Le rapport de la mission Spinetta sur « L’avenir du transport ferroviaire » propose différentes solutions pour le rail français. L’État ira-t-il au bout de la démarche ?
« Depuis l’avènement de l’automobile et de l’avion, le problème le plus important et le plus pressant qui s’est imposé aux transporteurs mais que les administrations, les conférences et les congrès négligent de traiter, est de savoir où et quand commence et cesse l’utilité d’un moyen de communication. Quand ces précisions seront acquises, chaque pays devra loyalement (…) supprimer ses transports inutiles et coûteux, les concurrences ruineuses pour tous et faire à chaque port, à chaque voie ferrée, à chaque route terrestre ou aérienne la juste place qui lui revient », Raoul Dautry dans son ouvrage Technique, science des transports et progrès social, L’Année ferroviaire, de… 1948.
C’est donc sur ce préambule que s’ouvre le rapport de la mission conduite par Jean-Cyril Spinetta, remis au Premier ministre le 15 février dernier, intitulé « L’avenir du transport ferroviaire ». On peut imaginer que cette introduction donne le ton du document, sans trop faire fausse route. À la lecture de ce texte particulièrement lucide, qu’apprend-on ?
- Le transport ferroviaire français a toute sa place dans les modes de déplacement actuels. « Le système ferroviaire français est une réussite qui place la France dans une situation enviable : un vaste réseau, une grande vitesse très développée, des services de “mass transit” denses et performants, un transport régional dynamique, une desserte fine du territoire », indique-t-il.
- Toujours selon le rapport dont j’ai pris grand plaisir à la lecture : « Dans ce système, la gouvernance et les financements restent opaques, les missions de service public mal définies, l’ensemble du système souffre d’un déficit de financement, avec une dette croissante ».
« Le ferroviaire revêt un rôle clé dans notre mobilité. Néanmoins, il serait illusoire de ne pas se rendre compte que les performances attendues ne sont pas au rendez-vous. »
En clair, si on ne fait rien, on va dans le mur. J’emploie volontairement la troisième personne du singulier. « On », c’est l’État, la SNCF bien sûr, ses instances dirigeantes comme ses agents et ses utilisateurs. En réalité, la SNCF manque assurément de fonds, avec une dette qui va crescendo, mais également d’agilité. Pour Jean-Cyril Spinetta, une partie de la réponse à la crise du ferroviaire français réside dans l’ouverture à la concurrence…
Le ferroviaire revêt un rôle clé dans notre mobilité. Néanmoins, il serait illusoire de ne pas se rendre compte que les performances attendues ne sont pas au rendez-vous. Le vieillissement du réseau, souvent mis en cause, n’est peut-être pas l’unique problématique. Certes, sa rénovation a longtemps été reléguée sur le bord de la route, ce qui induit, conséquemment, un surcoût en termes de maintenance. Quant au traitement de la dette de la SNCF, il apparaît inévitable : celle-ci a d’ores et déjà atteint les 46 milliards et pourrait frôler les 62 milliards d’euros en 2026… Le rapport préconise moins d’endettement, moins d’investissements à perte et une « responsabilisation des acteurs ».
Mais le Gouvernement saura-t-il aller au bout de la démarche ou au contraire, va-t-il reculer face à d’inévitables mouvements sociaux ? Car bien évidemment, une réforme de la SNCF ne pourra être effective sans une refonte du statut de cheminot, via un nouveau contrat social pour les hommes et les femmes qui font vivre cette entreprise pas tout à fait comme les autres. C’est pourquoi M. Spinetta indique que « la transformation à mener n’est pas seulement industrielle et économique, elle doit être aussi culturelle et politique ».
Alors oui, la réussite de cette réforme passera vraisemblablement par une réforme du statut inaliénable et sacré des cheminots (au moins) nouvellement embauchés. Ce à quoi les syndicats ont déjà répondu par un appel à la grève. On veut toujours défendre son pré carré. Sauf qu’à ce rythme, il n’est pas sûr que notre système ferroviaire ne finisse pas par dérailler, purement et simplement.
Myriam Denis
Rédactrice en chef adjointe
m.denis@eco-ain.fr
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