Serions-nous une génération d’idiots ? Peut-être bien, finalement. En témoigne le constat établi par Edward Dutton, anthropologue anglais : « Nous devenons de plus en plus stupides ». Ça, c’est dit.
Ce chercheur vient de démontrer, dans une étude passionnante, que le quotient intellectuel des appelés d’une armée scandinave ne cesse de diminuer au fil des années, sur vingt ans de recherches. Un phénomène commun à d’autres pays occidentaux. A priori, ce qui se produit au niveau du QI de l’armée peut potentiellement être appliqué au reste de la population. Le chercheur argumente : cette chute du QI, associée (ou non) avec des troubles du comportement qui touchent d’une manière hélas récurrente de plus en plus d’enfants, est préoccupante. Pour certains scientifiques, les perturbateurs endocriniens seraient en cause, et nous baignerions davantage dans un bouillon chimique que dans un bouillon de culture.
À mon sens, d’autres facteurs agissent comme autant de stimuli, précipitant encore davantage cette baisse (d)énoncée par les scientifiques. Je pense évidemment à l’école, en première ligne. Dès la maternelle, je constate avec effarement le delta ostensiblement creusé, entre la volonté – louable – de l’Éducation Nationale, et ce qu’il se passe dans la réalité. Sous un vocable discutable, on nous annonce que nos petits vont « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions », « construire les outils pour structurer la pensée », etc.
Soit. Bon, en clair, ils vont apprendre à s’exprimer à l’oral et commencer à utiliser « l’outil scripteur » (le stylo) pour tracer quelques premiers mots. Les enfants jouent avec un « référentiel sphérique exocentré » (un ballon), avant, peut-être, de s’adonner à « une activité duelle de débat médiée par un volant » (le badminton).
« Je constate avec effarement le delta ostensiblement creusé, entre la volonté – louable – de l’Éducation Nationale en matière de formation, et ce qu’il se passe dans la réalité. »
Ils peuvent également courir (« créer de la vitesse ») ou, pourquoi pas, soyons fous, « se déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé », en somme, la piscine. Nos enfants, les apprenants (ou, pour l’Éducation Nationale : « toute personne engagée dans un processus d’acquisition de connaissances et de compétences »), progressent-ils plus vite, ou mieux ? Je n’en suis pas sûre. Parfois, pourtant, la sémantique prend tout son sens. À l’heure où de nombreux pays ont bien compris que le monde extrêmement concurrentiel qui nous entoure exige de se lancer dans une certaine économie de la connaissance et font tout pour former les meilleurs en leur sein, notre gouvernement se pose (enfin) la question d’une profonde réforme du bac et, notamment, de l’entrée à l’université. Entre les amphis surchargés, le manque récurrent d’enseignants et les jeunes qui voient leurs vœux refusés, il est vrai que le système universitaire français semble avoir du plomb dans l’aile. Se pencher sur cette question de la formation est primordial, en ce sens qu’elle modèlera, pour partie, la société de demain. Le plan « étudiants » présenté par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, ouvre une brèche vers ce mot honni et vulgaire de sélection. Il me semble qu’au contraire, introduire cette notion redonne ses lettres de noblesse à ce type de formation, qui a davantage gagné ses dernières années l’image d’un grand bazar où l’on place tous ceux que l’on n’a su mettre ailleurs. L’arbitraire réside dans le tirage au sort, pas dans le vœu (pieux ?) du gouvernement que les jeunes démontrent les compétences inhérentes aux formations choisies. On pourra toujours dénoncer l’élitisme – à mon sens, il n’est pas toujours où l’on croit.
Myriam Denis
Rédactrice en chef adjointe
m.denis@eco-ain.fr
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