Le professeur Ebondo explique comment mettre en place une gestion des risques, même des plus inattendus comme la covid-19. Interview.
Eustache Ebondo Wa Mandzila est enseignant-chercheur spécialisé dans l’audit, le contrôle interne et la gouvernance des organisations à la Kedge Business School. Il souligne qu’il faut certes gérer la crise, mais surtout envisager l’après-pandémie.
Comment s’organise le management des risques ?
Il se résume en trois étapes : identifier, cartographier les risques ; évaluer leur degré de nocivité ; adapter des stratégies d’évitement pour réduire leur occurrence à défaut de les supprimer. Il y a deux types de risques : endogènes, donc internes à l’entreprise, et exogènes, comme l’épidémie de Covid-19. Ce sont ces derniers qui s’imposent à l’entreprise.
Comment doivent procéder les entreprises pour les cartographier ?

Le plus simple en dehors de formules mathématiques est de faire un état des lieux des risques potentiels au regard des objectifs de l’entreprise. Quels sont les éléments qui pourraient compromettre l’atteinte de ces objectifs ? Puis, hiérarchiser en fonction du niveau de risque, de sa fréquence et de son impact par rapport aux objectifs : élevé, moyen ou faible. On détermine alors quelles actions doivent être menées en fonction de la gravité du risque encouru et identifié. Il faut évidemment commencer par s’attaquer aux risques les plus élevés.
C’est quand même plus simple pour les grandes sociétés…
Il est vrai que les grosses entreprises gèrent en interne. Il y a toujours une structure dédiée. Les TPE-PME peuvent externaliser, auprès de cabinets ou de consultants spécialisés, à condition qu’ils connaissent l’environnement dans lequel ils vont évoluer, mais il faut s’assurer du suivi de la gestion des risques du court au long terme.
Le virus est typiquement le type de risque inattendu, subit. Comment les entreprises doivent-elles réagir dans un tel cas ?

Il faut mettre en place un dispositif, une équipe qui va réfléchir pour gérer cette difficulté. Un comité ou une cellule de gestion des risques qui se mobilise pour trouver une solution et des parades immédiates, mais aussi pour envisager la sortie de crise. Parce qu’il n’y a pas des effets uniquement sur le métier, mais aussi sur le plan humain. Dans une telle situation, il faut que tous les verrous sautent. Il faut alléger les lignes hiérarchiques et avoir un esprit agile. Ce qui suppose un gros travail de communication interne. Le comité ou la cellule de crise est là pour fédérer toutes les forces, toutes les contributions pour l’intérêt de l’entreprise. La stratégie doit être associée à cette situation de crise. Il faut laisser le soin aux dirigeants de continuer à gérer le quotidien et de réfléchir aux grandes orientations stratégiques, aux impacts futurs. Il y a une vie après la crise.
Est-ce que la pandémie a modifié la perception de la gestion du risque ?
C’est vrai que c’est une notion à la mode. Le virus a permis une prise de conscience nationale. Même s’il n’a pas fallu attendre l’épidémie pour comprendre l’enjeu de la gestion des risques par nos organisations publiques et privées, nos associations. En fait, comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nos organisations, les individus, font eux aussi de la gestion des risques à leur manière, sans le savoir. Par exemple, l’instauration de la médecine du travail vise à réduire le risque pour l’entreprise d’avoir des salariés malades qui paralyseraient une partie de l’activité. On ferme sa maison ou sa voiture à clef pour éviter le cambriolage ou le vol.
Il y a aussi des risques nouveaux à intégrer, comme ceux inhérents à la digitalisation…
Chaque nouveauté entraîne sa part de risque. Globalement, toutes les activités humaines génèrent du risque. L’entrepreneur a toujours été considéré comme celui qui prend le risque d’entreprendre, celui qui risque son capital matériel et financier. Malgré son appétence pour le risque, le dirigeant doit avoir pour souci constant de préserver la continuité de son activité. C’est tout l’enjeu d’une politique de management des risques.
Propos recueillis par Sandra Molloy
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