Interview / Raphaël Domjan : « L’énergie solaire me fait rêver »

par | 11 octobre 2018

Adolescent, il voulait être astronaute. Aujourd’hui, à 46 ans, il prépare un vol en avion solaire dans la stratosphère pour démontrer le potentiel des énergies renouvelables. Entretien avec un éco-aventurier suisse hors du commun, déjà auteur du premier tour du monde en bateau solaire.

Vous avez réalisé un tour du monde en bateau à énergie solaire entre 2010 et 2012. Rappelez-nous pourquoi ?

J’ai toujours fait beaucoup de montagne et d’expéditions. En 2004, j’ai voulu retourner en Islande pour faire découvrir à mon amie un glacier où j’étais allé en 1993 et que j’avais beaucoup aimé. Quand je suis arrivé sur place, ça a été un choc pour moi : il avait perdu 700 mètres d’épaisseur et reculé de trois kilomètres. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose et j’ai imaginé ce tour du monde en bateau à énergie solaire. J’avais déjà co-créé des hébergements de sites Internet et d’emails 100 % solaires, avec de l’énergie produite par notre propre centrale solaire et eu la chance de naviguer pour la première fois sur un bateau solaire en 2002. Ces deux expériences m’avaient permis de constater que nous avions tout a disposition pour devenir durable.

Quels ont été les principaux enseignements de cette aventure ?

Entre septembre 2010 et mai 2012, avec cinq membres d’équipage, nous avons navigué à bord de PlanetSolar, plus grand bateau solaire du monde et parcouru 60 000 kilomètres (de Monaco à Monaco), à travers tous les océans, uniquement propulsé grâce à l’énergie de notre étoile, le soleil. Nous avons fait 5 000 arrêts pour des rencontres, conférences, témoignages… Nous sommes passés sur toutes les grandes chaînes de télévision, avons suscité des milliers d’articles… Nous avons par ailleurs participé au développement d’un système de routage solaire pour trouver la route la plus rapide et la plus économe en énergie. Ce système équipe désormais des porte-conteneurs. Nous avons également démontré la fiabilité de ces technologies du futur. Nous avons prouvé au monde que c’était possible, que nous pouvons changer, et que nous devons rester optimistes.

Avec PlanetSolar, vous avez réécrit, dites vous, « l’histoire de Magellan à l’énergie solaire », mais aujourd’hui vous voulez aller plus loin, au-delà de ce qu’il est possible de réaliser avec l’énergie fossile…

L’important pour moi aujourd’hui est d’écrire l’histoire tout court. Contribuer en priorité à la protection de notre atmosphère passe par une meilleure compréhension de ce qui s’y passe. Et l’énergie solaire me fait rêver. D’où le projet de SolarStratos ? Exactement. Quand j’étais au milieu du Pacifique, alors que je regardais la voûte céleste, je me suis dit « Que puis-je faire de plus audacieux ? M’approcher des étoiles ! » Et le meilleur moyen d’aller dans la stratosphère, c’était de construire un avion unique, fonctionnant à l’énergie solaire et à l’électricité. Le moteur électrique marche bien sans pression et plus il fait froid, plus le rendement des panneaux solaires augmente. J’ai réuni les moyens financiers et humains, et SolarStratos a réalisé son premier vol d’essai, à 300 mètres d’altitude, avec succès, le 5 mai 2017 sur la piste de l’aéroport de Payerne en Suisse. Cet avion peut voler à une altitude très peu fréquentée (25 000 mètres), dans un milieu fragile, sans la moindre émission de polluant. Il permettra de réaliser des mesures inédites, jamais effectuées jusqu’alors. Avec SolarStratos, nous aurons aussi l’expérience et le savoir-faire du voyage longue durée à très haute altitude… Le potentiel de développement est énorme. Il faut arrêter de penser que protéger l’environnement va nous coûter. La sagesse est quelque chose qu’on va devoir acquérir pour survivre !

Où en êtes vous aujourd’hui ?

Nous espérions établir les premiers records avant la fin de cette année et réaliser le premier vol habité dans la stratosphère l’an prochain pour aller voir la courbure de la terre au moins à 20 kilomètres de haut ! Mais suite à un incident lors du test de l’aile de l’avion début juillet, notre programme de premières et de records est repoussé d’environ six mois. La combinaison spatiale, que nous avons mise au point avec les Russes, est, quant à elle, prête et nous devons maintenant l’intégrer dans l’avion. Elle est nécessaire car l’avion n’est pas pressurisé. Elle fonctionne avec très peu d’énergie, solaire toujours.

Vous avez par ailleurs lancé une fondation. Dans quel but ?

Cette fondation comporte trois volets :

• Soutien à l’éco-exploration : nous avons par exemple soutenu la navigatrice française Anne Quemere dans son projet de franchir le mythique Passage du Nord-Ouest, dans l’océan Arctique, à bord d’un bateau propulsé à l’énergie solaire.

• Patrimoine : nous avons une histoire à préserver, nous possédons le premier bateau solaire de l’histoire de l’humanité, et préparons une exposition photographique itinérante sur l’histoire des pionniers de l’énergie solaire. Elle débutera à Montreux le 22 octobre et sera visible en France, à Annemasse, du 12 au 17 novembre. Un livre sera également édité.

• Solidarité enfin : nous voulons utiliser l’énergie solaire pour des projets d’entraide humanitaire et de promotion de la paix.


Par Hélène Vermare


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