Contrefaçon industrielle : Tournier-billon fait face

par | 08 juin 2018

L’entreprise oyonnaxienne spécialiste des accessoires de coiffure depuis 1892, continue de créer, sans jamais être à l’abri d’être copiée…

Chez Tournier-Billon, l’art de la coiffure est une affaire sérieuse. Voilà plus d’un siècle que l’entreprise de la Plastics Vallée fabrique ornements et accessoires de coiffures, adaptés à toutes les chevelures. Philippe Tournier-Billon dirige depuis dix ans l’entreprise éponyme, dont le chiffre d’affaires atteint le million d’euros. « Nous devons constamment faire preuve de créativité et imaginer de nouvelles gammes. Nous innovons en permanence mais nous sommes aussi constamment copiés. C’est une fuite en avant », résume Philippe Tournier-Billon qui vit la contrefaçon industrielle comme un fléau au quotidien. En déposant brevets ou marques afin de préserver ses inventions, l’entreprise prend pourtant toutes les dispositions nécessaires. Mais cela n’endigue pas le phénomène. « Se protéger sans se défendre n’a aucune utilité, avance le dirigeant. L’important est de combattre les contrefacteurs, et pour une PME de 15 personnes comme la nôtre, cela implique du temps et des moyens financiers. »

Quand carrefour copie

Pourtant, en 2006, Tournier-Billon se lance dans un procès contre le groupe Carrefour, un « coup symbolique contre un ancien client ». L’année précédente, la société familiale s’était aperçue que Carrefour avait repris une copie servile d’une pince à cheveu. Le tribunal pénal de Lyon se saisit de l’affaire par la suite, une première pour le géant de la grande distribution. Philippe Tournier-Billon se souvient : « C’était également inédit pour nous, de faire face à un tribunal. Au-delà des actifs physiques, la richesse d’une entreprise se caractérise avant tout par son génie, ses dessins et ses modèles. Une valeur bien plus considérable qu’une machine, remplaçable. Il n’est pas rare que la contrefaçon vienne des clients, en plus des concurrents. Ils copient les produits propres et les pièces industrielles, ou les achètent en Chine, à bas prix. »

Une lutte à armes égales ?

Si le groupe Carrefour ne comptait plus parmi les clients de Tournier-Billon entre-temps (raisons de coût avancées), la pression économique est bien réelle lorsque l’on décide de porter plainte contre une enseigne aussi puissante. « Cette inégalité de position peut entraîner du chantage et, à terme, un retrait définitif du client », poursuit le dirigeant qui précise ne pas être motivé par la quête d’une quelconque compensation financière. L’intérêt est ailleurs. Selon Philippe Tournier-Billon conclut, « le bénéfice reste souvent marginal à la suite d’un procès. Nous avons mené ce combat contre Carrefour car le retentissement a plus de sens au tribunal pénal que dans le cas où il s’agit d’une simple amende. Rares sont les entreprises de la Plastics Vallée à disposer d’un service juridique. D’une manière générale, nous sommes malgré tout désarmés. La contrefaçon est un véritable vol. Une création n’est pas une rente de situation, c’est le résultat d’une recherche ».


Quels coûts pour l’économie ?

Du 27 au 30 mars dernier, s’est tenu à Paris, le salon Global Industrie sur l’excellence et les perspectives industrielles. « La contrefaçon industrielle n’est pas tellement visible, ce n’est pas une contrefaçon de masse », soulignait Jean-Luc Gardelle, de la Fédération des industries mécaniques (FIM), lors d’un débat organisé pendant Global Industrie. Il a estimé à « moins d’un million », les contrefaçons industrielles sur les 8,4 millions de produits saisis par les douanes françaises en un an.
Toutefois, les dommages pour l’économie française s’élèvent à un milliard et demi d’euros. Organisé à l’initiative de l’Unifab, l’Union des fabricants contre la contrefaçon, ce débat s’est inscrit dans un « travail de sensibilisation », confirmait Delphine Sarfati Sobreira, directrice générale de l’Unifab. Le phénomène de la contrefaçon industrielle a pris une ampleur et des formes nouvelles ces dernières années, renforcé par le commerce sur Internet.


À l’étranger

Avec la mondialisation, la perception de la propriété intellectuelle varie selon les pays. « En France, la justice est efficace même si la sensibilité des tribunaux fluctue, raconte Philippe Tournier-Billon. L’Italie est plus lâche sur les dossiers, vous ne gagnerez pas si vous êtes une petite structure. En Chine, tout appartient à tout le monde. Enfin, aux Pays-Bas, état commerçant, on acquiert pour revendre. »


Par Sarah N’tsia

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