Une entreprise, c’est fait pour tourner. Pour les dirigeants et leurs équipes, il y a eu le temps de la sidération lorsque le confinement a été imposé, puis le temps de l’adaptation les premières semaines. Vient maintenant le temps de l’action. Toutes les « boîtes » des pays de Savoie ne se sont pas arrêtées le 17 mars. Tout de même, la plupart ont marqué une pause plus ou moins complète. Bien sûr, maintenant, toutes ne peuvent pas reprendre leur activité. Mais toutes les équipes y songent. Nous vous proposons un tour d’horizon de figures emblématiques (Ugitech, NTN-SNR) et de PME (Kässbohrer, Vinatis) comme les autres.
KÄSSBOHRER DÉSINFECTE SES LOCAUX À GRANDS COUPS DE BRUMISATEUR

Kässbohrer, leader mondial des engins de damage, n’a jamais cessé son activité sur son site à Tours-en-Savoie. Même si, actuellement, huit employés seulement sur les quarante-cinq travaillent (les autres sont en télétravail ou au chômage partiel) : cinq mécaniciens à l’atelier, une personne à la livraison des pièces de rechange et deux autres dans les bureaux. De quoi assurer le minimum. Le directeur général Didier Bic a fait en sorte que chacun respecte les gestes barrières et que personne ne se croise. Il s’agit de ne pas rater le printemps et l’été, une période importante pour l’entreprise, consacrée à l’entretien et à la réparation des dameuses, sur site et en station. Si, pour l’heure, les vingt fourgons-ateliers sont à l’arrêt – avec toutefois quelques rendez-vous pris en mai –, le dirigeant veut éviter de prendre trop de retard et alléger la pression à l’automne, d’ordinaire chargé. Alors, pour accélérer la reprise, il a fait le choix de désinfecter ses locaux à grande échelle en recourant à une technique mise au point par EmiControls (groupe TechnoAlpin), qui consiste à brumiser une solution mêlant eau et agent désinfectant sur les surfaces à nettoyer, en utilisant la technologie des enneigeurs (une première en France). « Ce procédé utilisé et validé en Italie garantit un niveau de protection sanitaire optimum aux collaborateurs », assure Didier Bic. En premier lieu, l’atelier et la zone de stockage ont été traités, pour permettre aux clients de récupérer en toute sécurité les pièces de rechange des machines, dont le stock a été renforcé.
Dans ce contexte atypique, le constructeur anticipe une baisse d’au moins 20 % des ventes de machines, suite à une saison hivernale écourtée. L’activité maintenance et service, elle, devrait s’intensifier pour prolonger la durée de vie des parcs machines des stations.
P.R.
VINATIS SE RÉORGANISE EN 4X6 POUR LIVRER

Au parc des Glaisins (Annecy), dans les locaux de Vinatis, spécialiste de la vente en ligne de vins et spiritueux, un salarié s’active de jour comme de nuit pour décharger et (surtout) charger les quatre à cinq semi-remorques qui partent chaque jour. Ici comme ailleurs, il a fallu se réorganiser pour assurer la continuité des services et livrer les clients dans toute la France et l’Europe. D’ordinaire vingt-cinq dans l’entrepôt de 4 000 mètres carrés, les préparateurs ne sont plus que douze au maximum. « Pour respecter les règles de sécurité et éviter tout contact, j’ai dû élargir les plages horaires de travail. Quatre équipes de douze fonctionnent en 4×6, sur la base de 30 heures au lieu des 37,5 heures habituelles », détaille Emmanuel Toussaint, le dirigeant-fondateur de Vinatis. Et il précise : « Quand il faut, en temps normal une demi-heure à trois personnes pour recharger un semi-remorque (33 palettes de 600 bouteilles), désormais ce temps est multiplié par trois avec une seule personne. » Sécurité oblige. Côté bureaux, les quarante-cinq salariés sont tous en télétravail… à une période où les commandes affluent : soit plus de 15 000 en mars contre 11 000 en moyenne en 2019. Le pure player a dû recourir aussi à l’intérim pour pallier les absences des salariés qui ont des enfants, c’est-à-dire près d’un sur quatre dans cette entreprise où la moyenne d’âge est de 27,5 ans. Certains en ont profité pour poser des congés. « Tous ceux qui travaillent le font sur la base du volontariat », précise le dirigeant, à la tête d’un chiffre d’affaires de 28,4 millions d’euros en 2019 avec soixante-dix salariés.
P.R.
NTN-SNR DÉPLOIE L’ARTILLERIE LOURDE

Après trois semaines d’arrêt total pour cause de confinement, l’activité redémarre au ralenti chez NTN-SNR, fabricant mondial de roulements. À date, 90 salariés sur les 2 800 sont à nouveau à leur poste sur les sites d’Annecy, Seynod et Argonay. « Nous avons relancé certaines lignes de production pour répondre aux urgences de donneurs d’ordre mondiaux, dans les secteurs de l’industrie, de l’automobile et de l’aéronautique, qui réclament des pièces de rechange indispensables à l’alimentation de leurs chaînes de production et de réparation », pointe Christophe Espine. Selon le directeur de la communication de NTN-SNR groupe, la reprise sera très progressive dans les semaines à venir. Avec, à la clé, et condition sine qua non, un protocole sanitaire drastique, mis en place dès fin janvier, « pour bien gérer cette reprise ». En collaboration avec le médecin du travail interne à l’entreprise, le service hygiène & sécurité et le CSE, le groupe a défini une série de mesures barrières à appliquer : gestion des flux des personnes pour éviter qu’elles se croisent (jusque dans les pauses, le réfectoire et les vestiaires), interdistance obligatoire, livret de bonnes pratiques à destination du personnel qui doit être signé avec un contrôle chaque matin, remise d’un kit sanitaire à chaque salarié contenant masque, gants, sac pour la tenue de travail et bouteille d’eau pour éviter tout risque de contamination… Et, dès la fin de la semaine, l’affichage sera renforcé à l’entrée de chacun des cinq sites et des vidéos seront diffusées sur un support dédié et sur les écrans TV en réseau. Une hotline a aussi été mise en place pour répondre aux questions des salariés. Pour Christophe Espine, l’accélération de la reprise dépendra aussi de l’état des marchés européens voire mondiaux. Pour l’heure, moins de 5 % de la production est assurée.
P.R.
REPRISE PROGRESSIVE D’ACTIVITÉ CHEZ UGITECH

Depuis le 6 avril 2020, la production redémarre progressivement chez Ugitech afin de répondre à la demande de ses clients. « Alors que nous avons été dans le creux de la vague en 2019, notre carnet de commandes est plutôt bon actuellement. Il est important pour nous de ne pas provoquer de rupture chez nos clients », explique Patrick Lamarque d’Arouzat, le directeur général du groupe uginois. Spécialisé dans les produits longs en acier inoxydable et en alliage pour différents secteurs (automobile, bâtiment, aéronautique, médical…), Ugitech réalise un chiffre d’affaires annuel de 600 millions d’euros avec 2 000 salariés (dont 1 300 à Ugine). Il a mis à profit l’arrêt de la fabrication, le 18 mars, pour procéder à une analyse des risques, atelier par atelier. Cet état des lieux sanitaire a débouché sur un train de mesures visant à garantir la sécurité des salariés : distanciation des postes de travail, pose de plexiglas lorsque les distances de sécurité ne peuvent être respectées, port de casques d’électriciens avec visière intégrée, désinfection complète des ateliers, mise à disposition de kits de désinfection, installations de modules abritant des vestiaires et sanitaires supplémentaires, etc. Concernant les visiteurs, leur nombre est réduit au strict minimum et leur entrée dans l’usine reste conditionnée à un questionnaire. Les opérations de chargement/déchargement impliquant des livreurs font également l’objet de dispositions spécifiques afin d’éviter les contacts. Élaboré en lien avec la médecine du travail, le comité social et économique (CSE) et des experts indépendants, le protocole de reprise a été approuvé par trois organisations syndicales sur quatre (CFE-CGC, FO et CFDT). Il s’échelonne sur trois jours afin de détailler les mesures en place et les gestes barrières à respecter. « Nous faisons vraiment le maximum pour que la reprise du travail se fasse dans des conditions optimum », précise Patrick Lamarque d’Arouat. « Mais chacun doit aussi être acteur de la sécurité et nous faire remonter des sujets d’amélioration. Nous n’imposons pas non plus le retour au travail. »
S.B.
Dossier réalisé par Patricia Rey et Sophie Boutrelle, coordonné et introduit par Philippe Claret
Photo d’ouverture : le site d’Ugitech à Ugine (© Ugitech)
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