Chose promise, chose due : Emmanuel Macron avait promis de gouverner autrement. De ne pas tomber dans les travers de ses prédécesseurs et de faire souffler sur sa présidence un vent de nouveauté.
Le zéphyr a emporté au passage deux de ses ministres clés : l’Écologie avec Nicolas Hulot et l’Intérieur, représenté par Gérard Collomb. Mais il est certain que la promesse est tenue : il est tout à fait inédit, sous la Ve République, de rencontrer une situation pareille, avec un remaniement qui a nécessité quinze jours d’atermoiements et d’hésitations. Ce n’est flatteur ni pour la fonction de ministre de l’Intérieur (personne ne voulait du poste ?), ni pour le président de la République (personne ne voulait travailler en étroite collaboration avec lui ?), ni pour le gouvernement (personne ne voulait jouer le pantin sans réel pouvoir de décision ?). Pendant ce temps, le pays sera resté sans ministre de l’Intérieur – même si un intérim a été assuré, attention tout de même au bonus-malus pour les emplois précaires – dans un contexte politique tendu. Pour rappel, le ministère de l’Intérieur est chargé de la bagatelle de la sécurité intérieure, de l’administration du territoire et des libertés publiques. Difficile de s’en passer même si quelques énarques en moins à la tête de l’État dégageraient sans doute des économies substantielles. Quoi qu’il en soit, et même si le sentiment prédominant aujourd’hui reste qu’Emmanuel Macron concentre en sa personne de nombreux (tous ?) pouvoirs, quelle image ces tergiversations de longue haleine peut renvoyer ?
« IL EST INÉDIT, SOUS LA VE RÉPUBLIQUE, DE RENCONTRER UNE SITUATION PAREILLE, AVEC UN REMANIEMENT QUI A NÉCESSITÉ QUINZE JOURS D’ATERMOIEMENTS ET D’HÉSITATIONS. »
Enfin, tous ces braves gens ont fini par se mettre d’accord, et ce remaniement signe incontestablement un nouveau départ pour le gouvernement. Exit donc Françoise Nyssen pour la Culture et Stéphane Travers pour l’Agriculture, remplacés respectivement par Franck Riester et Didier Guillaume. Sans véritable surprise, l’Intérieur revient à Christophe Castaner, fidèle macronien. D’autres, voient leur portefeuille (ministériel) se garnir davantage. C’est le cas pour Marlène Schiappa, secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui prend également sous sa responsabilité la lutte contre les discriminations, ce qui devrait lui conférer davantage de poids au sein du gouvernement. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, récupère également la Jeunesse. Cela ressemble peu ou prou au jeu des chaises musicales. Et cet épisode aura écorné un peu plus l’image du chef de l’État, à l’heure où presque concomitamment, l’Institut des politiques publiques, un organisme de recherche indépendant, publie son évaluation des conséquences des mesures fiscales et sociales des premiers budgets de la présidence Macron. Avec, en toile de fond, l’examen à l’Assemblée nationale cette semaine du projet de loi de finances pour 2019. Les observations sont sans appel et sans fioriture d’aucune sorte : le chef de l’État va avoir beaucoup de mal à se départir de son étiquette de « Président des riches ». En effet, les conclusions des chercheurs sont claires : les 20 % de Français aux revenus les plus modestes vont perdre en pouvoir d’achat (de -0,5 à -1 %). Le petit pourcent des plus riches de notre pays gagnera 6 % de plus. Comparativement, la politique actuelle devrait faire progresser le revenu d’une personne au Smic d’environ 384 euros par an, quand la flat tax et la suppression de l’ISF devraient rapporter aux plus riches des riches 86 000 euros annuels en moyenne. Il y a encore du travail !
Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr
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