Crise structurelle + crise conjoncturelle = besoin d’aide publique. Telle est la formule que veut rappeler le Syndicat national du décolletage (SNDec) aux autorités. Il a pour cela rencontré le préfet de la Haute-Savoie en début de semaine et espère obtenir rapidement l’attention du ministère de l’Économie.
À peine le déconfinement lancé, lundi 11 mai, que les responsable de l’industrie(1) en Haute-Savoie se sont retrouvés à la préfecture, face au préfet Pierre Lambert. C’est qu’il y a urgence, expliquent-ils. Le secteur de la sous-traitance industrielle — et notamment le décolletage — est en proie à une double crise : structurelle, avec une remise en cause, notamment environnementale, du modèle de ses deux principaux débouchés, l’automobile et l’aéronautique. ; et bien sûr conjoncturelle, avec la Covid-19.
« Automobile, aéronautique et biens d’équipement pèsent 82 % du chiffre d’affaires du décolletage », rappelle Maxime Thonnerieux, directeur du SNDec. Or, ce sont trois secteurs particulièrement touchés par la crise du coronavirus. « En termes de commandes aux industriels du décolletage, les prévisions tablent sur une baisse de 50 % sur 24 mois en provenance du secteur aéronautique, et sur une chute de 30 % sur 2020 pour l’automobile. »
Et le porte-parole du décolletage français (la Haute-Savoie représente près de 70 % de cette industrie au niveau national) d’insister : « Encaisser un tel choc est déjà difficile en soi, mais quand il survient alors que d’énormes investissements sont en cours pour assurer l’adaptation du secteur aux mutations structurelles de ses marchés, alors un soutien spécifique est indispensable. » Le niveau d’investissement dans l’industrie du décolletage (entre 11 et 12% du chiffre d’affaires) est en effet « deux fois plus important que le niveau moyen de l’industrie française », détaille le directeur du SNDec.
Baisser les prélèvements sur la production : le mot d’ordre demeure
Inquiets, les industriels ont déjà fait part de leurs attentes. Sans surprise, la baisse des prélèvements sur la production y figure en bonne place : c’était déjà, avant la crise, une revendication récurrente. « Là encore, le décolletage est spécifique et doublement pénalisé. Les salaires sont plus élevés que dans la moyenne de l’industrie française, en raison de la proximité de la Suisse, et donc les taxes sur les salaires sont plus élevées elles aussi. Idem pour les taxes sur le foncier, avec un coût du foncier particulièrement élevé dans le département », égrène Maxime Thonnerieux. La contribution sur la valeur ajoutée des entreprise (CVAE) serait, elle aussi, une injustice : « La valeur ajoutée est de 42 % en moyenne dans le décolletage, contre 24-25 % dans l’industrie en général. »
En plus de ces aménagements fiscaux, les industriels espèrent la reconduction au-delà du 1er juin, et « jusqu’à ce que les indicateurs soient meilleurs », des mesures d’activité partielle instaurées face à la crise sanitaire. « Comme beaucoup de contrats sont sur 39 ou 40 heures, le reste à charge par rapport à ce qui est versé par l’État [ndlr : 84 % du net calculé sur 35 heures] est déjà plus important. Mais si ce soutien disparaît alors que pour le décolletage le creux de la vague n’est pas encore arrivé, on ne s’en sortira pas sans casse. »
Jusque-là en effet, nombre de décolleteurs, après une courte interruption pour s’adapter aux nouvelles contraintes sanitaires, ont continué à produire, honorant les commandes en cours. Mais ces commandes tirent à leur fin et n’ont pas été remplacées par de nouveaux contrats. C’est donc dans les semaines qui viennent que ces industriels vont être le plus confrontés à la chute d’activité, or « la reprise risque d’être longue à venir… », redoute Maxime Thonnerieux.
Enfin, et plus globalement, les industriels haut-savoyards espèrent de l’État « un plan de soutien spécifique » pour les aider à passer le cap Covid et à réussir leur mutation structurelle (relations avec les donneurs d’ordre, réorientation vers de nouveaux marchés…). « Si rien n’est fait rapidement, conclut le directeur du SNDec, il va y avoir de vraies inquiétudes pour l’emploi. »
Évidemment « attentif à la situation d’une industrie qui regroupe près de 600 entreprises et 15 000 emplois dans le département », le préfet Pierre Lambert explique qu’il va transmettre les doléance au gouvernement. « Je fais mon travail d’écoute et de relais mais ces demandes dépassent les compétences d’un préfet. »
Éric Renevier
(1) Étaient présents les présidents de la CCI 74 (Guy Métral), de la chambre de la métallurgie (CSM 74 ; Gilles Mollard), du Medef (Jean-Luc Raunicher) et du SNDec (Lionel Baud, avec son directeur, Maxime Thonnerieux). Côté État, la directrice de la Direccte, Chrystèle Martinez, était notamment aux côtés du préfet Pierre Lambert.
0 commentaires