Le président de Domaines Skiables de France (DSF), Alexandre Maulin, appelle à la mobilisation générale et annonce une mutualisation des financements pour préserver la montagne.
À Paris, jeudi, vous vous êtes exprimé sur l’impact du changement climatique sur les massifs français… Il y a urgence ?
Tous les jours, on nous annonce la mort des stations de ski, et celle des exploitants. Alors que, études scientifiques à l’appui (cf. Irstea et Météo France), la fin du ski n’est pas pour demain avec une viabilité jusqu’en 2050. Nous avons une visibilité sur trente ans, ce qui est plutôt rassurant. Certes, la situation ne sera pas aussi confortable qu’aujourd’hui, mais notre modèle d’affaires existera toujours à condition de s’adapter. Toutefois, à l’horizon 2100, si la hausse des températures n’est pas contenue sous les 3 degrés, le scenario deviendra dramatique pour nos territoires. Des efforts importants doivent être faits pour préserver 250 stations sur six massifs, 120 000 emplois, mais aussi l’ensemble de la chaîne et l’économie des stations qui en découle.
« DOIT-ON RAPPELER QUE NOTRE ACTIVITÉ ÉVITE LA DÉSERTIFICATION DES VILLAGES DE MONTAGNE ? »
Alexandre Maulin
Pourtant, les exploitants de remontées mécaniques sont souvent montrés du doigt…
Nous prenons soin de notre patrimoine. Les exploitants oeuvrent pour préserver nos montagnes en recourant à des enneigeurs moins énergivores et aux énergies vertes, en réduisant le nombre de pylônes, en prenant en compte la biodiversité dans leurs plans d’action… C’est même le b.a.-ba de notre métier. Mais ce n’est pas assez, il va falloir faire beaucoup mieux et nous étudions différentes solutions viables. Et davantage expliquer notre travail pour convaincre.
Cette année encore, les investissements dans les retenues collinaires s’accélèrent ?
Une retenue collinaire est un réservoir partagé qui permet de stocker les eaux de surface et de ruissellement en provenance de nos montagnes. C’est une réserve de secours, et plusieurs conventions nous lient aux agriculteurs, aux collectivités… S’agissant des exploitants, cette eau, on le sait, sert à alimenter les enneigeurs. Encore une fois, la neige de culture, ce n’est que de l’eau et de l’air pulvérisé, rendue en l’état dans la nature en fin de saison.
En quoi consiste le plan d’action de DSF ?
Cette démarche a été adoptée lors de notre congrès début octobre. Nous sommes désormais en ordre de marche et nous nous donnons six mois pour lancer les actions et les outils concrets indispensables à cette transition énergétique, dont le dispositif sera dévoilé en avril 2020 sur le salon Mountain Planet. Nous ne sommes qu’une partie de l’équation, d’où l’importance d’avancer groupés – exploitants, industriels, collectivités… – pour faire de la montagne un territoire d’excellence en termes de réduction des gaz à effet de serre. Le bilan carbone d’un séjour à la montagne est dû à 50 % au transport. Des leviers plus écologiques et vertueux (ascenseurs valléens…) sont à inventer et à déployer si l’on veut coconstruire un futur décarboné pour l’ensemble des domaines skiables français d’ici 2050.
Vous annoncez la création d’un outil de financement ?
Concernant certaines activités, par exemple le damage, il n’existe pas de solution pour décarboner, mais nous allons y travailler avec les industriels. Pour garantir ces développements, nous devons mettre en place un outil de financement au service de l’innovation. Au-delà des gaz à effet de serre, nous avons défini trois axes complémentaires : l’eau, la biodiversité et la gestion des déchets via une économie circulaire.
Le Conseil national de la montagne se tient le 22 novembre. Allez-vous intercéder auprès du Premier ministre ?
Je compte interpeler le gouvernement pour qu’il prenne ses responsabilités. Nous ouvrons les bras, l’activité en montagne n’est pas finie. La question est de savoir comment nous allons travailler ensemble. Ce ne sera pas juste une prise de parole, mais une profession de foi avec des objectifs à atteindre. Je reste confiant, notre discours ne laissera pas de marbre.
Propos recueillis par Patricia Rey
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