Ce n’est pas une surprise : l’activité économique a été catastrophique en avril, au milieu du confinement imposé par la crise sanitaire de la Covid-19. Plus inquiétant : les carnets de commandes ont eux aussi fondu : la reprise va être lente. C’est ce que confirme l’enquête de conjoncture menée par la Banque de France.
Pour son enquête de conjoncture, la Banque de France a interrogé environ 1 100 entreprises et établissements d’Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA) dans les secteurs de l’industrie, des services marchands et du bâtiment et des travaux publics (BTP). À propos de leur activité en avril, donc en plein confinement ; et sur leurs anticipations pour le mois de mai.
La conclusion globale est sans appel : en avril, « l’activité s’est de nouveau fortement dégradée. La baisse est toutefois plus modérée qu’en mars, si l’on tient compte que le confinement a porté sur la totalité du mois. Un point historiquement bas semble atteint dans l’industrie et les services avec des perspectives nécessairement plus favorables pour mai en lien avec le déconfinement progressif décidé. Seul le secteur de l’hébergement-restauration voit son redressement reporté. »
Dans le détail, l’enquête révèle de vraies disparités selon les secteurs. Tour d’horizon.
L’industrie plus durement touchée qu’au niveau national
Dans l’industrie, qui représente 17,8 % des effectifs globaux régionaux, moins de la moitié des chefs d’entreprise interrogés (47 % exactement) jugent que leur activité s’est située à un niveau « normal ». C’est moins bien que la moyenne nationale (50 % tout rond).
Après le coup de frein brutal de mars avec l’instauration du confinement, la chute s’est poursuivie en avril « malgré la reprise partielle de la production dans de nombreuses entreprises », note la Banque de France (BdF). « Le secteur le plus affecté reste la fabrication de matériels de transport dont les usines sont restées fermées plus de la moitié du mois en moyenne – autour de 14 jours contre 11 jours sur le plan national. À l’inverse, la chimie, la pharmacie et l’agroalimentaire [ndlr : à l’activité parfois tirée par la crise sanitaire] sont les trois filières les moins touchées. »
L’un des graphiques de l’enquête montre une chute de production dans l’industrie flirtant avec les – 120 % fin mars et dépasseant les – 60 % en avril 2020 en AuRA. Quant aux carnets de commandes, ils ont eux aussi plongé : – 60 % environ en avril.
Pour ce qui est spécifiquement du décolletage et de ses activités liées (usinage, traitement des métaux) qui pèse 8,5 % des effectifs de l’industrie régionale, « la production a de nouveau fortement reculé, de façon moins brutale qu’en mars toutefois, indique la Banque de France. Une dépréciation des matières premières a été notée, sans répercussion significative sur les prix de vente. La fin du confinement laisse espérer une relance de l’activité malgré un épuisement progressif des carnets – en provenance du secteur automobile notamment. »
Dans la plasturgie (6 % des effectifs industriels régionaux), « si l’activité reste encore bien dégradée, l’utilisation des plastiques dans les matériaux de protection sanitaire permet aux entreprises du secteur de limiter les baisses de production. Le niveau de production est estimé par les chefs d’entreprises à presque 60 % [des capacités] de ce qui est généralement constaté sur un mois d’avril classique. Compte tenu de carnets de commandes très bas, le rythme de production ne devrait que peu progresser en mai. »

Du mieux espéré en mai
L’agroalimentaire, lui, est moins touché. Toutefois « la baisse des entrées de commandes en provenance de la clientèle des cafés, hôtels et restaurants pèse sur des carnets qui restent fragiles. Les rythmes de production se sont donc naturellement réduits sans que le secteur ne soit trop contraint d’interrompre sa production – à peine deux jours de fermeture exceptionnelle en moyenne sur le mois d’avril », fait remarquer la Banque de France. « Le taux d’utilisation des capacités de production reste correct à 69 % (contre 47 % pour l’ensemble de l’industrie) mais encore loin de sa moyenne de long terme de 79 %. Une amélioration modeste de l’activité est anticipée pour le mois de mai. »
D’un point de vue global (industrie régionale dans son ensemble), « les trésoreries fortement pénalisées en mars semblent moins sous tension alors que la moitié des entreprises interrogées dans notre échantillon ont ou vont bénéficier d’un prêt garanti par l’État », note la BdF.
Enfin, pour mai, les chefs d’entreprise de l’industrie interrogés par la banque centrale sont plus optimistes : près de deux sur trois (64 % en région, 66 % en moyenne nationale) tablent sur une activité normale, même si les anticipations « demeurent prudentes au regard de la faiblesse des carnets et surtout du rythme de la reprise des entrées de commandes ».
Services marchands : une baisse encore très marquée
Avec la prolongation du confinement, « la baisse de l’activité dans les services marchands est encore très marquée en avril », notamment dans l’hébergement-restauration, quasiment à l’arrêt complet. «Toujours en repli, le secteur du travail temporaire souffre de la suspension par les entreprises des contrats temporaires dans la mesure où une partie de leur propre personnel est au chômage partiel », précise aussi la Banque de France.
L’organisme relève que dans l’informatique, « l’activité semble avoir un peu mieux résisté grâce à la généralisation du télétravail », qui concerne près de 80 % des effectifs. Mais « la faiblesse des commandes de nombreux clients de filières en difficulté comme l’automobile, l’aéronautique ou encore le commerce de détail » a évidemment un impact.
Le transport routier de fret, lui, reste globalement en retrait « même si la demande de la grande distribution, de l’agroalimentaire ou de la pharmacie est satisfaisante ». Dans ce secteur, les chefs d’entreprise espèrent un rebond « dopé par les effets du déconfinement et le retour d’une demande progressivement plus vigoureuse ». De plus, la baisse des prix du pétrole « a permis d’améliorer les marges », même si, « avec la reprise annoncée, certaines entreprises craignent qu’une concurrence renforcée oriente encore les prix à la baisse. »
Tous services confondus, « malgré la large souscription de prêt garanti par l’État – près d’une entreprise sur deux – les tensions sur la trésorerie se sont accentuées. Pour autant, à compter du 11 mai, les chefs d’entreprise anticipent une légère amélioration, avec toutefois de fortes hétérogénéités selon les secteurs. »
Le BTP fait le pied de grue

Sans surprise, le BTP, qui pèse 7,6 % des effectifs totaux régionaux, est durement touché par la crise, avec « l’arrêt de la quasi-totalité des chantiers ».
Après un début d’année plutôt bien orienté, le plongeon est brutal et « la visibilité s’est nettement réduite malgré des carnets de commandes qui demeurent corrects dans le bâtiment. Les entreprises de travaux publics craignent, en revanche, des annulations et des décalages de chantiers venant de la commande publique en raison du report des élections municipales. Les perspectives sont donc très prudentes mais les professionnels s’attendent à une nouvelle dégradation de l’activité au deuxième trimestre », souligne la Banque de France.
Dans le détail, le gros œuvre du bâtiment est à la peine, touché soit par les arrêts de commandes, soit par la pénurie de matériaux. Mais « les carnets de commandes restent dans l’ensemble bien garnis, et pour l’heure les chantiers semblent plutôt reportés qu’annulés », estime la BdF. Dans le second œuvre, « seules subsistent les activités de dépannage ou d’urgence. Les particuliers refusent des interventions non-urgentes à domicile tandis que les chantiers publics sont interdits à cause des difficultés de mise en place des mesures de protection des ouvriers. Les chefs d’entreprise craignent une accentuation des retards de paiements ou même des annulations de chantiers par manque de budget. »
Enfin, dans les TP, arrêt de chantiers, manque de matériaux, pénurie de masques pour assurer la reprise, crainte d’allongement des délais de paiement ou encore report des municipales plombent le moral… et le portefeuille.
Évidemment, dans un secteur gourmand en intérim et en main d’œuvre étrangère, cette chute de l’activité s’est déjà traduite au niveau des emplois.
– 27 %
C’est l’estimation de perte de PIB sur une semaine type de confinement en avril, selon la Banque de France (enquête nationale avec plus de paramètres que l’enquête de conjoncture). C’était 32 % pour fin mars : les entreprises ont déjà su prendre, en avril, des mesures d’adaptation.
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