Très haut débit. Si la cour des comptes préconise de diversifier les technologies, le département reste sûr d’avoir pris la bonne option.
Que pense-t-on dans l’Ain, du rapport de la Cour des comptes sur le déploiement du très haut débit en France ? Notre département occupe en effet la première place, avec 90 000 prises éligibles FTTH (Fiber to the home). Et il a passablement essuyé les plâtres de la création d’un réseau fibré français avec son initiative publique, portée par le SIEA (Syndicat intercommunal d’énergie et de e-communication de l’Ain) bien avant 2013 et le « Plan France très haut débit ».
Certaines phrases du rapport font d’ailleurs fortement écho à ce qu’il s’est passé sur notre territoire. « L’Etat a fixé des objectifs chiffrés en matière de très haut débit alors que les initiatives des collectivités locales ont préexisté et il n’est intervenu que tardivement pour les coordonner et les soutenir financièrement », note par exemple la Cour.
Régression
Forte de l’analyse de 47 projets couvrant la moitié de la population et le tiers du territoire national, celle-ci évalue le coût total du plan, estimé à 20 milliards d’euros à son lancement, à 34,9 milliards. Elle note que si l’objectif de couverture intermédiaire (50 % de la population en 2017) sera effectivement atteint, « l’insuffisance du co-investissement privé compromet l’atteinte de l’objectif de 100 % en 2022 ». Aussi préconise-t-elle, entre autres, de revoir les ambitions du plan à la baisse, « en introduisant un seuil minimal de débit montant et descendant » — 10 Mbps lui paraissent comme un bon débit pour les particuliers — et « en augmentant le recours aux technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné » : montée en débit du réseau cuivré, câble, satellite… Ceci, alors qu’elle reconnaît la fibre optique comme la technologie la plus performante.
On ne s’étonnera donc pas que Patrick Chaize, sénateur, maire de Vonnas, ancien directeur du SIEA, aujourd’hui président de l’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel), considère ces propositions comme une régression :
« Le rapport de la Cour des comptes fait une photographie à l’instant T sans tenir compte, ni du contexte, ni de la suite. Sur le sujet du numérique, il manque clairement de prospective, estime-t-il. Le très haut débit est un investissement industriel qui s’appuie sur le principe de la courbe en J. La première phase de cette courbe correspond à l’investissement, à des dépenses, donc au creusement d’un déficit. Ensuite, quand l’équipement devient opérationnel, il commence à générer des recettes jusqu’à atteindre un équilibre, puis à produire du résultat. Nous sommes encore dans la phase où l’on creuse le déficit, ce que la Cour des comptes constate sans se pencher sur la suite. C’est ce que je reproche à ce type de rapports alarmistes. Nous pouvons être confiants car c’est une opinion partagée par tous, y compris les opérateurs privés, que l’avenir est au très haut débit. Au niveau européen, il est établi que l’unité de débit à partir de 2025, c’est le gigabit. Pour atteindre ce type de débit, il n’existe aucune autre technologie que la fibre. »
Patrick Chaize reproche à la Cour de ne pas faire ce travail de prospective, « ce qui la conduit à faire des préconisations qui constituent des régressions et ne répondent pas aux objectifs de l’Europe ». Et celui-ci de lister les chantiers à ouvrir sur ce dossier, à commencer par la réticence des opérateurs qui n’ont pas toujours joué le jeu pour favoriser la commercialisation du très haut débit. « Ce n’est plus le cas dans l’Ain où nous avons à présent deux grands opérateurs sur le réseau d’initiative publique, SFR et Orange », remarque-t-il.
Vient ensuite la facilitation administrative du partage des infrastructures, dont les fourreaux. « C’est un vrai sujet pour le législateur qui devra éviter que l’opérateur historique devienne propriétaire d’une infrastructure passive, même si les relations avec ce dernier se normalisent. » Enfin, il conviendra de débattre du déploiement dans les zones rurales. « Médecine en ligne, commerce dématérialisé, télétravail, maintien à domicile des personnes âgées, notamment via les objets connectés… Ce sont elles qui ont le plus besoin de débit, mais ce sont les territoires où les infrastructures sont les moins rentables. »
Vers la disparition du cuivre ?
Pour Patrick Chaize, le réseau cuivré n’est appelé à aucun autre avenir que la disparition. « Demain, le taux de pénétration de la fibre sera de 100 % et non de 40 à 60 % comme l’avaient imaginé les premiers plans d’affaires pour son déploiement. Un niveau qui était de toute façon suffisant pour assurer l’équilibre des réseaux. » Le sénateur a même déposé un amendement à la loi Macron pour accélérer le processus. Cet amendement — dit « zone fibrée » — dispose que, à partir d’un niveau d’équipement en très haut débit signicatif sur un territoire, des mécanismes permettent de basculer les clients d’un réseau sur l’autre. « En clair, quand une commune sera équipée de la fibre optique, l’Arcep pourra rendre le cuivre plus cher pour favoriser la bascule, explique-t-il. C’est logique, d’ailleurs, puisque le prix du cuivre est axé sur une maintenance répartie entre un grand nombre d’utilisateurs. Et les relations avec ce dernier se normalisent. » Enfin, il conviendra de débattre du déploiement dans les zones rurales. « Médecine en ligne, commerce dématérialisé, télétravail, maintien à domicile des personnes âgées, notamment via les objets connectés… Ce sont elles qui ont le plus besoin de débit, mais ce sont les territoires où les infrastructures sont les moins rentables. » pour cette même raison, la rentabilité à terme des réseaux fibrés ne se pose plus. »
Par Sébastien Jacquart
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