L’édito de Myriam Denis : « L’exercice du pouvoir »

par | 19 avril 2018

Ce qui est fascinant, avec l’exercice du pouvoir, c’est cette potentialité de manipulation qu’il confère.

Myriam Denis

Ce potentiel de manipulation est valable quel que soit le pouvoir en question : celui d’un président de la République, ou celui du patron du plus grand réseau social au monde. En témoigne, l’interview d’Emmanuel Macron retransmise sur BFM/Médiapart dimanche 15 avril. Que retient-on ? Les sujets de fond abordés ? Les frappes en Syrie, la grogne sociale de la SNCF, Notre-Dame-des-Landes et les étudiants ? Ou la réforme des retraites, peut-être ? Rien de tout ça. Ce n’est pas le fond qui a fait parler et couler de l’encre et des larmes (de rire ou de désespoir), mais la forme. Messieurs Plenel (Médiapart) et Bourdin (BFM TV – RMC) se sont adressés à Emmanuel Macron, le plus souvent, sans l’appeler par son titre de Président, mais comme au commun des mortels, par son prénom et son nom. Incroyable ! Inédit ! Sans cravate en plus ! Et en lui coupant la parole ! Et en osant être incisifs pour trancher avec la parodie d’interview réunissant Monsieur Macron et Monsieur Pernaud dans une salle de classe. Alors : agressivité ou pugnacité de ces deux confrères bien connus par ailleurs pour leurs positions tranchées et leurs méthodes d’interviewers ? Ce qui est sûr, c’est que l’on ne versait à aucun moment dans le trop-plein de déférence – il n’y en avait pas – ni l’obséquiosité, ce qui tranche avec l’échange un peu faiblard que le Président avait eu avec Laurent Delahousse. Fallait-il pour autant éditorialiser chaque question, au point d’entrer dans un jeu différent, celui du débat d’opinion avec le chef de l’État ? Et pourquoi pas !

« Il lui fallait cette confrontation, face aux positions polarisées des journalistes, pour réaffirmer son autorité et son positionnement qui ne bouge, d’ailleurs, pas d’un iota. »

L’interview a tourné au débat politique, est-ce un mal en soi ? La chaîne d’info a battu ses records d’audience, en plus. Macron, une affaire en or ? De mon côté, ce qui m’a le plus amusée, ce n’est pas tant l’interview ou le débat en lui-même, que les réactions suscitées par cet échange, et sa finalité recherchée. Nulle grande annonce sur le fond, Emmanuel Macron est resté droit dans ses bottes, dans les grandes lignes de conduite du Gouvernement, c’est vraiment la forme qui a été jugée. Évidemment, le Président savait parfaitement ce qui l’attendait dans cette émission bien avant qu’elle n’ait eu lieu. En allant chercher ces deux journalistes précisément, il savait que le débat allait souvent verser dans l’affrontement : une façon honorable pour lui de se présenter encore et toujours comme le Président rassembleur, au centre et décidé à en découdre face à l’agressivité de ses interlocuteurs. Qui, eux, se sont régalés : chacun a donc pu trouver son compte. Même le positionnement des trois hommes en disait long sur la scène qui se jouait dans ce prestigieux Palais de Chaillot : Edwy Plenel tout à gauche, Jean-Jacques Bourdin, sur la droite et Emmanuel Macron, trônant au centre. Dès le début, le « Je suis votre homme » lancé par le Président révélait bien son état d’esprit. Il lui fallait cette confrontation, face aux positions polarisées des journalistes, pour réaffirmer son autorité et son positionnement qui ne bouge, d’ailleurs, pas d’un iota.

Dans un autre registre et sans jouer la même partition, le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg a inlassablement répété « I’m sorry » devant le Sénat des États-Unis, les 10 et 11 avril derniers, livrant ses plus plates excuses à propos du scandale révélant que les données personnelles de millions d’utilisateurs avaient été utilisées à son insu, afin de peser sur l’élection de Donald Trump. Excuses déjà présentées en 2003, 2006, 2007, 2009, 2010 et 2017. Certes, sur des sujets différents, mais enfin… Dans les deux cas de figure, les deux hommes savent user du pouvoir qui leur est conféré pour parvenir à leurs fins, en restant rectilignes dans leur conduite, avec un soupçon de manipulation – de la “droiture”, pour l’un, du “pathos”, pour l’autre. Est-ce que ce jeu-là fonctionne à tous les coups ?

Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr

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