Les exportateurs de Savoie Mont Blanc déplorent les formalités supplémentaires mais savent qu’ils ont échappé à pire…
Au 31 décembre, les hourras lancés au pied de Big Ben avaient une tonalité unique, car le changement d’année signifiait aussi la fin des quatre ans de négociations de divorce avec l’Union européenne (UE). Mais n’était-ce pas le début du casse-tête pour les exportateurs en France ? « Depuis que le Brexit est confirmé, nous constatons une baisse de 50 % de notre chiffre d’affaires avec le Royaume-Uni », déplore Yannick Morat, CEO de l’entreprise chambérienne Ekosport, spécialisée dans l’équipement sportif extérieur ; laquelle pourrait perdre un million d’euros en 2021 d’après ce dirigeant dépité : « Nous envoyions quatre millions d’euros de marchandises par an. Nous visions six, ce sera trois. »

Le retour de l’administratif
Exagéré ? Pas tant que ça. Les Anglais sont, en temps normal, une population importante de skieurs. Mais surtout, « le Brexit final instaure une frontière, donc des coûts et formalités supplémentaires pour ceux qui ne commerçaient qu’à l’intérieur de l’UE », énonce Pierre Bérat, directeur études et information économique à la CCI Auvergne-Rhône-Alpes qui a mené des travaux sur le sujet. Pour la région, le Royaume-Uni est le 4e client et le 1er excédent commercial… « Les exportateurs n’étaient soumis qu’à une obligation déclarative mensuelle sur les échanges de biens intracommunautaires. Désormais, une déclaration en douane est nécessaire à chaque opération », compare Pierre Rosnoblet, chef du pôle action économique à la direction régionale des douanes de Chambéry.
Après l’obtention d’un identifiant EORI auprès des autorités françaises, les entreprises des Pays de Savoie et d’Isère, si leur marchandise vaut plus de 6 000 euros HT, doivent s’enregistrer comme exportateurs dans la base REX au bureau de Grenoble. « Si les produits sont envoyés régulièrement, mieux vaut les référencer. Nous conseillons aussi de passer par des représentants en douanes enregistrés », énumère Pierre Rosnoblet. Conclusion : ces complexités risquent de freiner les affaires, « surtout sur Internet où les renvois de produits commandés vont donner lieu à un flou artistique », prédit Yannick Morat qui voit déjà le Royaume-Uni devenir un pays aussi compliqué que la Suisse dans son business.
AVEC CETTE “FRONTIÈRE INTELLIGENTE”, DES FORMALITÉS POURRONT ÊTRE EFFECTUÉES SUR LE WEB EN AMONT.
Pierre Rosnoblet, direction régionale des douanes demandés
Peu de produits pénalisés directement
Mais la désorganisation est ponctuelle et l’impact moins lourd que si aucun accord n’avait été trouvé. Toujours demandés, les articles de luxe et le “made in France” ne sont pas menacés par ce léger surcoût. Dolin continuera d’exporter ses bouteilles de vermouth savoyard Outre-Manche. Et si 59 % des produits français exportés se verraient normalement attribuer un tarif douanier, ils bénéficient d’une exonération à condition de justifier de l’origine hexagonale ou européenne. « Un pourcentage de composants déterminé – qui varie selon les produits – doit avoir été conçu dans l’UE. Ce qui implique précision et traçabilité », détaille Pierre Bérat. Des contraintes, mais rien de rédhibitoire.
Interconnexion
« Les acteurs qui pâtissent vraiment de ce Brexit ne sont pas pléthoriques », relativise Marine Coquand, déléguée générale du Medef Savoie. De plus, pour limiter les encombrements, l’interconnexion informatique entre les douanes françaises, Eurotunnel, les commissionnaires en douanes et autres rendent la frontière “intelligente” : « Des formalités pourront être effectuées sur le web en amont », annonce Pierre Rosnoblet. Le 28 février, le Parlement européen ratifiera définitivement les changements. Sans effroi mais sans hourras…
Par Julien Tarby
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