Brexit : Beal tient la corde

par | 11 avril 2019

En raison du Brexit, BEAL, le leader de la corde mondiale situé à Vienne (38) a failli voir un tiers de son chiffre d’affaires envolé à cause d’un marquage “CE” devenu soudainement « défectueux ».

Dans les affaires comme dans la vie courante, avoir “le cul entre deux chaises”, c’est ce que l’on redoute le plus ! Mais c’est pourtant ce que vivent aujourd’hui des entreprises françaises qui commercent avec le Royaume-Uni, suspendues qu’elles sont à l’entrée en vigueur d’un Brexit dont la date ne cesse d’être repoussée en attendant que les protagonistes s’entendent ou non sur un “deal” ou un “no deal”, un Brexit version édulcorée ou “hard”, selon.

Dans son usine familiale au bord de la Gère à Vienne, Michel Beal présente ses cordes qui font le tour du monde et bâti leur notoriété grâce à une solidité à toute épreuve.

Si l’on n’entend pas plus que ça pour le moment les patrons français se plaindre, c’est que, d’une part, la sentence n’est pas encore complètement tombée, d’autre part, que la Perfide Albion économique joue parfaitement bien la montre en se raccrochant au simple fait que les prochaines élections européennes, en cas de revirement pro-européens dans les urnes, pourraient retarder plus encore l’entrée en matière du Brexit, ou, why not ?, l’ajourneraient complètement. Au pays où du “Time is money ! ”, le temps est aussi un atout.

En revanche, ceci pourrait n’être qu’un voeu pieu. « Nos entreprises ont intérêt à anticiper au mieux les conséquences d’un Brexit dont on ne sait pas encore quand il prendra effet, mais qui, de toute façon, prendra effet un jour ! », nous a confié Franck Testanière, directeur régional des douanes, dont l’organisme travaille sur les conséquences du Brexit depuis le vote de 2016.

Sur la corde raide

S’il en est un qui a cru bon anticiper, parce que son chiffre d’affaire se réalise justement à 40 % dans l’export, en partie dans le Royaume-Uni, c’est bien Frédéric Beal, directeur général de Beal SAS, leader mondial de la fabrication de cordes d’alpinisme et de sécurité. C’est cette entreprise viennoise qui fournit, à titre indicatif, les 10 km de cordes nécessaires qu’utilisent les entreprises de peinture lorsque la Tour Eiffel décide de temps à autre de se refaire une beauté.

Les mesures inhérentes au Brexit ont failli lui coûter la bagatelle de 4 M d’euros – le tiers de son chiffre d’affaires –, rapport au stock de marchandises qui lui aurait été impossible d’écouler en raison de son marquage “CE”. Car, pour commercialiser des produits soumis à des exigences européennes, chaque année, Beal est audité par un Organisme Notifié qui vérifie que ses productions répondent bien au cahier des charges. Pour cela, la société viennoise a sélectionné, voilà plus de 30 ans, SGS, un géant de la certification.

Si les audits sont effectués par ses filiales, le document administratif – l’accréditation CE –, lui, ne peut être délivré que par SGS UK, basé à… Londres. Or, à partir du 30 mars 2019, SGS UK ne devait plus se trouver sur le territoire de l’Union. L’accréditation délivrée ne serait donc plus valable. Depuis, SGS UK a trouvé la parade en amorçant le transfert de sa compétence exclusive de Londres vers la… Finlande.

Mais, conséquence immédiate en cas de “hard Brexit”, le 30 mars 2019, le fabricant de cordes allait devoir intervenir sur tous ses marquages afin de transformer son “CE 0120” anglais en “CE 0598” finlandais. Ce qui signifiait tout bonnement de changer toutes ses notices d’emploi, tous ses packagings, etc. De fait, les règles européennes étant extrêmement strictes, tous les articles produits avec le “CE 0120”, sous l’empire de l’accréditation valable de SGS UK, soit, l’intégralité des stocks, se retrouvaient “illégaux” pour marquage “défectueux”.

En raison du Brexit, BEAL, le leader de la corde mondiale situé à Vienne (38) a failli voir un tiers de son chiffre d’affaires envolé à cause d’un marquage “CE” devenu soudainement « défectueux ».

Happy end

« Nous avons poussé un ouf de soulagement ! Notre stock pourra bien être commercialisé, et ce, même en cas de hard Brexit », précise Frédéric Beal, directeur général de Beal SAS

Heureusement, ce scénario catastrophe a pu être évité grâce, notamment, au combat acharné qu’a mené l’entreprise et au forcing des élus qui ont saisi la Commission européenne. Cette dernière, dans sa grande mansuétude, s’est récemment fendue d’un communiqué expliquant que ce ne sera plus la date de mise sur le marché qui servira de référence, mais bel et bien la date de fabrication.

« Nous avons poussé un ouf de soulagement ! Certes, ce document est en parfait désaccord avec les textes européens actuels, mais cette position est salvatrice pour nous ! Notre stock pourra donc bien être commercialisé, et ce, même en cas de hard Brexit », se réjouit Frédéric Beal qui a retrouvé du lest. Comme on le comprend !


Par Éliséo Mucciante


Cet article est paru dans votre magazine ECO Nord Isère du 12 avril 2019. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, vous pouvez vous abonner ici.

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