Haute-Savoie, Savoie et Ain : immobilier en surchauffe ?

par | 20 juin 2022

La demande s’intensifie, les biens se raréfient. Les pays de Savoie et l’Ain connaissent toujours un succès croissant. Maisons et appartements se vendent cher sur le territoire. Pourtant des ombres planent sur ce marché très actif…

Le territoire des Pays de Savoie et de l’Ain n’en finit pas de séduire les acheteurs d’immobilier. Ils se pressent même « pour acquérir tous types de biens, quitte à acheter des locaux d’entreprise », indiquent les notaires, véritables sentinelles d’un marché, qui a explosé sous le double effet du COVID et des taux bas. Près de 40000 biens existants ont ainsi été vendus en 2021 (+23%) dans l’ancien, et 4028 dans le neuf uniquement en Savoie Mont Blanc, (soit une activité stable par rapport à 2019, les chiffres 2020 étant pénalisés par la crise).

« Le volume des transactions est très important là où il peut y avoir des mandats de vente. Le véritable problème est celui du peu d’offres sur le marché selon les bassins de vie », pointe Sébastien Cartier, président de la Fnaim Savoie Mont-Blanc et Ain. Pour Thierry Uomobono, cofondateur et dirigeant de l’agence Tour des lacs Immobilier « La demande est telle qu’à Annecy, les ventes ont doublé en un an! »

Et qu’en sera-t-il en 2022 sous la pression de la guerre en Ukraine qui entraîne une pénurie des matériaux de construction dans le neuf, et jette une ombre sur la rénovation dans l’ancien ? Actuellement, le marché semble se stabiliser… mais à un haut niveau et pas seulement autour des lacs ou à la montagne. Les villes moyennes attirent, elles aussi, leur lot d’acquéreurs tandis que les agglomérations continuent de faire le plein face à la raréfaction des biens.

Actuellement, le marché semble se stabiliser… mais à un haut niveau et pas seulement autour des lacs ou à la montagne.

Les raisons du succès

Plusieurs raisons expliquent cet appétit pour la Savoie, la Haute-Savoie et l’Ain. « Depuis les confinements, les habitants des métropoles, à commencer par les Parisiens et les Lyonnais, recherchent des biens avec au moins un balcon ou une terrasse, voire un roof top, très à la mode. Ils sont prêts à s’installer dans des villes plus petites qui avaient jusque-là peu d’attrait pour eux », explique Nicolas Bouvier de la Chambre interdépartementale des notaires. Mais pas seulement.

Les spécialistes de l’immobilier constatent l’arrivée d’une population de nantis et de retraités qui veulent se mettre au vert. Et la tendance est la même sur les trois lacs. Gwennaëlle Dalimo-Mireau de Sweet Property confirme : « Il y a eu une grosse affluence d’acquéreurs venus des métropoles qui ont fait un choix de vie. Parmi eux, beaucoup ont acheté cash! » Mais l’effet Covid n’est pas la seule explication à cet engouement, porté par des taux d’intérêt bas, même si une remontée est en cours. « Elle peut avoir un effet négatif tant pour les investisseurs que les accédants, mais il faut relativiser car ils restent par rapport au plus bas niveau historique », tempère néanmoins Sébastien Cartier.

La desserte de certaines villes moyennes attrayantes est une autre raison. « Bourg-en-Bresse est à deux heures de Paris par TGV et moins encombrée que Lyon», indique Caroline Grosjean, notaire dans le Pays de Gex. Ce secteur continue d’ailleurs d’intéresser de nouveaux acquéreurs. Mais ils viennent plutôt de Suisse des jeunes ménages -, parfois de l’étranger, des Britanniques surtout, travaillant notamment dans les organisations internationales et des groupes multinationaux, ou encore des frontaliers français (nouveaux ou pas). Ici, on peut encore trouver à se loger à un coût supportable, entre 3500 et 3800 euros du m2, dans les vieux quartiers de Gex ou à Saint-Genis Pouilly.

« L’avantage du Pays de Gex par rapport à Annecy, c’est que l’on y trouve beaucoup de neuf ou du récent avec une vue panoramique. Des biens qui ont été entretenus, avec très peu de gros travaux à faire. Un T3 neuf à Divonne se vend 5000 à 6000 euros du m2, le même prix qu’à Annecy dans l’ancien», poursuit la notaire.

À Aix-les-Bains et Chambéry, Bérengère Servat du groupe CIS Immobilier observe « une année 2021 assez dynamique. Avec le déficit d’offre en 2022, on peut dire que le marché est fébrile». Il y a encore beaucoup de demandes autour du lac du Bourget, du fait du report des frontaliers qui vont au-delà d’Annecy, dans l’Albanais, et si possible à Aix-les-Bains, voire Chambéry, bien desservie par l’autoroute.

« Depuis les confinements, les habitants des métropoles, à commencer par les Parisiens et les Lyonnais, recherchent des biens avec au moins un balcon ou une terrasse, voire un roof top, très à la mode. Ils sont prêts à s’installer dans des villes plus petites qui avaient jusque-là peu d’attrait pour eux ».

Nicolas Bouvier, Chambre interdépartementale des notaires.

Les prix s’envolent

Résultat, une flambée des valeurs en 2021 autour des lacs d’Annecy et d’Aix-les-Bains. Compter en moyenne 5386 euros TTC le mètre carré habitable neuf à Annecy et 4520 euros à Tresserve. Chambéry aussi a vu ses prix augmenter, à 3 816 euros en moyenne. La ville offre un parc de maisons à des tarifs encore intéressants : une villa de 110 m2 se négocie autour de 308200 euros. Reste que le département est caractérisé par une hétérogénéité de secteurs : l’avant-pays savoyard connaît un joli succès dans des villes comme Yenne ou Pont-de-Beauvoisin, qui sont des marchés de report, car Aix-les-Bains devient cher, affichant un prix du m2 à 4 900 euros dans l’ancien, en hausse de 6 à 8% sur un an.

À Annecy, depuis les élections municipales, nombreux sont les permis de construire qui ont été ajournés ou stoppés. D’où un transfert dans l’ancien qui a asséché l’offre disponible sur l’ensemble du Grand Annecy. Mécaniquement, les prix atteignent des sommets. « On approche aujourd’hui les 10000 à 11000 euros dans le neuf, mais aussi 8000 euros le m2 dans l’ancien», relève Thierry Uomobono.

« Dans le neuf, les bons chiffres de 2021 en termes de réservations promettent une belle activité à venir, mais nous tirons la sonnette d’alarme : le stock de logements est faible sur tout le territoire et la délivrance des autorisations administratives très limitée », ajoute Vincent Davy, président de la FPI Alpes. Conséquence, une baisse des mises en vente sur la plupart des marchés qui atteint -33 % sur Chambéry, -42% sur le Grand Annecy, -2% dans le Genevois et -38 % dans le Pays de Gex, sauf dans le Chablais (+15%) et à Annemasse (+16 %), par rapport à 2019.

Les appels d’offres ont du mal à se boucler car les coûts de construction ont bondi de 20%. En 2022, face à la pénurie de matériaux, les futurs acquéreurs prennent davantage en compte les travaux à faire, surtout en copropriétés, et sont plus regardants sur les prix.

À Annecy, depuis les élections municipales, nombreux sont les permis de construire qui ont été ajournés ou stoppés. D’où un transfert dans l’ancien qui a asséché l’offre disponible sur l’ensemble du Grand Annecy.

Des surcoûts à prévoir

Pour les biens nécessitant des rénovations, la mise en place du nouveau DPE, plus drastique en termes d’isolation, va se traduire par des surcoûts. « Nous avons constaté avec la RE2020 un renchérissement du coût de construction neuve de 10% au moins», souligne Sébastien Cartier. « Il y aussi la loi Climat et Résilience de 2021, qui a créé une obligation de performance énergétique pour le parc locatif, celui des passoires thermiques et dans les immeubles collectifs où les travaux seront difficiles à faire ».

En dix ou douze ans, les travaux énergétiques à réaliser seront colossaux, sauf aménagements de cette loi, votée en plein été (juillet 2021), avec peu de concertation des professionnels. Mais la nouvelle gouvernance française est porteuse d’espoir. « On peut espérer que des financements complémentaires seront mis en place » plaide le président de la Fnaim Savoie Mont-Blanc et Ain.

« Le contexte économique actuel fait que les acheteurs seront plus exigeants», estime, pour sa part, Yannick Garnier, notaire à Thonon-les-Bains. « Il faut voir si une politique à taux zéro ou des aides à l’achat vont être créées par le nouveau gouvernement!» En attendant, les choses restent partout très compliquées, surtout pour les jeunes et les primo-accédants. Les salaires n’augmentent pas alors qu’une inflation durable s’est installée. « Ce n’est pas la bonne équation pour acheter », conclut ce professionnel.

Les choses restent partout très compliquées, surtout pour les jeunes et les primo-accédants. Les salaires n’augmentent pas alors qu’une inflation durable s’est installée.


Par Françoise Lafuma


Retrouvez l’intégralité de cet article dans notre hors-série « Panorama de l’immobilier 2022 », disponible en ligne ou au format papier.

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