Quand le Président Emmanuel Macron se prend pour un conseiller Pôle Emploi, cela passe mal dans l’opinion. Dans son édito, Myriam Denis en analyse les raisons.
« Vous faites une rue, là, vous allez à Montparnasse par exemple, vous faites la rue avec tous les cafés et les restaurants, franchement je suis sûr qu’il y en a un sur deux qui recrute en ce moment. Donc allez-y. »
Est-ce parce qu’il prône une République en marche qu’Emmanuel Macron a livré le week-end dernier, ce conseil à un jeune horticulteur au chômage ? Depuis, il a provoqué un véritable raz-de-marée médiatique (un de plus, me direz-vous). Largement relayé sur les réseaux sociaux, cet échange est tantôt honni, tantôt encensé, selon de quel point de vue l’on se place.
Honni par ceux considérant cette phrase comme une provocation (de plus) eu égard à une population qui peut se sentir stigmatisée par les propos du chef de l’État. Et devrait presque se sentir coupable de ne pas trouver d’emploi dans sa branche.
On peut critiquer également, cet aveu implicite d’Emmanuel Macron : l’Éducation nationale ne forme pas aux métiers qui embauchent, sinon, pourquoi un horticulteur devrait chercher un job dans la restauration ?
« APRÈS LE CHARME DU « JE VOUS AI COMPRIS » CONTEMPORAIN ET 4.0, LE FOSSÉ SE CREUSE DANS CETTE MÉCONNAISSANCE DES DIFFICULTÉS CONCRÈTES DE NOMBRE DE NOS CONCITOYENS. »
Les propos du président de la République trouvent pourtant un écho viral dans le monde économique. Car effectivement, il existe un gap important entre les postes proposés en France ne trouvant pas preneurs (et ils sont nombreux !), et les souhaits ou les formations des demandeurs d’emploi. Comment expliquer autrement que tant d’entreprises peinent à recruter, alors que nous dénombrons autant de chômeurs dans notre pays ? Cependant, cela revient-il à affirmer de façon péremptoire qu’une personne qui ne trouverait pas d’emploi dans sa branche doive nécessairement se reconvertir, peut-être même, avant d’avoir commencé dans la vie active ? On opposera l’argument qu’il peut exister plusieurs vies dans une vie.
Je ne pense pas qu’il existe hélas de solution miracle et simpliste – quoique de bon sens – à la question du chômage. Emmanuel Macron a voulu – à son habitude – apporter une réponse rapide en bon live communicant qui aime tant avoir réponse à tout.
Oui, des gisements d’emplois existent bel et bien en France, c’est indéniable, et des secteurs entiers peinent à recruter. Sauf que cet échange, qui se voulait empreint d’une certaine forme de spontanéité, tend à se retourner contre son auteur. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’arrive désormais l’heure de mesurer les effets concrets de la politique d’Emmanuel Macron. Après le charme du « je vous ai compris » contemporain et 4.0, le fossé se creuse dans cette méconnaissance des difficultés concrètes de nombre de nos concitoyens. Et la comm’ à tout va, donne désormais l’impression d’une « incommunication » entre un président et son peuple. (Note à toutes les personnes en recherche d’emploi : le jeune horticulteur a, semble-t-il depuis cet échange, reçu de nombreuses propositions de poste. Donc, vous savez ce qu’il vous reste à faire : la prochaine fois que vous croisez le Président, traversez la rue !)
Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr
0 commentaires