L’enquête publique consacrée au plan local d’urbanisme intercommunal – habitat, mobilités, bioclimatique (PLUI-HMB) de Grand Annecy révèle de fortes divergences au sein de la population.
Plus de 1 500 contributions ont été déposées entre le 19 mai et le 27 juin sur la plateforme numérique dédiée au futur plan local d’urbanisme intercommunal – habitat, mobilités, bioclimatique (PLUI-HMB) de Grand Annecy. Un chiffre record (en général, les enquêtes publiques mobilisent peu), à l’image de l’intérêt suscité par ce projet destiné à « traduire, en carte et en aménagements, l’ambition d’accélérer la transition écologique » du territoire.
Dans la foulée, la communauté d’agglomération promet des règles d’urbanisme « harmonisées », « plus lisibles » et « cohérentes », tout en respectant les spécificités locales*. Si l’objectif affiché fait l’unanimité, le résultat final en est très loin. Extrêmement volumineux (on parle de 13 000 pages), le document est scindé en différents volumes dont la lecture est pour le moins ardue et n’offre pas de vision générale.
Ce premier constat laisse dubitatif compte tenu du temps (la démarche a été décidée en 2018) et des moyens engagés (le budget, qui était initialement de 2 M€, avoisinerait finalement les 3 M€).
Des avis très mitigés
Outre Gruffy (voir ci-dessous), Argonay, Leschaux et Veyrier-du-Lac, ont voté contre le projet de PLUI-HMB. Les trente autres communes de l’agglo se sont prononcées favorablement, mais un bon nombre ont émis des réserves, pointant des erreurs, incohérences et/ou doléances. « Nous sommes contre mais nous allons voter pour », résumait, il y a quelques semaines, un élu minoritaire d’Annecy, lors d’une réunion organisée par le Medef 74, la Fédération BTP 74 et la FPI Alpes pour dénoncer le manque de logements prévus sur Annecy et un report de l’urbanisation sur les secteurs périphériques (voir Éco n° 21 du 23 mai).
De son côté, France Nature Environnement Savoie reconnaît la volonté de la communauté d’agglomération d’infléchir la tendance, mais émet un avis négatif. « La situation exige de changer de modèle pour une réponse efficace aux besoins de logements ainsi qu’une véritable protection des espaces naturels et agricoles », plaide l’association, en s’étonnant, entre autres, de l’absence de mesures prévues pour requalifier et densifier les zones d’activités actuelles.
La commission d’enquête dispose d’un délai de 30 jours pour rendre ses conclusions. À son approbation, prévue en décembre, le PLUI-HMB devrait se substituer aux 29 plans locaux d’urbanisme (PLU) communaux et au plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) du Pays d’Alby en vigueur actuellement.
* La présidence n’ayant pas répondu à nos diverses sollicitations, nous n’avons pas eu d’autre choix que de nous référer au site internet de Grand Annecy, où nous n’avons malheureusement pas trouvé toutes les réponses à nos questions.
Nora Segaud Labidi, adjointe au maire d’Annecy en charge de l’aménagement durable et de l’habitat
« Des avancées positives sur plusieurs volets »
Que pensez-vous du PLUI-HMB ?
La Ville d’Annecy a fait de nombreuses contributions sur les différentes versions de ce travail via son projet de territoire “Annecy 2050, une ville vue par le climat” et de son référentiel du bien-construire, qui a permis de partager une vision politique et des orientations sur son périmètre, en veillant à la cohérence, la cohésion et la complémentarité de nos territoires urbains, périurbains et ruraux. Le PLUI-HMB cherche à atteindre une croissance équilibrée, respectueuse de l’environnement et des besoins de la population, tout en soutenant une dynamique économique locale forte et diversifiée. Même s’il n’est pas parfait, il nous permet de franchir une étape importante et historique dans la transition et la trajectoire que nous nous sommes fixées tous ensemble.
Quels sont les points forts et faibles du PLUI-HMB ?
Il est prévu de produire au moins la moitié des logements à des prix et loyers encadrés. Sur Annecy, c’est 13 080 logements sur quinze ans avec a minima 66 % de logements à prix encadrés, puisque nous nous sommes fixé la règle des trois tiers (30 % de logements sociaux, 30 % de logements encadrés, 30 % sur le marché sans encadrement). Ainsi, nous contribuons à engager un parcours résidentiel adapté à chaque ménage selon son niveau de revenu, permettant plus de mouvements dans la chaîne du logement. Ce PLUI-HMB est extrêmement ambitieux sur la préservation du “déjà là”, des terres agricoles, des espaces végétalisés… En revanche, nous alertons sur la capacité de notre territoire – en termes de disponibilité de ressources naturelles (eau, alimentation…) – à tenir les objectifs démographiques et de construction de logements portés dans ce PLUI-HMB et à absorber les conséquences induites : mobilité, pollution de l’air…
En quoi son adoption en décembre prochain est-elle impérative ?
Sans ce PLUI-HMB, nous ne serons pas au rendez-vous du défi climatique. Notre territoire sera livré à la loi du marché telle qu’il l’a connue ces dernières années, avec encore plus d’exclus et un retard considérable sur la question de la mobilité. Pour moi, il est urgent de le voter, car revenir aux plans locaux d’urbanisme existants est impossible. Nous nous retrouverions dans un no man’s land réglementaire et des projets climatiquement irresponsables.
Marie-Luce Perdrix, maire de Gruffy
« Un rendez-vous manqué, tant sur le fond que sur la méthode »
Pourquoi votre conseil municipal s’est-il prononcé, à l’unanimité, contre le projet de PLUI-HMB ?
Gruffy est historiquement très attachée aux questions d’aménagement du territoire. La commune e a été l’une des premières en Haute-Savoie à se doter d’un plan sommaire d’urbanisme dans les années 1960 ; la première en France à interdire la publicité. et a joué un rôle moteur pour que Grand Annecy se dote d’un document d’urbanisme. Ce travail devait permettre de mieux appréhender les enjeux du territoire, de former les élus et les services à l’urbanisme, de développer une connaissance mutuelle des communes. Alors que les questions liées au climat et à l’énergie devraient être véritablement prises en compte, le rendez-vous est manqué, tant sur le fond que sur la méthode.
Quelle méthode auriez-vous souhaité ?
J’avais proposé une analyse des documents existants et des pratiques, afin de voir ce qui fonctionne et ce qui bloque. Au lieu de cela, les documents d’urbanisme existants n’ont pas été pris en compte. Le diagnostic s’appuie sur des données anciennes, voire obsolètes ou erronées. Les réunions publiques ont été animées par des communicants et non par des urbanistes, que nous avons très peu rencontrés. Elles ont fait l’objet de comptes-rendus que nous avons reçus trois ans après, malgré nos demandes répétées. Sans compter le manque de clarté de la gouvernance et l’absence de vision globale.
Et sur le fond du projet ?
Ce PLUI-HMB est tellement généraliste qu’il peut s’appliquer partout en France. Et il est tellement volumineux qu’il sera source d’erreurs et d’incompréhensions de la part des élus, des services et du public. Transformer des talus qui ne pourront jamais être cultivés en terres agricoles permet de gagner des mètres carrés sur le papier, mais cela ne préserve pas l’agriculture. Les grands paysages, comme la partie sommitale du Semnoz, doivent être protégés. La question des ressources n’a pas été suffisamment travaillée, notamment au niveau de l’eau. Le problème des PFAS n’est pas évoqué, tandis que le lac d’Annecy est considéré comme une ressource inépuisable, à l’abri de toutes pollutions accidentelles. Il n’est pas possible de voter en l’état ce PLUI-HMB qu’il faut retravailler afin de présenter un document plus abouti.
Sophie Boutrelle
Crédit photos (Sophie Boutrelle, Mairie d’Annecy, Mairie de Gruffy)
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