BTP : l’inquiétude monte

par | 30 janvier 2023

Les entreprises du bâtiment et des travaux publics ont bouclé une année 2022 compliquée par la flambée des coûts des matériaux, les difficultés d’approvisionnement et la pénurie de main d’oeuvre. Si la baisse des marges a été atténuée par des carnets de commandes bien remplis, elles redoutent un ralentissement.

Comme 2021, 2022 est une bonne année pour l’artisanat, même si la croissance, qui est de 2 % au niveau régional, s’est un peu ralentie. Le marché des logements neufs a connu un coup d‘arrêt brutal en raison de la hausse des taux d’intérêt, de la flambée des coûts de construction aussi liée à la nouvelle réglementation environnementale (RE2020), et de la démarche ZAN (Zéro Artificialisation nette) qui demande aux collectivités de réduire de moitié leur consommation d‘espace d’ici à 2031.

« On a encore quelques chantiers en montagne en pays de Savoie, note Gérard Alborini, président de la Capeb 74, mais bientôt, on n’accordera plus de permis de construire. Il va falloir prendre un virage car d‘ici peu, les villas individuelles neuves ne représenteront plus que 10 % de notre activité. SFMI, société du groupe Avenir, premier constructeur de maisons individuelles en Rhône- Alpes a été mis en liquidation judiciaire en 2022. Et les promoteurs immobiliers connaissent eux aussi des difficultés. »

Le marché reste cependant boosté par la rénovation, plus particulièrement la rénovation énergétique. Les aides du gouvernement, mais surtout la hausse du montant de leur facture de chauffage, ont incité les particuliers à remplacer leur vieille chaudière énergivore par une pompe à chaleur et à améliorer l’isolation de leur logement. Si les perspectives de chantiers sont présentes, la réalisation des travaux est une autre histoire. En raison de l’explosion des coûts de l’énergie, le prix de certains matériaux s’est littéralement envolé, comme la tuile, les tuyaux pvc, les menuiseries ou encore les colles à carrelage.

Malgré le bouclier tarifaire reconduit par l’État afin de limiter à 15 % la hausse du prix de l’énergie pour les TPE, et un accord de la Capeb signé par une quarantaine de fabricants, visant à limiter les fluctuations de prix, les perspectives 2023 ne sont pas bonnes. Dans ce contexte, de plus en plus de clients commencent à douter et à retarder leurs projets.

« Le prix de la tuile et du cuivre a quasiment doublé en 2 ans et le coût des matériaux a globalement augmenté de 25 %, constate Gérard Alborini. On arrivait à gérer des augmentations de 3 à 5 %, mais quand elles sont aussi élevées et brutales, les entreprises doivent rogner sur leur marge. »

Quand un particulier a demandé un financement pour ses travaux de rénovation, il peut en effet difficilement assumer une augmentation et les artisans rencontrent des difficultés de trésorerie. « Il faudrait que cette inflation soit prise en compte au niveau des aides comme MaPrimeRénov, appuie Joëlle Safrand-Loup, secrétaire générale de la Capeb 73. Entre le moment où le dossier est déposé et le démarrage du chantier, le professionnel subit des hausses qu’il devra forcément répercuter. »

À la forte tension sur les prix s’ajoutent les difficultés d’approvisionnement qui touchent plus particulièrement les charpentiers et les plombiers-chauffagistes. Certains toits sont bâchés depuis plusieurs mois en attente de tuiles, les pompes à chaleurs se font aussi désirer et les artisans n’arrivent plus à chiffrer les devis, à planifier les chantiers et à donner des délais d’exécution des travaux à leurs clients. Et quand les tuiles arrivent, les charpentiers ne trouvent personne pour les poser…

Malgré le bouclier tarifaire reconduit par l’État afin de limiter à 15 % la hausse du prix de l’énergie pour les TPE, et un accord de la Capeb signé par une quarantaine de fabricants, visant à limiter les fluctuations de prix, les perspectives 2023 ne sont pas bonnes. Dans ce contexte, de plus en plus de clients commencent à douter et à retarder leurs projets.

« On ressent de la part de nos adhérents une grosse lassitude et une inquiétude pour 2023 », note Joëlle Safrand-Loup. Un sentiment que partage, au niveau régional, Vincent Gaud, président de la CMA Auvergne- Rhône-Alpes : « On sait déjà que 2023 sera une mauvaise année. Le marché du bâtiment est en train de redescendre et beaucoup d’entreprises vont être impactées. »

Vincent Gaud, Président de la CMA Auvergne-Rhône-Alpes : « La pénurie de main d’oeuvre est récurrente »

Nos départements sont-ils plus touchés que d’autres par la pénurie de main-d’oeuvre, par exemple la Haute-Savoie en raison de la proximité de la Suisse ?

Vincent Gaud, Président de la CMA Auvergne-Rhône-Alpes

La tension sur la main-d’oeuvre est partout. La proximité de la Suisse impacte en effet l’Ain et la Haute-Savoie, mais ce phénomène perdure et il ne n’est pas accéléré récemment. Dans ces départements, la population croît très vite et il y a du renouvellement, contrairement à des secteurs plus ruraux comme le Cantal où la situation est aussi tendue en raison d’une baisse du nombre d’habitants.

L’artisanat est le premier formateur d’apprentis en France, preuve de l’intérêt des jeunes…

Il y a en effet une forte dynamique sur l’apprentissage, même si elle est poussée en grande partie par les formations supérieures. L’augmentation du nombre d’apprentis reste mesurée (moins de 10 %) pour les diplômes avant bac qui correspondent à la majorité des emplois dans l’artisanat. Les jeunes sont donc de plus en plus diplômés, c’est bon pour notre image car cela veut dire que l’artisanat reprend ses lettres de noblesse. Mais cela ne résout pas notre problème de main-d’oeuvre car les artisans n’ont pas besoin de chefs mais de gens qui font le travail. Ils recherchent surtout des ouvriers, des compagnons et des contremaîtres.

Pourquoi de telles difficultés de recrutement ?

Aujourd’hui, un ouvrier du bâtiment gagne plus qu’une institutrice. Le problème n’est plus le salaire car la branche a fait beaucoup d’efforts dans ce domaine. Les métiers du bâtiment communiquent énormément et une dynamique s’est créée mais elle n’est pas suffisante. Pour faire un bon ouvrier, il faut 5 ans d’apprentissage, et 10 ans pour un bon technicien. Les apprentis d’aujourd’hui ne seront prêts que dans 5 ou 10 ans !

Pourquoi le turnover est-il aussi important dans les métiers du bâtiment ?

Le problème de main-d’oeuvre est aussi lié à un changement sociétal fort, surtout chez les jeunes. On n’a jamais eu autant de démissions ! Les jeunes ont moins la peur du lendemain, ils ont un idéal de vie différent et pour eux, le travail n’est plus une fin en soi. La génération des plus de 50 ans s’épanouissait dans le travail, et si elle gagnait bien sa vie, les loisirs venaient ensuite. C’est compliqué aujourd’hui d’attirer les salariés. Les entreprises du bâtiment doivent écrire une histoire et être sexy dans leur approche, pour donner envie. Il ne suffit plus de mettre une offre d’emploi et d’attendre. Il faut aller chercher les salariés dans les forums, sur les sites internet, dans les missions locales…. L’entreprise doit vraiment s’investir dans sa proposition d’emploi et donner une image très positive.

Nouvelle éco-contribution

Prévue pour le 1er janvier 2023 puis repoussée au 1er mai 2023, la nouvelle responsabilité élargie des producteurs concernant les produits et matériaux de construction du bâtiment (REP PMCB) impose à ces derniers de recycler leurs déchets. Les artisans doivent s’acquitter d’une éco-contribution sur les produits du bâtiment, qu’ils intégrent dans les prix de leurs marchés. Ils ne paieront plus le dépôt en déchetterie mais ils devront trier tous leurs déchets en les rapportant chez leurs fournisseurs ou dans un point de collecte.

Malgré le bouclier tarifaire reconduit par l’État afin de limiter à 15 % la hausse du prix de l’énergie pour les TPE, et un accord de la Capeb signé par une quarantaine de fabricants, visant à limiter les fluctuations de prix, les perspectives 2023 ne sont pas bonnes. Dans ce contexte, de plus en plus de clients commencent à douter et à retarder leurs projets.

Sylvie Piaget


Cet article est issu de notre hors-série Panorama économique 2023 du BTP, disponible en ligne ou au format papier.

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