Les Nations Unies estiment qu’à horizon 2025, les deux tiers de la population mondiale seront touchés par un phénomène de stress hydrique c’est-à-dire des volumes disponibles inférieurs à la demande. Même si la France ne figure pas parmi les zones les plus arides, les mesures déployées cet été pour faire face à la sécheresse ont rappelé à quel point la ressource en eau est fragile.

Les entreprises du bâtiment et des travaux publics (cet édito est tiré de notre hors-série Panorama économique 2023 du BTP) entendent bien nourrir les réflexions déclenchées par la crise climatique et ses épisodes de sécheresse. Elles font évoluer leurs propres pratiques à travers des dispositifs comme O’Niveau.
Financé par l’agence de l’eau et porté par la Fédération du BTP, le programme incite les peintres à s’équiper de stations de lavage pour les outils plus respectueuses de l’environnement. La construction figure aussi parmi la dizaine de secteurs d’activité ciblés par le programme Arve Pure, mis en place en 2007 pour éviter que des déchets microscopiques (eaux de lavage, hydrocarbures, plastiques…) aillent directement dans le milieu naturel en raison d’installations non conformes.
L’enjeu est aussi de mettre en avant les solutions que les acteurs de la filière peuvent apporter aux maîtres d’ouvrage. Dans une étude dévoilée en octobre 2022, l’Union des industries et entreprises de l’eau (UIE) constate en préambule que les données disponibles se raréfient tandis que l’évolution des méthodes de traitement et de présentation empêche de disposer de séries chronologiques longues et homogènes. Le patrimoine de collecte, transport et stockage des eaux pluviales est par exemple très mal connu, faute d’informations collectées depuis 2017.
Pour autant, l’UIE estime à 4,6 milliards d’euros, le déficit annuel d’investissement pour le patrimoine de l’eau, comprenant la gestion des eaux pluviales et des micropolluants. Les chiffres régionaux publiés par la Fédération Auvergne-Rhône-Alpes des travaux publics viennent confirmer les retards pris en matière de renouvellement des réseaux d’eau potable et d’assainissement, générant gaspillage de la ressource et remise en cause de la sécurité d’approvisionnement.
L’Union des industries et entreprises de l’eau (UIE) estime à 4,6 milliards d’euros, le déficit annuel d’investissement pour le patrimoine de l’eau.

« À ce rythme, il faudra 170 ans pour renouveler le réseau alors que la durée de vie d’une canalisation varie entre 30 entre 80 ans », calcule-t-elle en espérant un deuxième « Plan de rebond ». Pour soutenir l’activité des entreprises durant la crise sanitaire, les agences de l’eau ont augmenté, en 2020 et 2021, les aides allouées, élargi les territoires et les thématiques concernés. Sur cette période, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC) a débloqué 245 millions d’euros supplémentaires sur tout le bassin dont 97 millions sur les 7 départements et demi d’Auvergne-Rhône-Alpes* couverts.
Dans ce cadre, elle a pu financer des chantiers très classiques, sortant de ses critères habituels d’intervention, en lien avec la restauration et la préservation des milieux naturels (rivières, zones humides, nappes phréatiques, biodiversité). Les travaux engagés dans le cadre de ce Plan de rebond se poursuivent mais le budget de l’agence a retrouvé son périmètre avant crise.
Initialement prévu au 1er janvier 2020 puis repoussé jusqu’au 1er janvier 2026, le transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les intercommunalités devrait logiquement contribuer à rattraper les retards d’investissement, sous réserve que les budgets et que la capacité à traiter des volumes de travaux conséquents soient suffisants.
*Ain, Haute-Savoie, Savoie, Rhône, Isère, Drôme, Ardèche et une partie de la Loire. Sources : Eau France ; FRTP
Sophie Boutrelle
Photo à la une : Pawel Czerwinski sur Unsplash
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