Combinant finance et technologie, les Fintechs connaissent une forte croissance depuis quelques années à Genève et dans le sillon alpin. La région possède en effet de nombreux atouts pour devenir un hub mondial pour ces nouvelles technologies.
Ayant connu un boom après la crise financière de 2008, quand de nombreux banquiers et traders ont quitté les grandes banques, les fintechs repensent les services financiers et bancaires grâce aux nouvelles technologies. Ces start-up innovantes sont aujourd’hui en train de bouleverser le paysage traditionnel de la finance. En court-circuitant le shéma traditionnel pour s’adresser directement à l’utilisateur et lui offrir un système simple et transparent, elles rendent la finance plus accessible et moins coûteuse.
Elles se développent dans tous les domaines, qu’il s’agisse d’activités de crowdfunding ou financement participatif, d’applications mobiles pour gérer ses activités bancaires, ou encore de paiement électronique via son smartphone. Il y a également les monnaies virtuelles, dont le fameux Bitcoin, et la blockchain, qui est une technologie de stockage et de transmission d’informations sécurisée permettant les transactions en monnaie virtuelle.
Genève, candidate idéale
Face aux géants que sont Londres et New York, Genève ne manque pas d’atouts pour s’imposer dans le paysage. De nombreuses fintechs sont nées ici, et certaines d’entre elles sont leaders mondiaux dans leur domaine. Genève, en tant que place financière mondiale, a plusieurs cartes à jouer.
« Elle peut assumer un rôle prépondérant dans cette révolution technologique. Ici, on va plutôt se spécialiser dans tous les outils de gestion de fortune, et dans le traitement et la sécurisation des données, domaine où l’on excelle », déclare Edouard Cuendet, directeur de la Fondation Genève Place Financière. Genève se classe au troisième rang mondial dans la technologie appliquée à l’innovation financière, selon le rapport fintech 2017 de l’institut IFZ, à Zoug.
L’une des fintechs genevoise qui a eu le plus de succès est une plateforme de financement pour les PME WeCan.Fund. La ville accueille même en son sein un accélérateur de fintechs baptisé Fintech Fusion depuis l’automne 2015. La structure encourage le développement de startups suisses mais aussi du monde entier, qui sont déjà à un stade avancé. Elle propose un programme d’accélération de douze mois à dix start-up par an, afin de leur permettre de passer de la phase finale de développement produit à la génération de revenus.
De plus, à travers la Suisse, l’association Swiss Fintech Innovations, qui comprend notamment Crédit Suisse, Raiffeisen, Lombard Odier, la Banque cantonale de Zurich (BCZ), Vontobel, les assurances Helvetia et Swiss Life, oeuvre pour la promotion des fintechs et la transformation digitale de la finance.
Les Alpes françaises ne sont pas en reste
Le sillon alpin français bénéficie quant à lui du soutien de “French tech in the Alps”, une structure qui favorise l’émergence de start-up et leur croissance en PME, ETI et Tech champions, par ou pour le numérique. Elle soutient notamment AboutGoods Company, qui agrège les achats des consommateurs via leurs applications mobiles pour l’aide à la décision, ou encore PayinTech, fintech pionnière et leader des systèmes cashless, c’est-à- dire sans espèces.
À Annecy, SAS Surperformance, créée en 2001, a fait beaucoup parler d’elle, devenant le spécialiste français du big data financier. « Notre métier historique est de vendre des abonnements qui donnent accès à nos propres portefeuilles conjoints en totale transparence pour nos clients », explique Franck Morel, pdg de l’entreprise qui utilise ainsi des outils performants pour agréger une large quantité de données, qu’elle traite et stocke. De plus, elle est aujourd’hui une référence en matière d’informations boursières et financières avec ses sites zonebourse.com et marketscreener. com.
En septembre 2015, elle a créé, avec le groupe bancaire allemand Commerzbank, un fonds d’investissement européen : Europa One. Avec une stratégie reposant sur l’expertise de Surperformance en big data, ce fonds d’investissement s’est classé comme le plus performant de l’année 2017 en Europe. Et la société ne compte pas s’arrêter là. Elle a réalisé une augmentation de capital de deux millions d’euros en mars dernier pour poursuivre son développement : « On veut exploiter la force de notre lectorat et notre puissance en termes de nombre d’utilisateurs de lecteurs, et nos process, pour se développer dans la gestion d’actifs », note M. Morel.
Une collaboration avec les banques
Les fintechs bouleversent déjà le monde bancaire traditionnel, et ce n’est qu’un début. Elles intéressent également les grands acteurs comme Lombard Odier, la banque privée suisse basée à Genève. Une équipe de Lombard Odier Investment Managers (Lombard Odier IM) a notamment mené à bien sa première transaction obligataire utilisant la technologie de la blockchain en janvier.
« Nous avons réalisé deux transactions sur une blockchain qui nous ont permis de comprendre comment elle fonctionne vraiment. Les grands avantages de la blockchain : des transactions qui se dénouent plus rapidement, une réduction du risque de contrepartie, et des coûts réduits », explique Stéphane Rey, directeur technologique (CTO) de Lombard Odier IM. Selon lui, il existe une complémentarité entre les banques et les start-up fintechs.
Plusieurs types d’acteurs
« Je ne pense pas que ce soit deux mondes qui vont clasher. Je pense que les fintechs vont avoir besoin des acteurs traditionnels et vice-versa. Il y a plusieurs types d’acteurs. Il y a les grandes banques ou les grands groupes qui peuvent et dépensent beaucoup d’argent dans les fintechs. Il y a aussi les acteurs plus petits, dans lesquels je mets les banques privées en général. Notre travail, c’est de suivre activement ce qui se passe en termes de nouvelles technologies et de nouveaux business models, d’en comprendre les implications, pour ensuite décider, ou pas, d’agir », explique-t-il.
Lombard Odier n’a par exemple pas l’ambition d’être fondateur ou créateur d’une plateforme de blockchain : « C’est un sujet dans lequel on suit ce qui se passe, mais nous ne sommes pas sur le siège du conducteur. En revanche, il y a certains sujets où l’on investit. Deux en particulier nous intéressent : l’utilisation de données alternatives et l’intelligence artificielle, soit dans le cadre de nos stratégies d’investissement, soit pour monitorer notre propre infrastructure informatique ». Cette collaboration avec les banques ne peut que renforcer l’attrait de la région pour les fintechs et ainsi cimenter la place de notre territoire parmi les hubs fintechs les plus importants en Europe et dans le monde.
Romain Fournier
0 commentaires