LES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES INDUSTRIELLES ONT BESOIN D’ÊTRE ACCOMPAGNÉS POUR GÉRER EFFICACEMENT LEURS RESSOURCES HUMAINES.
La solitude du patron de PME est une réalité qui conduit certains dirigeants au bord du burn-out. Confrontés à de multiples difficultés, avec une certaine peine à déléguer, les chefs d’entreprise ne savent pas toujours par quel bout prendre la gestion des ressources humaines.
En cause, d’abord une culture du management en France plutôt en retard par rapport à ses voisins européens : les entreprises sont très hiérarchisées et la communication n’est pas assez développée, voire inexistante. La réunion est assimilée à une perte de temps et la transparence des décisions, des choix, n’est pas un réflexe. Ce qui conduit, dans certains cas, à augmenter la méfiance entre patron et salariés. Ensuite, la lourdeur administrative, le dirigeant passe près de la moitié de son temps dans la paperasserie, que ce soit pour la gestion financière de l’entreprise ou pour la gestion bureaucratique des salariés, et notamment la préparation et le contrôle des fiches de paie.
Du coup, il lui reste moins de temps pour le développement commercial et la gestion humainement parlant de ses équipes, avec une priorité accordée aux problématiques de production : matières premières, qualité des pièces, etc.
MANAGEMENT DIFFÉRENCIÉ
Des solutions existent pour soutenir les dirigeants dans ces démarches : des sociétés indépendantes accompagnent et apportent un appui ponctuel ou durable dans la gestion des ressources humaines. En dehors de ces aides extérieures, les dirigeants doivent établir un process du management, c’est-à-dire définir une stratégie autour des ressources humaines pour accompagner les salariés en place, les fidéliser mais aussi pour prévoir les recrutements à venir.
La mise en place d’entretiens annuels peut être une opportunité de créer du dialogue, mais à condition qu’ils soient préparés en amont. Loin d’être une perte de temps, c’est un moment où le dirigeant est à l’écoute de ses salariés pour comprendre ses besoins, mais aussi entendre ses propositions. Une façon de valoriser le travail et de chercher à améliorer l’ensemble de la productivité de l’entreprise, car celui qui connaît mieux le poste est quand même le salarié qui l’occupe. Même si au bout du compte, les propositions ne sont pas retenues, si le choix est clairement expliqué, le salarié sera encouragé et n’hésitera pas à faire d’autres suggestions au bénéfice de l’entreprise.
Malheureusement, les entretiens annuels, sont souvent laissés de côté : mal préparés, ils n’apportent rien à l’entreprise. Souvent assimilés à une demande d’augmentation des salaires, ils ajoutent des tensions pour le patron qui ne sait pas toujours comment justifier son choix, surtout quand la réponse est négative. Or, sans explications, méfiance et défiance s’installent. L’avantage de ces entretiens est qu’ils permettent de détecter les motivations des salariés, et notamment ceux qui veulent s’investir différemment, avoir davantage d’autonomie. Et ainsi leur offrir l’opportunité d’apporter d’autres compétences au sein de l’entreprise pour la faire grandir.
QUICK RESPONSE MANUFACTURING
Une approche, fondée par Rajan Suri, professeur de génie industriel à l’Université de Madison, vise à engager les équipes dans une dynamique collaborative. En France, Dominique Andreux a fondé Quick Response Enterprise qui s’appuie sur cette démarche pour accompagner les entreprises.
L’AGILITÉ DANS L’INDUSTRIE
Pendant un an Thésame et le pôle de compétitivité Mont-Blanc industries a réuni deux entreprises pilotes, NTN-SNR Roulements et Pronic, et des experts Agile Transformation pour établir une communauté de pratiques autour des méthodes Agiles utilisées en développements informatiques dans la gestion de projets en milieu industriel pour le développement de produits nouveaux, en contournant certains blocages en complément avec le Lean. Le retour d’expérience, dévoilé fin septembre, met en exergue une meilleure implication du client, une dynamisation et co-responsabilisation de l’équipe, une motivation accrue par l’accumulation de petits succès, un ajustement en continu du projet et du fonctionnement de l’équipe. La démarche lancée devrait intégrer quatre nouvelles entreprises pour 2017.
LE BESOIN D’AUTONOMIE DES SALARIÉS : INTERVIEW DE MYRIAM CLARINO
À la tête de Humanotop (Thyez), Myriam Clarino accompagne et coache les entreprises dans la gestion de leurs ressources humaines.
Les besoins des entreprises et des salariés ont évolué. Qu’avez-vous constaté de par votre expérience ?
En termes de ressources humaines, il y a de plus en plus d’aspirations à avoir de la qualité de vie au travail et notamment une qualité de vie relationnelle. Nous passons 80 % de notre temps dans l’entreprise : l’épanouissement de soi et la satisfaction au travail doivent s’y développer. Il faut sortir de cette culture individualiste actuelle néfaste au bon fonctionnement de l’entreprise et repenser les zones d’autonomie. Les patrons eux-mêmes aspirent à une vie moins clivée. Dans la hiérarchie classique, on assiste parfois à un épuisement des dirigeants qui n’ont pas de savoir-faire en termes de délégation. Dans le décolletage, la tolérance à l’erreur est faible. Or déléguer c’est accepter que la personne se trompe tout en limitant les marges d’erreur par le transfert de compétences.
Finalement, les mutations que vous suggérez oscillent entre résilience et résistance pour les entreprises ?
Les gens auront des réactions épidermiques ou, au contraire, s’astreindront à dire qu’ils ne ressentent rien, mais ils vont toujours vers le positif, vers des relations moins violentes, moins de tabous. Je travaille aussi à pacifier les relations en faisant des médiations dans les équipes et en limitant les clivages, notamment entre la base et la hiérarchie. Quel est le point de départ pour créer un esprit d’entreprise qui fédère ? Il faut créer une culture commune. Faire des réunions pourquoi pas, mais il s’agit surtout de vivre un projet collectif dans un cadre bienveillant pour que les problèmes techniques et les décisions se prennent en responsabilité à chaque niveau. Il est nécessaire de se construire un système de communication entre tous et notamment les experts de l’atelier. Et dans le décolletage, pour s’investir avec tout le personnel il faut un peu de temps, même si c’est un temps durant lequel les machines ne tournent pas.
Comment réussissez-vous à les amener à se parler ?
Je m’attache à promouvoir et à développer les softs compétences : ce sont ces compétences qui vont permettre d’entamer un dialogue avec les autres, de trouver des solutions, de voir un peu plus loin que sa machine, que le produit… Entreprise libérée, ateliers de créativité, prise de décision, co-développement, outils d’intelligence collective, PNL, systémie… J’utilise des méthodes pour pousser à aller plus loin sans me substituer à eux. Il leur revient de choisir et de créer ce qui leur convient. C’est du coup une approche au cas par cas… Oui, je ne vise que de l’inédit. J’expérimente sans a priori et sans savoir où on va aller dans les détails. Il y a énormément d’outils et d’occasions pour faire progresser le bien-être dans le travail, pour attirer des talents et fidéliser ceux qui partagent la culture de l’entre- prise.
DERRIÈRE CHAQUE ÉMOTION, UN BESOIN
En France, la gestion des ressources humaines s’appuie avant tout sur l’aspect juridique, «or il n’y a pas d’étanchéité entre la vie professionnelle et personnelle», décrit Myriam Clarino, qui constate que l’économie s’oriente de plus en plus vers le collaboratif, où chaque membre de l’équipe doit travailler en synergie avec les autres. «Ce n’est plus possible de faire du management sans d’abord un regard sur soi ; on ne peut pas se couper de ses émotions», souligne encore la dirigeante de Humanotop qui s’appuie sur son expérience en ressources humaines et en coach d’organisation pour comprendre les mécanismes qui bloquent.
Par Sandra Molloy
Pour aller plus loin :
https://www.facebook.com/humanotop.france/
http://fr.quickresponse-enterprise.com/
http://leansixsigmafrance.com/blog/qrm-quick-response-manufacturing/
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