Centres-villes : plus d’habitants, de commerces et de services

par | 12 avril 2021

« Action Cœur de ville » veut revitaliser les centres des 222 communes retenues au niveau national. Le programme doit permettre d’injecter, sur cinq ans, 5 milliards d’euros dans 7 000 opérations touchant au commerce, à l’habitat, au patrimoine ou encore à la mobilité.

Baux commerciaux à céder, rideaux baissés, magasins à vendre…. Les centres-villes déclinent, victimes tout à la fois de l’essor des zones commerciales périphériques, de l’étalement urbain, de la métropolisation. La dévitalisation commerciale en est la manifestation la plus visible, mais le phénomène s’observe également à d’autres niveaux comme le logement – dégradé ou vacant – et les services.

Ces difficultés se traduisent par un taux de pauvreté des villes moyennes (17,8 %) supérieur à la moyenne nationale (14,5 %). Le taux de vacance des logements est également plus important (8,2 % dans les villes moyennes contre 6,6 % nationalement) ainsi que le taux de chômage supérieur à la moyenne nationale pour 82 % des villes moyennes.

25 villes en Auvergne-Rhône-Alpes

Cet état des lieux a conduit à la mise en oeuvre, en 2018, des contrats “Action coeur de ville” (ACV). Sur l’ensemble du territoire national, 222 communes ont été retenues dont 25 en Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi elles, Rumilly (Haute- Savoie), Chambéry (Savoie), Bourgoin-Jallieu (Isère), Oyonnax, Ambérieu-en- Bugey et Bourg-en-Bresse (Ain). Toutes ont signé un contrat cadre engageant également leur intercommunalité ainsi que les acteurs publics et privés du territoire.

« L’échange avec les différents partenaires est déjà une plus-value de cette démarche de redynamisation des territoires. Il favorise les liens et, par conséquent, les actions communes qui peuvent s’envisager », souligne Jérémie Brun, chargé du développement des territoires à la chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) Auvergne-Rhône- Alpes.

ACV a donné lieu à une initiative, « Réinventons nos coeurs de ville de demain », visant à faciliter l’émergence de projets innovants. Chambéry figure parmi les 54 lauréats avec la reconversion de l’ancien site industriel Rubanox dont les bureaux et les 16 000 mètres carrés de halles industrielles s’étirent sur 4,1 hectares, à deux pas de la piscine et du stade.

Pilotage partenarial

Sur cinq ans, le programme ACV mobilise 5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’Action logement, 1,2 milliard de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), 1 milliard de la Caisse des dépôts en fonds propres et 700 millions d’euros de prêts. Élaboré en concertation avec l’association Villes de France, des élus locaux et les partenaires financiers nationaux impliqués, il est construit à partir d’un diagnostic complet de la situation du centreville concerné.

Environ 7 000 actions de revalorisation concrète sont annoncées autour de cinq axes : la réhabilitation/ restructuration de l’habitat ; le développement économique et commercial ; l’accessibilité, la mobilité, les connexions ; la mise en valeur de l’espace public et du patrimoine ; l’accès aux équipements et services publics. « La démarche est globale et prend en compte le centreville dans ses différentes composantes (mobilité, habitat, commerce, patrimoine…), ce qui oblige à une approche transverse.

Mais surtout, le mode opératoire imposé, avec l’écriture d’une feuille de route définissant les différentes étapes et les projets associés à court, moyen et long termes, se traduit dans les faits – en tout cas pour Rumilly – par une gouvernance collective, un plan d’action partagé et une animation et un suivi réguliers, avec déjà des résultats tangibles », observe la chambre de commerce et d’industrie (CCI) 74.

« C’est une grande satisfaction pour tous les acteurs qui ont oeuvré au programme »

Premier bilan : 2,1 milliards investis

Selon le bilan publié le 16 mars 2021 par le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités, ACV a déjà donné lieu à un investissement de 2,1 milliards d’euros. « Une action sur dix concerne les études et expertises nécessaires pour construire un projet de qualité, ambitieux, et cohérent », précisent les services de l’État.

Un premier échantillon des projets dans cent villes du programme montre que 537 opérations concernent la revitalisation du commerce et du développement économique. Instaurée par la loi Élan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) de novembre 2018, l’ORT (opération de révitalisation des territoires) – qui englobe des outils juridiques facilitant la reconquête des centres-villes – a fait l’objet de 229 conventions signées, à 76 %, par des communes ACV.

Parmi ces outils, une simplification des projets d’implantation commerciale en centre-ville, un renforcement de la procédure de préemption pour sauvegarder les petits commerces, ou encore un frein au développement du commerce en périphérie.

Sur ce point, une étude publiée en mai 2020 par onze étudiants du Centre universitaire d’enseignement du journalisme démontre que la marge de progression reste importante : les surfaces commerciales en périphérie ont continué de s’étendre dans 81 % des communes moyennes aidées pour revitaliser leur centre.

Amélioration continue

Engagée dans une démarche d’amélioration continue, ACV fait l’objet d’un suivi quantitatif et qualitatif débouchant sur l’établissement, chaque trimestre, de synthèses nationale et régionales.

Un kit d’autoévaluation est aussi à la disposition au niveau local. Cette volonté d’adaptation s’accompagne d’outils favorisant les échanges de bonnes pratiques autour d’une communauté élargie d’acteurs impliqués dans la revitalisation des coeurs de ville. Un forum des solutions assure, par exemple, la mise en relation avec des experts autour de projets concrets.

Dans l’Ain, une approche concertée appréciée

Les chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont associées au programme “Action coeur de ville”, souvent au centre du dispositif même. Ainsi, dans l’Ain, où le programme concerne Ambérieu-en- Bugey, Bourg-en-Bresse et Oyonnax, la CCI porte des postes de manager du commerce sur les trois territoires, en partenariat avec les collectivités et les unions commerciales, parfois avec l’État. Elle fait partie du comité de pilotage et du comité technique à Oyonnax, du comité de pilotage à Bourg et à Ambérieu, de certaines instances de travail.

À Oyonnax, des études ont été menées sur les cheminements, en lien avec les commerces.

« Pour la cité du plastique, nous avons réalisé les études préalables au dossier Fisac, conduit dans le même temps », énumère Thierry Tollon, directeur du service développement du commerce de la CCI de l’Ain. « Et nous avons planché par ailleurs sur la signalétique, ce que nous avions déjà fait pour Bourg et Ambérieu, il y a plusieurs années, justement dans le cadre du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce. On retrouve un peu dans “Coeur de ville” les fonctions que nous avions dans ce précédent dispositif et que nous aurons aussi dans “Petites villes de demain”. Le principe est similaire… à une échelle différente. Le mode de gouvernance et l’approche sont assez comparables. L’apport de “Coeur de ville”, c’est une dimension importante sur le logement, qui n’est pas le coeur de métier des CCI, même si nous avons notre mot à dire en termes d’impact des aménagements sur le commerce. »

Pour des raisons évidentes de coût des opérations, cette dimension constitue l’essentiel des projets et des financements associés au dispositif, avec l’amélioration de l’espace public. Mais, cela ne chagrine guère le représentant de la CCI de l’Ain : « L’augmentation de la population et la mixité sociale bénéficient au commerce. »

Et celui-ci de voir, comme nombre de parties prenantes, un autre avantage à “Coeur de ville” : des instances de concertation où sont croisées toutes les problématiques. « À Oyonnax, par exemple, des études ont été conduites sur les cheminements piétonniers. C’était une bonne chose d’aborder cette question dans une perspective d’accès aux commerces, pour éviter des fonctionnements en silo et des solutions qui ne fonctionnent pas. »

Bourgoin-Jallieu, capitale du Nord-Isère

Avec Vienne et Voiron, Bourgoin-Jallieu fait partie des villes iséroises retenues dans le dispositif national Action coeur de ville. Grâce à ce label, la municipalité bénéficie de soutiens financiers pour conduire un projet d’ensemble de redynamisation, d’embellissement, de sécurisation du centreville. La réfection de la place Jacquard constitue la première étape de ce projet d’ensemble. Inaugurée le 2 octobre dernier, elle a nécessité un investissement de 600 000 euros pour introduire davantage de verdure et de convivialité. Pour la rénovation de la place Carnot, qui s’engagera dans quelques semaines, c’est un budget de 2 millions d’euros qui est annoncé.

La place Jacquard, après rénovation.

« Elle va être plus végétalisée et plus attractive. Les articulations seront plus agréables et viendront valoriser les commerces alentour », développe le maire Vincent Chriqui. Au programme encore, la démolition du pont Saint-Michel. L’ouvrage, qui présente des faiblesses structurelles trop importantes pour être conservé, sera démoli entre 2021 et 2022. Hors frais de désamiantage, le chiffrage est estimé entre 380 000 et 430 000 euros. Ce n’est qu’une première étape car l’installation d’une passerelle est envisagée, tout comme, surtout, la réhabilitation du quartier Saint-Michel.

Par le biais de la plateforme « Démocratie participe », les habitants sont invités à s’impliquer dans cette opération en donnant leur avis ou en partageant leurs idées. Au-delà des projets structurants, Bourgoin- Jallieu a sélectionné des actions portant sur l’économie, le cadre de vie, l’accessibilité et l’habitat. « Nous procédons au recrutement d’un directeur de projet “Action coeur de ville” », ajoute Océane Roulot, adjointe en charge de la politique de la ville et de “Coeur de ville”. « Un manager de centre-ville va également être recruté. »

Chambéry, au 2ème rang des villes moyennes les plus attractives

Avec 2,1 millions de passages mensuels depuis mars 2020, Chambéry vient de se classer au 2e rang des villes moyennes les plus attractives*. « C’est une très grande satisfaction pour tous les acteurs qui ont oeuvré au programme “Action coeur de ville” », se réjouit Stéphane Bizouard, commerçant à Chambéry et président de la commission “commerce” à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Savoie. L’élément déclencheur de la démarche ? L’accélération de la vacance commerciale suite au transfert du centre névralgique des bus, en 2016.

Chambéry se classe au 2e rang national des villes moyennes en termes d’attractivité.

« La capacité du tryptique union commerciale, CCI et Ville à travailler main dans la main est la clé pour renforcer l’attractivité auprès des habitants, des chalands, des touristes », poursuit Stéphane Bizouard. Parmi les opérations qui se sont concrétisées, l’ouverture d’une boîte à commerce.

Le dispositif consiste à racheter, dans un secteur en difficulté, une boutique vacante en vue d’y installer un commerçant sélectionné par un jury et accompagné durant les premières années de manière à garantir sa pérennité, et de créer un effet boule de neige, l’attractivité des uns profitant aux autres. Implantée rue d’Italie, La cachette de Linette, qui propose une sélection d’articles fabriqués en France, est la première boutique qui a ouvert ses portes sur ce modèle. D’autres boîtes à commerce devraient suivre.

« Le commerce c’est un écosystème. Plutôt que de chercher à rouvrir les boutiques, nous travaillons sur un parcours marchand autour d’un périmètre plus restreint mais dense dont l’attractivité repose sur le commerce mais aussi la présence de services, d’habitants, un patrimoine de qualité, etc. », poursuit Stéphane Bizouard.

La boutique éphémère Effet d’art, ouverte en décembre 2021 au centre-ville pour accueillir 19 artisans savoyards, est aussi une concrétisation de la démarche “Action coeur de ville”. Pour Maryline Vérot, chargée de mission à la chambre de métiers et de l’artisanat, l’action a été très bénéfique en termes de chiffre d’affaires réalisé et de fréquentation : « Le succès a été tel que quatre des créateurs se sont réunis pour monter leur propre boutique. » Ce concept de boutique éphémère pourrait inspirer d’autres villes moyennes.

Un effet de levier intéressant à Rumilly

Quand elle s’est déclarée candidate à “Action coeur de ville”, Rumilly travaillait sur des projets qu’elle essayait de conduire seule. « Au-delà de l’ingénierie et des financements apportés, la démarche permet un effet de levier important », souligne Daniel Déplante, premier adjoint au maire. Ouverts en janvier 2020 à l’emplacement d’une bâtisse vétuste, les jardins de la vieille ville illustrent la transformation engagée pour ramener de la nature dans la cité. Sur le site de l’ancien hôpital, l’opération du Forum comprend des logements, un parking public, des cheminements piétons, un parvis et des espaces verts.

“Action coeur de ville” passe notamment par l’introduction de la nature dans le centre.

Une nouvelle opération d’aménagement est en gestation au niveau des rues Montpelaz et des Tours. Elle prévoit des aménagements urbains privilégiant le végétal, des logements diversifiés pour ramener des habitants dans le centre, des parcours marchands lisibles reposant sur une offre attractive. Rumilly dispose d’un linéaire commercial qui dépasse les 1 000 mètres alors qu’il devrait être deux fois moins important pour bien fonctionner.

Dans les centres anciens, les opérations sont souvent complexes en raison de boutiques trop petites, d’accès parfois liés aux logements en étages, de propriétaires multiples. Le comité d’action économique est l’un des partenaires de la ville. « Nous sommes maître d’ouvrage d’une action concernant la digitalisation, avec notamment la création d’une place de marché (monrumilly.fr) lancée en urgence durant le confinement », précise Pierre Denier, son directeur.

Au total, “Action coeur de ville” se traduit par une trentaine d’opérations représentant un investissement global de l’ordre de 28 millions d’euros. S’ajoutent les parkings, qui nécessiteront entre 4 et 10 millions selon les options retenues.


Dossier réalisé par Sophie Boutrelle, avec Sébastien Jacquart et Carole Muet

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