Industrie : aider la métallurgie à déployer ses “Elles”

par | 29 septembre 2023

Les “elles de la métallurgie” est l’initiative de la CFE-CGC pour donner plus de place aux femmes dans l’industrie. Un séminaire national vient d’avoir lieu à Annecy.

Le contraste était saisissant, jeudi 20 septembre, à Annecy, lors du séminaire national des “Elles de la métallurgie CFE-CGC” (le syndicat de l’encadrement). L’assemblée laborieuse, composée d’une centaine de syndicalistes, était à 100 % féminine. Sur la tribune ne trônait en revanche qu’une seule femme, sur six intervenants. Le pouvoir n’a visiblement pas encore changé de sexe, y compris dans le syndicalisme.

Pourtant, ce séminaire avait justement pour vocation de « redonner aux femmes toute leur place dans les métiers de l’industrie ». On en est loin : c’est en constatant, en 2019, lors d’un congrès du syndicat, le peu de représentation féminine dans la métallurgie (22 % au niveau national), qu’un groupe de femmes élues CFE-CGC a décidé de créer le premier groupe des “Elles”. Aujourd’hui, elles sont 80 en France, dont 13 en Pays de Savoie, issues tout aussi bien de NTN Europe que de Dassault Aviation, Stäubli, Somfy, Bollhoff Otalu, Tefal ou Pfeiffer Vacuum.

« Nous sommes ensemble pour parler des problématiques industrielles avec notre spécificité de femmes », résume Anne Perraux, déléguée syndicale chez Dassault Aviation et cheville ouvrière de cette réunion de deux jours. Un rendez-vous qui avait également pour vocation de mieux faire connaître le syndicat, qui, dans les deux Savoie, compte une section dans une quarantaine d’entreprises, a des adhérents dans une cinquantaine, et n’est majoritaire que chez Stäubli (Faverges), où travaille son président pour les deux départements, Philippe Perret.

Attractivité et valorisation

Au menu de ce séminaire, quatre thématiques : « comment attirer les étudiantes, les jeunes femmes et les femmes en reconversion dans la métallurgie ? » ; « comment retenir nos talents et en capter d’autres ? » ; « quelle place pour le dialogue social ? » ; « quelle reconnaissance du parcours des élus dans l’entreprise ? ». Sur le premier point, une des solutions proposées était de mieux mettre en avant les « conditions attractives » de la métallurgie : salaires plus hauts de 13 % en moyenne, nombre supérieur de jours de congés…

Pour Caroline Delloye, directrice générale du groupe Gonzales (Estrablin, Isère), il faut aussi mieux faire connaître ces métiers à travers les enseignants et les centres d’orientation, et valoriser les professions, dépoussiérer l’image du secteur en s’appuyant sur les médias favoris des jeunes. Son rêve ? « Une émission de téléréalité à la mode Top chef, qui ferait entrer nos métiers au sein des foyers. » Un concept que vient justement de lancer le groupe Mont Blanc Médias en Haute- Savoie, avec un programme intitulé “Top Fab”.

Travailler les valeurs devenues essentielles

Concernant la fidélisation et l’attractivité, il a été proposé de donner plus de visibilité sur les carrières en n’enfermant pas les candidates dans un parcours, d’être plus attentifs à l’équilibre vie privée-vie professionnelle, de remettre l’humain au centre ; mais aussi de travailler les valeurs devenues essentielles telles que l’environnement, la responsabilité sociétale des entreprises ou la diversité ; de mettre en avant des “success-stories”, de pérenniser le télétravail et la semaine de quatre jours et, enfin, de réfléchir à un mode managérial plus horizontal.

Sur le dialogue social, les syndicalistes demandaient notamment de redonner sa place au CHSCT, l’organe qui faisait « de la prévention, de l’analyse et du curatif » dans les entreprises de plus de 50 salariés. Fusionné avec le comité d’entreprise et les délégués du personnel en 2017 dans le comité social et économique (CSE), il avait l’avantage, selon eux, de la proximité avec le terrain. Un avis que Laurent Guiot, DRH de NTN Europe, ne partage pas : « La réforme a plutôt été une opportunité pour relancer le dialogue. Auparavant, le fait d’empiler trois instances générait beaucoup de dispersion d’énergie. »

Le dernier thème abordé, l’accompagnement des élus dans l’entreprise, était l’occasion de dresser le constat de la difficulté d’attirer les volontaires dans la fonction syndicale. Les valoriser et organiser des bilans de leur action régulièrement ont été quelques-unes des pistes abordées. Un constat partagé par Christophe Coriou, délégué général du Medef 74, qui rappelait que les entreprises doivent comprendre et soutenir les démarches syndicales.

« T’es pas toute seule ! »

François Hommeril, le président confédéral de la CFE‑CGC, toujours délégué syndical de Niche Fused Alumina (La Bâthie, 73), même s’il n’y exerce plus d’activité professionnelle, participait vendredi matin à la visite d’Ugitech des Elles. L’occasion pour lui de rendre hommage à leur travail, alors qu’il n’a pas forcément vu la création du groupe d’un très bon oeil. « Quand on m’en a parlé, il y a deux ans, je trouvais l’idée un peu suspecte du point de vue de l’intégration. »

Aujourd’hui, il se dit persuadé que « ce genre d’initiative contribue à débloquer des freins et à faire que des femmes s’engagent dans le syndicalisme ». Pourtant, la CFE-CGC n’est pas exemplaire : elle compte 50 femmes et 25 hommes parmi ses salariés, mais affiche 60 % d’adhérents contre 40 % d’adhérentes. « Les Elles sont faites pour que les militantes se rencontrent et soient mises en avant. Le mot-clé du syndicalisme c’est : “T’es pas tout seul !” Pour les Elles, c’est : “T’es pas toute seule”… »

Ugitech : des salariées au caractère bien trempé

L’aciériste peine à recruter des femmes. Mais celles qui y travaillent ne sont pas là par hasard. « J’ai besoin de terrain, de machines, d’outils, et ai toujours voulu travailler dans l’industrie. » Nadège Crepel, 48 ans, a réalisé son rêve de gosse lorsqu’elle est entrée à Ugitech. Après avoir refusé toutes les offres d’emploi des SS2I qui la draguaient, cette ingénieure en informatique industrielle a enfin trouvé usine à son pied. Elle est désormais « superviseur de production de trois ateliers ».

Pas encore “superviseuse” : le vocabulaire industriel évolue encore plus lentement que les mentalités. Sa collègue Véronique Frelat termine sa trente-troisième année en tant que technicienne de recherche au centre de R & D. À la veille de prendre sa retraite, cette mécanicienne de formation, qui a toujours aimé les sciences, garde intact l’intérêt pour les essais qu’elle effectue et pour son rôle de déléguée syndicale CFE-CGC. Au sein de ce même centre de recherche, Jamila Adem a la passion communicative et le sourire à toute épreuve.

« Depuis le collège, j’aime la chimie », dit cette ingénieure qui a trouvé, chez Ugitech, la formule gagnante pour s’épanouir : « Quand on m’a proposé le poste, en 2007, j’ai su qu’il était pour moi : il était taillé sur mesure. » Aujourd’hui responsable de recherche, elle fait partie de la minorité féminine salariée sur le site d’Ugine. « Nous ne comptons que 2 % de femmes en production et environ 12 % en général », indique David Bertoli, DRH, qui tente d’améliorer la situation en travaillant sur les conditions d’accueil ou l’ergonomie des postes.

« Nous avons tout de même quelques belles réussites », poursuit-il. « Une opératrice est devenue manager d’équipe et l’un de nos techniciens de maintenance est une technicienne. » Cette dernière avait postulé de façon anonyme, ce qui en dit long sur l’accueil qui a pu être réservé par ailleurs à ses précédentes candidatures. « Il y a des idées reçues à balayer », conclut le DRH.


Sylvie Bollard

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