« Le Beau est une manifestation des lois secrètes de la nature qui, sans cette révélation, seraient toujours restées inconnues », énonçait doctement Goethe.
Justement, notre belle et douce France recèle de mille trésors qui font de notre pays un haut lieu touristique mondial. Loin d’être anecdotique dans notre économie (macro et micro, d’ailleurs), le tourisme qui en découle est non seulement une source indéniable de profits et d’emplois, mais aussi une excellente raison, s’il en fallait, pour protéger au mieux notre patrimoine. C’est, il me semble, dans cette logique qu’a été édictée, il y a plus d’un siècle de cela, la toute première loi protégeant les paysages (1906), complétée, amendée, améliorée ensuite par celle de mai 1930, gravant dans le marbre (enfin, c’est ce que l’on pouvait imaginer) la sauvegarde de ce patrimoine. Pour, aujourd’hui, selon le ministère de la Transition écologique, atteindre les 2700 sites classés (soit 1 088 590 hectares) et les 4000 sites inscrits, lesquels, en totalité, représentent environ 4 % de notre territoire.
« JE SALUE L’INITIATIVE DE VOULOIR SIMPLIFIER LES NORMES, J’AURAIS PRÉFÉRÉ QUE CELA S’EXERCE POUR FLUIDIFIER LE CARCAN ADMINISTRATIF QUI ENSERRE VIGOUREUSEMENT TOUTE VOLONTÉ D’ENTREPRENDRE. »
Pour préserver au mieux la biodiversité et l’équilibre fragile de ces territoires, la construction, l’exploitation, l’aménagement y sont en toute logique strictement réglementés. C’est sans nul doute ce qui évite la transformation en gruyère des calanques de Marseille, du massif du Mont-Blanc, de la dune du Pilat, etc. Une loi nécessaire, donc, pour préserver notre patrimoine des appétits dévorants et court-termistes de certains. Sauf que la politique du « en même temps » d’Emmanuel Macron est en train de passer par là, ronronnant en délicat bulldozer qu’il est. Ainsi, depuis quelques mois, et pour l’heure d’une façon assez confidentielle, des spécialistes, associations (comme Sites et monuments), penseurs de tous crins, s’alarment contre un projet de décret qui devrait voir le jour en juin prochain. Le gouvernement devrait, sauf modification substantielle de dernière minute, accoucher d’un texte qui pourrait assouplir les règles d’usage en matière de protection. Actuellement, tous les travaux considérés comme conséquents entrepris sur de tels sites sont soumis à des autorisations ministérielles. Demain, avec ce décret, ce seront les préfets qui devront trancher. Le gouvernement avance une volonté de simplification. Je salue l’initiative louable de vouloir simplifier les normes existantes, j’aurais très sincèrement préféré que cela s’exerce pour fluidifier le carcan administratif qui enserre vigoureusement toute volonté d’entreprendre. Au lieu de quoi, on ramène à un échelon local – et fluctuant, les préfets de département ne restant, hélas, jamais longtemps sur un même poste – des décisions jusqu’alors réservées au plus haut sommet de l’État. Une volonté de ramener du pouvoir à l’échelon local ? Soit, mais en la matière, est-ce réellement une bonne idée ? Ces décisions qui pourront impacter durablement nos paysages ne réclament-elles pas, justement, un peu de distance et de hauteur, et notamment face à des pressions pouvant s’exercer localement ? Ce genre de décret arrive en totale contradiction avec les annonces du président de la République en faveur de la préservation de la biodiversité. Il proclamait début mai qu’il y a « urgence ». Les intérêts écologiques et patrimoniaux ne sont pas forcément antinomiques avec les intérêts économiques, encore faut-il qu’ils s’articulent en bonne intelligence.
Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr
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