Impression 3D : la fabrication additive devient addictive

par | 09 novembre 2016

La fabrication 3D est annoncée comme une révolution en cours comparable à celle de l’informatique, puis du net, ces dernières années. Les Pays de Savoie se positionnent pour faire bonne impression.

La poignée de ma friteuse vient de casser. Pas de problème, je me connecte sur le site du fabriquant, je télécharge le fichier dimensionnel de la poignée, je l’envoie dans mon imprimante 3D, qui fabrique la pièce, et c’est reparti ! De la science-fiction ? Non, ce scénario est pour demain. «Le groupe Seb vient d’annoncer que ses prochaines générations de produits seraient livrées avec une clé USB contenant les fichiers 3D des pièces susceptibles de casser», assure Alain Charrier, animateur du Fablab 74. Il en est persuadé : «à court terme, dans trois à cinq ans, nous aurons tous une imprimante 3D à la maison».

FabLab74

Le Fablab 74 est né il y a quatre ans pour accompagner cette révolution dans les modes de production et de consommation. L’impulsion de départ est venue du Rotary club d’Annecy, dont fait partie Alain Charrier. «Nous avons voulu réunir les acteurs du territoire pour appréhender ensemble les impacts que va avoir la fabrication additive dans notre vie quotidienne.» La structure haut-savoyarde fonctionne donc sur un modèle un peu différent des autres Fablab, «qui sont en général simplement des ateliers où des machines sont mises à disposition d’un public qui vient faire ses expériences. Notre propos est différent : dès l’origine, nous avons voulu travailler en réseau avec le Medef, l’Université Savoie Mont Blanc (c’est Polytech qui nous héberge), des entreprises partenaires (bien sûr Initial, pionnier du secteur à Seynod, mais aussi Maped, Léman Industries…), des banques, des business angels…». Une formule qui tient donc à la fois de l’incubateur, du réseau et de la plate-forme de développement.

“LE PRINCIPE DE LA FABRICATION ADDITIVE PERMET DE CRÉER DES STRUCTURES IMPOSSIBLES À FABRIQUER PAR DES MODES CLASSIQUES.”

Les résultats sont là : six start-up dédiées à la 3D ont déjà été créées en Haute-Savoie, par exemple. Le Fablab 74 a donné 70 conférences en deux ans. Et il fait des petits : le Fablab 73, à Albertville et le Fabulien à Saint-Julien-en-Genevois. «Nous répondons à une demande forte, assure Alain Charrier. Tout le monde veut comprendre cette révolution : banquiers, prestataires de services, formateurs, industriels. La Société Générale, par exemple, a eu envie de mieux comprendre le sujet, ne serait-ce que pour aider ses commerciaux à accompagner leurs clients dans ce domaine. Maped a intégré une machine unique au monde pour imaginer de nouveaux produits. Le marché des poudres pour imprimantes 3D peut sans doute être un débouché pour Baikowsky. Entremont travaille à une machine 3D capable d’imprimer du fromage ! Et là encore cela n’a rien de farfelu : Barilla maîtrise déjà le sujet pour ses pâtes !

Nous sommes en train de susciter la naissance d’un écosystème pour accompagner toutes ces entreprises.» Sur les étagères du petit local qu’occupe le Fablab à Polytech s’alignent les productions d’étudiants passionnés. Certains ont fabriqué les pièces qui leur ont permis de monter… leur propre imprimante 3D ! D’autres s’essaient à des formes étonnantes. Car le principe de la fabrication additive, où la pièce est “montée” microcouche après microcouche, permet de créer des structures impossibles à fabriquer par des modes classiques. Un bracelet de montre articulé fabriqué en une seule passe, par exemple…

Le problème de cette ouverture du champ des possibles, c’est qu’il «manque 2 000 designers 3D en France», assure Alain Charrier. Il faut développer des formations spéciales pour apprendre à penser différemment. Une entreprise, A3D Project, se spécialise d’ailleurs dans la conduite de ces projets. Alain Charrier est optimiste : les nouvelles générations sauront se saisir de cette nouvelle technologie. «Un dirigeant me racontait comment il confiait les projets les plus “sages” aux anciens, formés à la conception traditionnelle, et les plus “fous” aux nouveaux, capables de toute les audaces», raconte l’animateur du Fablab 74.

Il y a des emplois à créer dans la technologie 3D, mais également dans le domaine des services. Sans doute. Mais pour autant, les industriels (ci- après les témoignages de décolleteurs) trouvent encore des défauts à la fabrication additive. La vitesse d’impression serait encore lente. Peut-être, convient Alain Charrier, mais «la technologie va vite. HP vient de lancer une imprimante 3D qui va vingt fois plus vite que la génération précédente. Et HP, spécialiste des imprimantes grand public, n’entre pas sur ce marché pour faire de la figuration». L’autre frein serait le faible nombre de matériaux disponibles. «Il ne cesse pourtant d’augmenter, et surtout de se combiner, assure Alain Charrier : certaines imprimantes alignent plusieurs têtes d’impression, permettant de créer des pièces en plusieurs matériaux étroitement imbriqués.» Idéal pour alléger des structures, optimiser des caractéristiques techniques, économiser de la matière… Si les résines tiennent le haut du pavé, cela fait des années qu’Initial travaille les poudres métalliques à Seynod. Et la technique évolue très vite…

L’émulation du concours

Faire connaître l’impression 3D et susciter des vocations : cela a été le but de la création, il y a trois ans, du concours d’impression 3D par le Fablab 74. Ils étaient vingt participants la première année à tenter l’aventure, 60 la seconde. Il associe aujourd’hui le Fablab 73 d’Albertville et le Fabulien de Saint- Julien-en-Genevois. Il continue à s’adresser au grand public (deux catégories : plus de 18 ans, moins de 18 ans). Les participants sont invités à fournir un fichier en .STL d’une pièce de leur création, plus un argumentaire présentant les innovations apportées. Inscriptions jusqu’au 15 novembre sur www.fablab74.com.

Luxunika scuplte la matière en 3D

Créée en avril 2015, Luxunika propose aux particuliers et professionnels une prestation combinée de design et de fabrication en 3D de mobilier et de décors en bois, en résine minérale et en pierre, principalement pour le marché de la montagne. «Nous réalisons de l’usinage en 3D, véritable sculpture de la matière pour les pièces de grandes dimensions, et réalisons les petites pièces grâce à l’impression 3D» explique Gaël Rosset, président de la société Aztekam à Chindrieux, qui exploite la marque. Parmi ses références, une fresque de 15 m de long dans l’espace piscine du chalet Rock and Love de Guerlain Chicherit, à Tignes, livrée en février. Autre réalisation, un ours en bois massif, qui mesure 2 mètres de long, 1m50 de large e tenviron 30cm de haut. La société, qui emploie 4 collabo- rateurs, vise un chiffre d’affaires de 175 000 à 200 000 euros fin 2016.

Veille active dans la vallée de l’Arve

L’additif ne remplace pas les techniques traditionnelles d »usinage, mais invite à repenser les process. En technophiles avertis, les décolleteurs de la vallée de l’Arve observent de près la fabrication additive. Certains se dotent de machines 3D, mais détournent cette technologie pour réaliser des moules destinés à la production d’outillage ou des pièces complémentaires qui s’intègrent dans les machines. D’une part, parce que la fabrication additive nécessite une reprise importante des pièces et n’est pas encore performante par rapport à l’usinage. D’autre part, parce qu’elle ne permet pas de fabriquer des grandes et très grandes séries, du fait de délais de fabrication plus conséquents, même si elle intéresse fortement les marchés habituels du décolletage, l’aéronautique en tête. «Il faut déjà apprendre à gérer les machines», souligne Didier Pezet, à la tête de Additech Mont-Blanc à Sallanches, créée depuis août dernier.

Depuis environ deux ans, des machines de fabrication additive ont fait leur apparition dans les industries de la vallée de l’Arve. Une révolution pour les décolleteurs davantage habitués à enlever de la matière qu’à en ajouter.

 

«La fabrication additive est compétitive si on repense totalement la fonction des pièces, décrit Stéphane Guerraz à la direction de GMP Industrie à Saint-Pierre-en-Faucigny, qui depuis deux ans développe une partie de sa production via cette technologie. Les pièces sont plus légères, alvéolées voire creuses.» «Tout le poids inutile est supprimé pour mettre la juste matière au bon endroit», résume Stéphane Maniglier chef de projet R&D à Cetim-CTDec. Compétitive pour les petites séries, elle l’est encore davantage pour les pièces individualisées comme les prothèses dans le médical. Si les machines ont beaucoup évolué ces dernières années, les métaux disponibles sont encore trop nombreux pour répondre à tous les objectifs. «Le process n’est pas encore abouti», précise Stéphane Guerraz chez GMP Industrie. Mais le goût pour l’innovation des décolleteurs de la Technic vallée permettra à coup sûr dans les années à venir de faire de la fabrication additive un procédé incontournable pour fabriquer des pièces de plus en plus techniques.


Par Philippe Claret, Françoise Lafuma, et Sandra Molloy.


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