Hôpital : les urgences menacées d’embolie

par | 15 juillet 2022

Le 30 juin, le médecin urgentiste François Braun, devenu depuis Ministre de la santé, remettait à la Première Ministre une liste de 41 propositions pour sauver les urgences de l’implosion.

Sauver les urgences : c’était le sens de la « mission flash » confiée en mai à François Braun par le président de la République, pour identifier rapidement des solutions opérationnelles qui facilitent l’accès aux soins urgents non programmés.

Les Pays de Savoie, terres de flux touristiques et de traumatologie montagnarde, sont évidemment concernés par la mise en oeuvre très rapide, au 4 juillet, de ce rapport éclair qui cible les deux extrémités de la chaîne de soins d’urgence : les patients, qui seront éduqués pour comprendre qu’avant tout déplacement aux urgences, il leur faut joindre le centre 15 afin d’être orientés vers une offre de soins adaptée ; les soignants et personnels hospitaliers, qui doivent percevoir la revalorisation du travail de nuit dès le 1er juillet (et notamment sur les ponts du 14 juillet et du 15 août), les professionnels libéraux mobilisés pour la régulation au Samu, dont les rémunérations sont revisitées, et les équipes des urgences psychiatriques, pédiatriques et gynécologiques, futures bénéficiaires de primes.

Objectif fondamental : réguler les admissions par une forme de triage dès l’entrée aux urgences, sinon lors du passage par le standard téléphonique du Samu. Pas question, donc, de renoncer aux soins vitaux. Mais les groupements hospitaliers territoriaux de Haute-Savoie Pays de Gex, du Léman Mont-Blanc et le conseil départemental de l’ordre des médecins de Haute- Savoie estiment, d’une même voix, que 20 % de l’activité des urgences ne relèvent pas du recours aux compétences hospitalières.

D’autant que le système de santé est en tension sur le plan des ressources humaines, après deux ans et demi de crise sanitaire, avec une pénurie de soignants (liée parfois à la pandémie lorsque ces derniers ont refusé la vaccination obligatoire), de nouvelles aspirations des professionnels de santé, et aussi les congés estivaux. Tandis que l’épidémie de covid retrouve de nouveaux variants tous les mois, l’État a dû réagir. Si ces difficultés touchent tous les étages de l’hôpital et de la médecine de ville, elles se cristallisent dans les services d’urgence.

Du provisoire qui pourrait durer : la stratégie annoncée comme « provisoire » par François Braun pourrait ne pas le rester. Le ministre de la Santé promet un suivi permanent des recommandations appliquées cet été aux urgences, pour identifier celles qui perdureront.

Fermeture la nuit

Les établissements des deux Savoie peuvent donc puiser désormais dans la « mission flash Braun » – dont les incarnations législatives sont attendues sous semaine –, afin « d’actionner les leviers nouveaux pour garantir une réponse adaptée aux besoins de santé », comme l’écrit le ministre de la Santé dans un communiqué.

Première réponse : des urgences régulées la nuit. Les professionnels du centre de soins urgents des Hôpitaux du Pays du Mont-Blanc reçoivent ainsi, à Chamonix, tous les jours de 9 h à 20 h, jusqu’au dimanche 28 août, en ajoutant un médecin d’accueil et d’orientation, un renfort d’effectifs infirmiers ; tandis que la filière traumatologie reste ouverte jusqu’à minuit au lieu de 18 h.

Le centre hospitalier de Métropole Savoie suit le même protocole. Dès sa page Internet, il annonce la régulation estivale de l’accès aux urgences la nuit, entre 19 h et 8 h. Les patients doivent appeler le centre 15 avant de se déplacer vers l’un des deux services d’urgences adultes ou pédiatriques de Chambéry et d’Aix-les-Bains, et, plus globalement, vers l’un des services d’urgence publics ou privés sur le département. Seules les urgences gynécologiques et obstétricales restent accessibles.

« C’est un immense travail de coordination entre établissements hospitaliers, centre 15, cabinets médicaux, maisons de santé pluriprofessionnelles, maisons médicales de garde, structures de permanence type SOS Médecins, et avec les communautés professionnelles territoriales de santé », reconnaît Mélanie Gaudillier. La directrice générale adjointe du centre hospitalier Métropole Savoie note : « Nos postes vacants sont compensés par des médecins en heures supplémentaires. »

Un contexte moins évident au sein d’établissements plus modestes, tels ceux de Saint-Jean-de- Maurienne ou Bourg-Saint- Maurice qui, s’ils maîtrisent de longue date les saisons, recourent davantage à l’intérim. « L’adaptation des urgences relève de leur ADN », observe Mélanie Gaudillier, même si elle convient de la nécessité « d’accompagner les personnels face à ces changements et la situation hétérogène des établissements dans nos territoires savoyards, par une communication qui doit, elle, être homogène ».

Renforts et besoins d’été

En Auvergne-Rhône-Alpes, 54 services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) terrestres reposent sur la présence obligatoire, 24 heures sur 24, d’au moins un médecin urgentiste. En parallèle, douze hélicoptères maillent toute la région, dont un en Haute-Savoie et un en Savoie où le ministère de l’Intérieur en poste un second en renfort, jusqu’au 29 août, sur la base de Courchevel, médicalisé par des médecins du centre hospitalier Albertville-Moûtiers et de l’hôpital de Bourg-Saint- Maurice.

En 2021, ce deuxième appareil de la Sécurité civile a effectué 250 missions de secours en montagne et évacuations sanitaires. Autre renfort attendu cet été, du côté des particuliers cette fois, avec une campagne de sensibilisation au don du sang. Les urgences en ont cruellement besoin mais l’alerte de l’Établissement français du sang en juin sur un niveau historiquement bas des réserves n’a pas engendré la mobilisation escomptée. Le précieux fluide pourrait manquer cet été dans les Savoie.


Raphaël Sandraz

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