Face à la crise sanitaire Covid-19, les producteurs locaux sortent des sentiers battus pour trouver des débouchés et des clients.
Le marché du jeudi matin, à Aime, est devenu le point de rendez-vous favori des agriculteurs fédérés au sein de l’association Une montagne de producteurs. Ils sont une douzaine à avoir décidé, au printemps 2020, de travailler ensemble. « Tout est parti d’une demande de la mairie d’Aime, sollicitée par des habitants qui souhaitaient l’ouverture d’un magasin de producteurs. La chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc a organisé une réunion d’information qui a fini de nous convaincre », raconte Charlotte Fattet, la présidente de l’association.
S’ils envisagent, pour fin 2021, l’ouverture d’un point de vente en Haute- Tarentaise, les associés ont déjà décidé de faire stand commun au marché. Pour couvrir les frais de l’association, une commission de 10 % est prélevée sur leurs ventes. Le taux est fixé à 22 % pour les “dépôt-vendeurs”. « Ce sont des producteurs locaux dont nous vendons les produits afin de compléter notre offre, mais qui ne sont pas associés », précise Charlotte Fattet. Une nouvelle étape vient d’être franchie avec le lancement d’un drive fermier reposant sur des points de retrait dans les fermes.
Point de rassemblement
À Annecy-le-Vieux, Aline et Cédric Dussollier développent “Aux douceurs de la ferme”. L’exploitation laitière vend une partie de son lait à la coopérative de Villaz et transforme l’autre partie en yaourts, crèmes desserts et glaces. « Pendant le premier confinement, beaucoup de clients venaient nous voir à la boutique. D’autres exploitants étaient en difficulté car ils n’étaient pas en mesure de recevoir du public. Nous les avons donc invités à venir sur notre parking durant les heures d’ouverture de notre point de vente », explique Aline Dussollier.
Le succès a été tel que l’opération se renouvelle pour cette fin d’année, et s’élargit même à des producteurs locaux de mets plus festifs, comme le foie gras et les escargots. « Notre démarche est totalement gratuite, mais il est sûr que l’élargissement de l’offre attire davantage de monde. Au bout du compte, tout le monde s’y retrouve », poursuit l’agricultrice. Elle vient, par ailleurs, d’investir dans un distributeur qui permettra aux clients d’accéder en permanence à différentes gammes de produits alimentaires.
De nouveaux marchés
Spécialisée dans la production d’oeufs de poules en plein air, la Fermette d’Émeline a ouvert ses portes en février 2020 à Val d’Arc (73). « Je suis engagée dans une démarche totalement transparente, respectueuse des circuits courts et du bien-être animal. Mes poules disposent de 20 000 m² pour gambader, et nous avons prévu l’ouverture d’un sentier pédagogique », souligne Émeline Vincent-Lévèque, sa créatrice, obligée de composer avec la crise sanitaire et la grippe aviaire. La vente auprès des particuliers s’organise avec un système de libre-service reposant sur la confiance : les clients se servent et posent l’argent dans une boîte.
En revanche, pour compenser l’absence de débouchés du côté des restaurants, Émeline Vincent-Lévèque se tourne vers les marchés et d’autres professionnels comme les boulangeries. Les grandes et moyennes surfaces offrent également des débouchés potentiels pour les producteurs locaux. « Le travail que nous avons effectué pour partager les listes des acheteurs d’un côté, des agriculteurs de l’autre, a porté ses fruits. Même si la marge de progression reste faible pour certains produits déjà très implantés, comme le fromage », note Cédric Laboret, le président de la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc.
Le référencement en grande distribution influe peu sur les prix, semblables à ceux pratiqués par les grossistes. En revanche, il implique des évolutions pratiques à différents niveaux, comme les codes-barres et les emballages. Pour les produits qui n’ont ni l’un ni l’autre, il faut franchir le pas. Mais des enseignes ont déjà fait savoir qu’elles souhaitaient travailler dans la durée avec des agriculteurs du territoire.
Distribution : les artisans aiguisent leur art
Issu de savoir-faire qui se transmettent de génération en génération, l’artisanat d’art français est une vitrine d’excellence mais son chiffre d’affaires s’effondre. « Beaucoup de créateurs sont des passionnés qui travaillent seuls. Il est très difficile de les fédérer voire même de les amener à effectuer les démarches pour décrocher les aides auxquelles ils pourraient prétendre », se désole Alain Mossière, le président de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) 74. Après la fermeture de leurs boutiques et ateliers durant les deux confinements, ils subissent l’annulation en chaîne des marchés, marchés de Noël et autres salons.
La CMA 74 espère bien que les Journées européennes des métiers d’art en région d’Annecy, annulées en avril 2020, pourront se tenir en avril 2021. Elle réfléchit aussi, avec les collectivités, à l’ouverture de « boutiques » mutualisées qui accueilleraient les artisans d’art du territoire. À Chambéry, 19 créateurs ont pu présenter ensemble leurs oeuvres dans une boutique éphémère. L’opération est portée par la Ville, Cristal Habitat et la CMA 73.
« Beaucoup de créateurs sont allés se plonger dans de grandes plateformes de vente en ligne généraliste, au risque de se noyer dans la masse », observe Fabien Jacques, coordinateur des actions de financement chez France Active Savoie Mont-Blanc. « Quant à la vente en ligne, elle est difficile sans fichier client et sans clientèle établie. »
Hooa valorise le savoir-faire français
Lancée fin juin 2020, la plateforme Hooa développe à la fois une place de marché et un espace ressources. « Nous Distribution : les artisans aiguisent leur art fédérons déjà une trentaine de créateurs sur l’ensemble du territoire national et recevons quotidiennement des demandes. Notre ambition est d’aller très vite à l’international », explique Noor Bahmed, sa créatrice. Hooa, qui se rémunère avec un abonnement mensuel modique et un pourcentage sur les ventes, vise, d’ici deux ans, un chiffre d’affaires de 200 000 euros. Implantée à Chambéry, la société s’appuie sur une équipe de trois personnes et un réseau de partenaires.
Savon bulle de douceur
Stéphanie Leclerc a quitté la région parisienne pour créer, à Jongieux (73), “Savon bulle de douceur”. Ses savons et shampoings secs sont fabriqués de manière artisanale, à froid, avec le lait de ses chèvres. Face à la baisse de ses ventes, elle est allée taper à la porte de grandes et moyennes surfaces de la région qui ont accepté d’accueillir sa production. « Mais pour vendre, il faut être présent et expliquer aux clients les spécificités de mes produits », explique la créatrice, qui vient aussi d’investir dans un site de vente en ligne. Dans ses projets encore, le développement de la clientèle des comités d’entreprises et des professionnels.
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