Environnement : 7 000 anciens mobiles en route vers une seconde vie

par | 15 mars 2019

Une collecte dans 6 agglomérations de la région, dont l’Isère rhodanienne, encourage à donner une seconde vie à des anciens téléphones mobiles, objets intimes qu’on abandonne difficilement.

Pas facile de se séparer de son ancien téléphone portable ! Abandonner ses données, transférer ses contacts, importer ses comptes de messageries… Et puis, que va devenir notre précieux ami ? Quid des données personnelles ? Entre quelles mains malveillantes vont-elles atterrir ? Bref, autant de raisons qui font que le tiroir est la dernière résidence de l’objet devenu obsolète.

On estime, en effet, entre 20 à 30 millions le nombre de portables stockés et non utilisés en France. « C’est l’appareil le plus dur à aller chercher chez les gens ! C’est le prolongement de la main ! Le doudou ! », explique le plus sérieusement du monde Guillaume Duparay, directeur des relations institutionnelles et de la collecte chez Eco-systèmes, éco-organisme à but non lucratif agréé pour la collecte et le recyclage des appareils électriques et électroniques ménagers usagés.

De nombreuses tentatives de collecte de téléphones portables via des meubles installés dans des halls de magasins ont échoué. Souvent, par manque de confiance ! « Il faut un contact physique ! Les gens ont besoin de savoir ce que deviendra leur smartphone ! Il faut les rassurer ! Les apporteurs étaient essentiellement des seniors possédant un téléphone basique dont la marque a disparu », constate Guillaume Duparay.

Recycler, pour le meilleur

Pourtant, recycler s’avère capital si l’on veut s’immiscer dans l’économie circulaire ! « Rien n’est pire que de mettre un téléphone à la poubelle, sans en avoir extrait la matière ! », prévient gentiment Guillaume Duparay. Et pour cause ! Le tantale (1,17 %), le tungstène (0,17 %) ou le titane (1,4 %) qui apparaissent dans la composition, pour ne citer qu’eux, sont des métaux qui peuvent s’avérer dangereux pour l’environnement. Moins dangereux, mais tout aussi intéressant pour le développement durable, ces aimants au néodyme qui seront repris pour la fabrication d’éoliennes ou réintroduits dans l’aéronautique.

Fort de ces données et autres expériences plus ou mois couronnées de succès, Ecosystèmes lançait en décembre dernier “Répondez à l’appel du recyclage”, opération pilote dans 6 agglomérations de la région Auvergne-Rhône- Alpes, dont l’Isère rhodanienne, destinée à encourager les possesseurs à donner une seconde vie à leurs anciens téléphones mobiles. Pour aller au-devant des consommateurs et les inciter à effectuer le bon geste, l’organisme a conçu une solution de collecte simple adressée individuellement aux utilisateurs. Pour leur garantir la traçabilité de leur appareil, il s’est entouré de La Poste pour le déploiement de la collecte et des Ateliers du Bocage, une société coopérative d’insertion, membre du mouvement Emmaüs France, pour le reconditionnement des téléphones.

« Les résultats de cette opération sont encourageants, avec 7 000 mobiles collectés en 8 semaines ! », se félicite Guillaume Duparay. Notons que la collecte a montré que 90 % des donateurs avaient plus de 40 ans et 69 %, plus de 55 ans. La sagesse de l’âge, sûrement ! Technophiles, ils sont également sensibles à l’environnement et donnent volontiers une seconde vie à leur mobile « à condition que celui-ci soit réemployé ou recyclé ». La grande majorité des participants en tout cas espère que son téléphone donné resservira à quelqu’un.

En outre, les nouveaux services et métiers développés par La Poste ont permis à Eco-systèmes de tester un moyen simple et efficace de toucher les habitants dans leur quotidien. “Répondez à l’appel du recyclage” consiste à adresser par voie postale, un kit aux habitants contenant un dépliant explicatif et une “enveloppe T” dans laquelle un ou deux téléphones usagés peuvent être glissés et renvoyés gratuitement. Près de 10 000 kits ont ainsi été remis en mains propres par des facteurs. Plus de 4 000 foyers de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont joué le jeu “du vieux téléphone à la poste” en retournant de 1 à 7 anciens équipements. L’Isère rhodanienne, Vienne en tête, a renvoyé 300 téléphones. Assez bien, mais peut mieux faire, pourrait-on dire !

Que deviennent-ils ?

Les 7 000 mobiles collectés ont été confiés aux Ateliers du Bocage pour suivre un protocole très strict avec effacement sécurisé des données, tests et diagnostics permettant, si possible, de les reconditionner. 17 % des équipements retournés, les plus récents et en état de marche, sont destinés au réemploi, c’est-à-dire, qu’ils vont pouvoir être réparés, reconditionnés et revendus à prix solidaire au sein de leur propre réseau baptisé “Bootiques”.

Les autres verront simplement leurs matériaux recyclés. À noter que cette opération pilote a contribué à créer un emploi en insertion au sein de la structure. Enfin, c’est aux constructeurs désormais de mieux s’employer ! 80 % de l’impact environnemental du téléphone, proviennent, en effet, de sa fabrication et 70 kg de matière vierge sont toujours autant nécessaires pour fabriquer un seul téléphone…

« Rien n’est pire que de mettre un téléphone à la poubelle, sans en avoir extrait la matière ! »

(Guillaume Duparay, directeur des relations institutionnelles et de la collecte chez Eco-systèmes, éco-organisme à but non lucratif agréé pour la collecte et le recyclage des appareils électriques et électroniques ménagers usagés).

Recyclage “circulaire”, la route est encore longue !

La prise de conscience est là, mais comment inciter réellement les fabricants de téléphones mobiles à produire plus écologique ? «Convaincre les fabricants de travailler sur l’éco-concept afin d’allonger la durée de vie des appareils ou d’assurer un meilleur recyclage dans le cadre de l’économie circulaire… Comment faire mieux avec moins de ressources… C’est aussi cela, notre mission ! », confie Guillaume Duparay, directeur des relations institutionnelles et de la collecte chez Eco-systèmes. Faire prendre conscience aux fabricants serait, en effet, une solution.

Pris dans un processus de production frénétique qui correspond à la demande des consommateurs, le chemin est encore long jusqu’à l’économie circulaire que d’autres, dans des secteurs plus difficiles, tel que, Vicat, avec le béton, sont malgré tout parvenus à atteindre. Les chiffres sont là ! Sur 23 millions de mobiles neufs ou apparentés vendus en France l’an dernier, 1,9 millions seulement émanent d’appareils recyclés.

Sur les 4,26 milliards de chiffres d’affaires recueillis, seulement 500 millions d’euros sont le fait des appareils reconditionnés. A cela, une raison : un téléphone mobile reconditionné se vend en moyenne 260 € contre 185 € pour un “normal”. « Cela reste, malgré tout, une montée en puissance, les ventes de smartphones neufs étant en légère baisse », confesse Guillaume Duparay.

Réfractaires au cellulaire

En outre, faire réparer son mobile, quand cela est possible, reste onéreux, en dépit de la multiplication des commerces spécialisés dans la réparation et le SAV qui pourrait faire baisser le prix de l’intervention. Dès lors, seulement 14 % des utilisateurs entament une démarche lorsque elle est nécessaire, le plus souvent pour un écran cassé.

Enfin, impossible de clore cette enquête sans parler de ceux, les réfractaires, qui, a contrario des 20 % de foyers qui possèdent plus de 4 appareils, réussissent encore à vivre sans en avoir aucun (8 % des foyers). Pas assez de moyens ou habitant dans une de ces nombreuses zones blanches, dans des coins retirés ou non. La fracture numérique, comme on l’appelle, a aussi sa facture…


Par Éliséo Mucciante


Cet article est paru dans votre magazine ECO Nord Isère du 15 mars 2019. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, vous pouvez vous abonner ici.

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