Gestion des déchets, exploitation des ressources naturelles, biodiversité… plus que jamais, les préoccupations environnementales imprègnent nos vies et nos esprits. Et sont également bien présentes au sein des entreprises. La prise en compte de ces enjeux peut-elle constituer une opportunité pour ces dernières ? Même si la réponse est plutôt oui, la situation n’est pas simple. Greenwashing et/ou manque de connaissance sur les questions économie-énergie-climat ?
Parce qu’ils obligent à repenser un modèle, à se projeter et à investir, à se remettre en cause, les enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés peuvent (aussi) être sources d’innovation dans les entreprises. Tant dans les produits développés, que dans la manière de les concevoir et de les fabriquer, ou dans l’organisation du travail. « Les chefs d’entreprise ont pris ces questions à bras-le-corps depuis des années et font le maximum pour avancer », assure André Falcomata, secrétaire général de la CPME Haute-Savoie, pour qui l’environnement est positif pour l’image de l’entreprise et peut même lui faire gagner des clients.
Même enthousiasme pour Marine Coquand, déléguée générale du Medef Savoie : « La prise en compte de l’environnement est une question de bon sens et a des effets essentiellement positifs pour l’entreprise. » Pour autant, les temps sont durs. La énième crise qui s’annonce promet d’être difficile. Pas étonnant qu’au fil des échanges, l’enthousiasme de départ se soit parfois un peu tari, comme avec la CPME Savoie : « Les PME et TPE sont en grande difficulté. Elles doivent faire face à la flambée des prix de l’énergie et des matières premières tout en intégrant une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux. Cette équation est extrêmement complexe à résoudre. Au point qu’il nous est impossible de dire si l’environnement représente une opportunité ou un frein. Disons que c’est une obligation : les entreprises n’ont pas le choix d’aller ou non sur ce terrain et donc s’y tiennent, notamment en innovant, comme elles l’ont toujours fait », résume Marie- Laure Rey, secrétaire générale.
« Notre modèle économique et sociétal est remis en cause. Les économies, la sobriété, tout cela est important et il va falloir passer par là. Mais le vrai problème est que l’on est dans un monde aux ressources finies, donc nous ne pouvons pas être dans une fuite en avant permanente. Il est grand temps de rentrer dans un système qui intègre ces paramètres, en revoyant notre mode de production et de consommation. Et les chefs d’entreprises sont au coeur du réacteur pour accomplir cela. »
Dominique Favario

Faire des économies
Contrainte ou volontaire, la prise en compte de facteurs environnementaux – lutte contre le gaspillage, épuisement des ressources… – peut être un levier d’économies pour l’entreprise. En la matière, la gestion du poste déchets, et la réduction de ceux-ci en priorité, offre un exemple éclairant. Car produire moins de déchets, cela signifie éviter les coûts, parfois élevés, liés à leur gestion, de la collecte à leur devenir (valorisation, élimination). Cela signifie également épargner des ressources – lesquelles ne sont pas infinies – en redonnant une seconde vie à des matières qui seront recyclées dans de nouveaux produits. Y compris, lorsque cela est possible, en réintroduisant cette matière secondaire dans sa propre chaîne de production, formant ainsi de belles boucles d’économie circulaire, avec des emplois locaux à la clé.
« Gestion des déchets, circularité des process, rejets dans l’atmosphère et/ou dans l’eau : les entreprises du décolletage ont investi depuis plus de quinze ans dans ces différents pans de l’environnement et il y a toujours des actions en cours », explique Camille Pasquelin, la directrice du SNdec (Syndicat national du décolletage). Et de citer, notamment, le dispositif “Arve pure” proposant un accompagnement technique et financier à des entreprises et collectivités pour réduire les rejets de micropolluants (hydrocarbures, huiles de découpe, métaux lourds, résidus plastiques…). Depuis 2007, plus de 950 entreprises ont été diagnostiquées (dont 50 % d’entreprises du décolletage, selon la directrice), pour 40 millions d’euros de travaux réalisés, représentant jusqu’à 70 % de subventions et 2,4 M€ d’aides de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.
« Un plus » lors des recrutements
« De réalités réglementaires et contraignantes en matière de rejets et de protection de l’eau, ces entreprises ont fait – et nous les y avons aidées – autant d’opportunités : elles se sont mises en mouvement, ont investi dans des projets d’optimisation de leurs équipements productifs pour, finalement, gagner en performance industrielle et en compétitivité », explique la directrice, qui craint cependant que la crise énergétique ne vienne freiner cet élan. Du côté des ressources humaines, à l’heure où des entreprises disent se heurter à des difficultés de recrutement, la question se pose de savoir si l’engagement écologique peut être un critère d’attractivité pour de futurs salariés : des enquêtes et sondages récents vont dans ce sens.
Analysant le rapport des salariés à la transition écologique en entreprise, une étude parue en mai 2021, menée par l’institut CSA pour LinkedIn et l’Ademe sur 1 004 salariés du privé, du public et d’ONG*, établissait, qu’à offre équivalente, 78 % des salariés préféreraient rejoindre une entreprise engagée pour la transition écologique. Recrutée en mai au poste d’assistante communication et marketing de Polieco France, dans l’Ain, Valentine Bidard explique « n’avoir pas eu forcément, au départ, pour objectif de trouver une entreprise qui avait de fortes valeurs environnementales » mais, à l’heure des choix, cela a constitué « un plus » pour elle qui, comme de nombreux jeunes, est sensibilisée depuis toujours à l’importance du recyclage : « Ce sont des valeurs que je partage et que je vais donc avoir plaisir à défendre », assure la jeune femme.
Une question vitale !
Pour Dominique Favario, qui est issu du monde économique (il préside notamment le groupe DVélos, réseau de magasins de cycle sur les deux Savoie) tout en étant très impliqué dans les enjeux du monde de demain (il préside aussi le festival Livres en Marches, près de Chambéry ; lire Éco du 9 septembre), la question doit être appréhendée dans toute sa complexité. « La prise en compte de l’environnement est une question vitale pour les entreprises. Celles qui ne le font pas iront dans le mur », assure-t-il. À ses yeux, le problème auquel nous sommes confrontés est structurel.
« Notre modèle économique et sociétal est remis en cause. Les économies, la sobriété, tout cela est important et il va falloir passer par là. Mais le vrai problème est que l’on est dans un monde aux ressources finies, donc nous ne pouvons pas être dans une fuite en avant permanente. Il est grand temps de rentrer dans un système qui intègre ces paramètres, en revoyant notre mode de production et de consommation. Et les chefs d’entreprises sont au coeur du réacteur pour accomplir cela. » À bon entendeur…
Lire le dossier complet sur https://groupe-ecomedia.com/magazine-eco-savoie-mont-blanc-21-octobre-2022/
Dossier réalisé par Nadia Lemaire
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