation de la charge de travail, le nombre de jours concernés et les horaires. » Un cadre légal plus précis en France qu’en Suisse.

L’avenir passera aussi par un panachage des modes de travail, l’interaction entre les personnes étant une source de créativité. « Il y aura une répartition entre les jours au bureau et ceux en home office que le collaborateur peut effectuer chez lui ou dans un lieu de coworking près de son domicile, reprend Nathalie Maisonniac. La mise en place d’un réseau de coworking sur le Grand Genève va encore se développer. Cette solution permet aux utilisateurs de s’éviter de longs trajets en voiture tout en offrant aux entreprises un cadre physique de travail avec un système de contrôle qui les rassure. » Par ailleurs, le home office représente aussi pour les entreprises un potentiel d’économie important à Genève et dans le Grand Genève, où le prix de l’immobilier reste élevé.

Interview / Delphine Favier : « Cette crise doit nous permettre de repenser notre mode de fonctionnement »

Déjà pratiqué avant la pandémie au sein de Montblanc Suisse, filière de la maison de luxe appartenant au groupe Richemont, le télétravail a montré son efficacité pendant la pandémie, comme en témoigne Delphine Favier, directrice générale pour la Suisse.

Comment était pratiqué le télétravail avant la pandémie ?

Le Flexitravail – je choisis volontairement ce mot plus pertinent selon moi – a été mis en place progressivement chez Montblanc Suisse depuis plus d’un an. Une première phase d’adaptation pour tous avec un jour par mois, puis depuis plus de six mois, un jour par semaine. Cette première phase a permis à chacun d’apprivoiser ce nouveau mode de travail, de s’organiser à la maison et de valider la confiance respective des uns et des autres. Après tout, c’est d’abord une question de confiance ! Un état d’esprit nécessaire pour prouver l’efficacité pour tous du Flexiwork. Les membres de notre équipe s’apprécient et se respectent et ont su pérenniser la qualité du travail tout en profitant des bienfaits du Home office.

La généralisation du télétravail dans l’urgence a-t-elle été difficile ?

Deux semaines avant le « shut down » en Suisse, nous avions donné l’instruction à nos collaborateurs de prendre déjà chaque soir leur ordinateur. L’expérience forcée de nos collègues en Chine, puis en Italie et en France, nous a permis d’anticiper et de mettre en place d’un jour à l’autre un 100 % Home office. Sous trois jours nous avons convenu et communiqué un mode opératoire. La priorité était de garder le contact, même si la manière était différente. Il y a quelques contraintes pour partager facilement lorsque chacun est confiné chez soi, mais aussi tant d’opportunités de découvrir de nouveaux outils, applications et ruses informatiques. A travers Zoom, nous avons perpétué nos réunions d’équipe en y ajoutant parfois un zeste d’humour avec un thème vestimentaire imposé pour un écran mosaïque coloré ! Il y a eu aussi de nouvelles opportunités de créer et des séances de brainstorming ont été mises en place afin de prendre la parole avec nos clients et partenaires.

Quel bilan tirez-vous ?

Nous avons vite vu que nos collaborateurs étaient positifs et agiles. Ils pouvaient gérer leur temps plus librement et mettre en exergue d’autre talents : beaucoup de créativité rafraîchissante et d’entraide rassurante. Plus de trajet, fini le stress des accompagnements quotidiens et des horaires impossibles à tenir, pas de bataille de place de parking. Une opportunité de journées plus équilibrées pour une vie plus saine ? La qualité du travail a été améliorée. Mais, soyons francs, les personnes performantes au bureau bénéficieront des bienfaits du Home office et le seront encore davantage, les autres tireront la couverture à elles. Il faut donc bien s’entourer !

Quel avenir pour le télétravail ?

L’expérience de cette crise doit nous permettre de repenser notre mode de fonctionnement. Nous devons moderniser la façon dont nous travaillons ensemble et s’adapter sans cesse. Après cette période, nous aurons évidemment à coeur de privilégier le bien-être de nos collaborateurs et celui de nos clients. Pourquoi ne pas envisager un télétravail de trois jours par semaine et deux jours au bureau ? Un bureau mobile ? Pas de bureau mais des endroits spécifiquement équipés pour se retrouver lorsqu’on a un besoin précis ? Mais se retrouver demeure clé pour l’esprit d’équipe. Il faut trouver le juste équilibre. Mais ce n’est pas encore possible pour les boutiques tant qu’elles ne sont pas virtuelles !

En quoi le télétravail a-t-il modifié votre manière de manager ?

Le Home office nécessite encore plus de clarté sur les règles et les attentes du manager pour que chacun puisse se concentrer sur l’exécution des taches et non pas sur les incompréhensions de la forme de communication. Il faut préciser les plages horaires et définir les règles de communication et de réactivité. Si c’est clair pour tous, le manager peut lâcher prise et évaluer sereinement les résultats. Ensuite il faut laisser piloter, mais délimiter les bornes en laissant les personnes choisir leur jour de Home office, mais sur une période donnée pour garantir une présence de tous en chair et en os lors de réunions et assurer la création de valeur et la sérénité. Définir un mode opératoire et le suivre pour assurer un contact régulier, presque routinier, tout en adaptant les différents outils de communication à votre propos : une information rapide se fera par WhatsApp, la formalisation de certains points par mail, un feedback de réunion par vidéoconférence… Mais il est important de garder de grandes plages horaires sans interférence pour laisser le temps au collaborateur d’avancer. J’en ai fait l’expérience. La situation soudaine de crise, qui m’a encouragée à garder contact avec le plus de monde possible, m’a obligée à avancer tôt ou tard sur les dossiers de fond. Une bonne leçon dont bénéficieront mes équipes pour le futur ! Et, bien sûr, préserver une part pour les rires et délires – travailler sérieusement sans se prendre au sérieux. Le Home office me conforte dans l’idée que la part du plaisir au travail est primordial et booste la productivité et l’engagement de chacun !


Odile Habel

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