L’édito de Myriam Denis : « Peur, Colère, Espoir »

par | 06 décembre 2018

Myriam Denis imagine en guise d’édito, un conte qui revient sur les émeutes du 24 novembre, en marge des manifestations des gilets jaunes, à Bourg.

Myriam DenisIl était une fois, en 2018, trois compagnons qui se promenaient à Bourg. Les deux premières figures se nommaient Peur et Colère, le petit dernier, Espoir.

La Peur : « Non, je ne suis pas forcément un frein, dit-elle, perfide et sournoise. Je peux aussi être un moteur. Je me nourris des craintes des gens : peur de perdre son emploi, peur des difficultés à boucler les fins de mois, peur de ne pouvoir faire vivre sa famille décemment. »

La Colère : « Sans toi, ma chère Peur, je n’existerai pas ! Et aujourd’hui je ne fais que grandir. Les gens en ont assez ! Regarde autour de toi : celui-ci a travaillé toute sa vie pour un salaire de misère, celui-là, voudrait trouver un emploi mais use ses chaussures à traverser des rues pour ne rien dégoter. Celle-ci verra son impôt prélevé sur son revenu mensuel alors que jusqu’à présent elle n’en payait pas. Regarde ceux-là : comment iront-ils au bureau chaque jour avec tous les kilomètres qu’ils doivent faire en voiture ? Et ceux-ci, qui se demandent comment se chauffer dans leur logement vétuste ! Regarde cet autre, chef d’entreprise et ses six jours de travail hebdomadaire, qui ne parvient pas à embaucher dans sa boutique. Et cet artisan des TP, comment va-t-il supporter la fin du GNR ?

Hommes, femmes, jeunes, vieux, retraités, travailleurs, chômeurs, étrangers, petits hommes verts, tous sont excédés. Moi, la Colère, je découle directement de toi, la Peur et de ta présence insidieuse dans l’esprit des gens. Je pousse à l’action souvent irréfléchie, reflet de l’ire et de l’emportement pourtant justifiés de tous ceux-là, fâchés de ce sentiment de toujours devoir payer tant et plus. » Et elles deux de contempler, satisfaites, l’avenue Alsace Lorraine de Bourg, artère commerçante flambant neuve et défigurée par des manifestations ayant tourné à l’émeute.

Le petit Espoir se dresse alors sur la pointe des pieds pour participer, lui aussi, à la conversation. « Les choses peuvent encore s’arranger, nous sommes dans une démocratie, un État de droit, le dialogue va se renouer, la paix reviendra. » Les deux autres le contemplent, incrédules. « Nous verrons bien ! »

« HOMMES, FEMMES, JEUNES, VIEUX, RETRAITÉS, TRAVAILLEURS, CHÔMEURS, ÉTRANGERS, PETITS HOMMES VERTS, TOUS SONT EXCÉDÉS. »

Un peu plus bas sur l’avenue, Peur, Colère et Espoir croisent trois autres compères, déguisés en vampires.

“Nous sommes Urssaf, Cancras et Carbalas
Qui que tu sois, quoi que tu fasses
Faut qu’tu craches, faut qu’tu payes
Pas possible que t’en réchappes

Nous sommes les frères qui rapent tout…”

Vous vous souvenez ? C’était en 1991. Soit, il y a 27 ans. Cette chanson des Inconnus voulait dénoncer le système fiscal français, que les acteurs-humoristes jugeaient oppressant voire confiscatoire. Non, non, rien n’a changé…

Des inspirations lyriques qui ne rendront pas pour autant plus brillante la réalité du moment : selon une étude Ifop pour Le Monde, l’impôt est un acte citoyen… pour 54 % des Français uniquement. Trop d’impôt tue l’impôt ? Le Président Macron a voulu une France gérée comme une belle et grande entreprise. Soit. Alors, les citoyens sont en droit d’attendre des services performants en retour des nombreux prélèvements auxquels ils sont assujettis.

Une partie de la France est dans la rue et vraisemblablement, nul besoin d’être très nombreux pour se faire entendre. Nos politiques agiront-ils en conséquence ? L’avenir, seul, nous le dira. Peur, Colère et Espoir attendent avec impatience le dénouement de l’affaire.

Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr

émeutes Gilets jaunes Bourg ©voix de l'Ain

Samedi 1er décembre, l’avenue Alsace Lorraine à Bourg-en-Bresse, en proie à des violences en marge des manifestations des gilets jaunes.
La mairie a estimé les dégâts à plusieurs dizaines de milliers d’euros. ©Voix de l’Ain.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez également :

Votre magazine ECO Savoie Mont Blanc du 19 avril 2024

100% en ligne, feuilletez directement votre magazine ECO Savoie Mont Blanc n°16 du 19 avril 2024 sur ordinateur, tablette ou smartphone. Réservé aux abonnés. Édition Savoie (73) : Édition Haute-Savoie (74) : Le saviez-vous ?Vous pouvez afficher la publication en...

LIRE LA SUITE

Publicité