Outdoor : quand le sport est au sommet

par | 08 juillet 2022

Cet été, ECO vous propose une série de dossiers consacrés à la montagne en format estival. Pour ce premier volet, nous nous sommes intéressés aux événements sportifs et à leur impact sur l’attractivité du territoire.


Retrouvez notre dossier intégral dans le magazine ECO du 8 juillet 2022, version papier ou version digitale (téléchargeable au format .pdf).


D’un côté la montagne se veut accessible à tous, de l’autre les épreuves sportives extrêmes se multiplient : derrière le paradoxe apparent, la stratégie des territoires est en fait bien rôdée. Tentative de décryptage en petites foulées. Non, malgré les apparences, les innombrables événements sportifs organisés dans les vallées et les sommets tout au long de l’été ne signifient pas que la montagne se résume à des pentes et de la sueur. Alors que le calendrier regorge de compétitions en tous genres, les professionnels que nous avons interrogés ont été formels : un événement sportif, ce n’est en fait pas que pour les sportifs.

« L’événementiel sportif est important pour l’imaginaire que le territoire veut véhiculer », résume Christelle Ferrière, directrice générale adjointe de l’Agence Savoie Mont Blanc, l’organisme de promotion des deux départements savoyards. C’est encore plus vrai l’été, qui ne pèse qu’un tiers des nuitées touristiques en Savoie Mont Blanc (entre 65 et 70 millions de nuitées annuelles dans les années hors covid). Alors que pour les vacances d’été la montagne passe après le littoral, la ville et la campagne dans le coeur des Français, « les grands événements nous aident à mieux faire rentrer le territoire dans le radar des Français », poursuit alors la directrice.

L’objectif de l’Agence est de “vendre” le territoire toute l’année. Sortir du “tout ski”, bien sûr, mais aussi faire venir des touristes sur les ailes de saison estivale (juin et septembre) et même carrément hors saison (mai, octobre, novembre).

Avec sa vision “macro”, l’Agence les utilise au moment de l’événement (elle est partenaire de certains d’entre eux et assure une présence promotionnelle sur place) mais, surtout, après-coup « pour raconter notre histoire à distance. » Et cette histoire peut se résumer en deux mots : désaisonnalité et ciblage. Désaisonnalité, parce que l’objectif de l’Agence est de “vendre” le territoire toute l’année. Sortir du “tout ski”, bien sûr, mais aussi faire venir des touristes sur les ailes de saison estivale (juin et septembre) et même carrément hors saison (mai, octobre, novembre). Ciblage, parce que l’Agence Savoie Mont Blanc utilise ensuite la matière (images, récits) issue de ces événements de manière différente en fonction des publics ciblés.

C’est vrai sur le contenu : des images d’un traileur en “bavant” dans une pente raide ne vont pas séduire une famille avec jeunes enfants en recherche de balades accessibles. Le Freestyle Tour (skate, trottinette, roller), promu pour la première fois l’an dernier par l’Agence et reconduit cet été, est à ce titre très symbolique de la volonté de séduire les jeunes.

Mais c’est aussi vrai sur le “contenant” : Savoie Mont Blanc est le premier territoire de montagne sur les réseaux sociaux. L’Agence revendique Plus d’un million de fans sur Facebook, 170 000 sur Instagram et plus de 70 000 sur TikTok, où elle ne s’est lancée que depuis un an. Et c’est à chaque canal son message et sa cible. Ainsi, sur l’Ultra trail du Mont Blanc (UTMB ; fin août à Chamonix), dont l’Agence est dorénavant partenaire, pas question de ne véhiculer que des messages sur la difficulté de l’épreuve, même si les “actifs – sensations” sont bien l’une des six cibles principales de sa stratégie globale. Au contraire, l’organisme de promotion du territoire va s’appliquer à mettre en avant l’accessibilité du trail, en mode initiation et découverte.

« L’événementiel sportif est un vrai vecteur de notoriété », analyse Gilles Brevet, directeur de la communication d’Ain Tourisme. « C’est vrai au niveau des sports collectifs (basket à Bourg-en-Bresse, rugby à Oyonnax…), pour des événements tels le jumping international de Bourg (épreuve équestre) mais aussi pour les épreuves cyclistes et pour le trail, qui se développent. »

Le Département de l’Ain a fortement communiqué sur le passage du Tour de France au Grand Colombier ces dernières années et il continue de le faire autour du Tour de l’Ain (épreuve professionnelle, en août) ou de l’Ain Bugey-Valromey Tour, qui lui servent aussi à valoriser sa politique cyclable (itinéraires jalonnés sur les cols, Via Rhona…).

Quant au trail, l’Ultra 01 (en juin) commence à être une épreuve reconnue. Elle a profité de la notoriété du champion Xavier Thévenard, l’enfant du pays. Mais joue aussi sur une formule originale : de l’extrême (jusqu’à 170 km, comme l’UTMB) mais dans la convivialité. « Peu de matériel obligatoire, pas d’obligation de respect de zone de ravitaillement ou d’assistance, vous êtes libre de vos faits et gestes. C’est l’esprit trail friendly ! », vante le site web. Les épreuves sportives ont aussi un autre avantage : « elles sont porteuses de valeurs et touchent un public communautaire », poursuit Gilles Brevet. Dit autrement : le bouche-à-oreille fonctionne bien.

Et c’est d’ailleurs l’un des espoirs de Manigod pour faire grandir son Manigod Trail challenge. C’est le nouveau nom de l’ex-Aravis sky poursuite. Une épreuve unique en son genre qui couple kilomètre vertical (KV; 1000 mètres de dénivelé positif) le premier jour puis trail en mode poursuite le lendemain (le dernier du KV est le premier à s’élancer sur le trail). Le changement de nom est destiné à mieux valoriser la commune, entourée de voisins plus connus (La Clusaz, le Grand- Bornand). Une station-village « qui vit toute l’année » et espère aussi y attirer les touristes en dehors des coeurs de saison, d’où, aussi, le repositionnement du challenge en septembre.

Les sportifs régionaux sont la première cible. « Cela génère peut de nuitées mais cela permet de faire connaître Manigod comme “Village de trail” [ndlr : l’appellation a officiellement été déposée à l’INPI !] où la pratique existe toute l’année », explique l’office du tourisme (OT). « Les traileurs forment une communauté très active et nous misons sur cela pour étendre progressivement la notoriété de l’événement et celle de la station. » Au risque de s’étiqueter “station de sport extrême” alors que la station est au contraire très familiale dans sa fréquentation actuelle ? « Nous proposons en parallèle beaucoup d’animations pour les familles et les enfants, des sorties accessibles à tous à pied ou en VTT à assistance électrique… », répond l’OT.

« Le kilomètre vertical, c’est une niche. L’épreuve va parler à son public mais sans effet repoussoir pour autant pour les non-pratiquants. » Raisonnement comparable à Saint- François-Longchamp, à cheval entre Maurienne et Tarentaise, au col de la Madeleine, bien connu des amateurs du Tour de France. Depuis quelques années, le village s’est lancé dans l’organisation d’un triathlon. Objectif : développer la notoriété de la commune-station l’été, en profitant du fameux col mais sans organiser une nouvelle épreuve cycliste “pure” (elle en a déjà une et la Maurienne en foisonne).

Cette année, elle va encore plus loin : en plus de l’épreuve au format classique, elle organise un triathlon XL (3,9 km de natation, 180 de vélo et 42 de course à pied). Résultat : « nous avons 2,5 fois plus d’inscrits que l’an dernier à la même période », se réjouit l’OT. Cerise sur le gâteau : le format extrême attire encore plus loin, y compris à l’international. L’épreuve pourrait réunir plus de 600 participants tous formats confondus, fin août.

« Nous allons tenter de mieux estimer les retombées directes, qui vont déjà au-delà de nos espérances », poursuit l’office pour qui, toutefois, l’essentiel n’est toujours pas là mais bien dans la notoriété procurée. Si bien que lorsque l’on interroge sur le risque d’une image trop sportive, malgré la labellisation “Famille +” et les multiples animations enfants et famille organisées par ailleurs, la réponse fuse : « le seul vrai risque, pour un village comme le nôtre, c’est le manque de notoriété ». Se faire connaître, c’est vraiment tout un sport.


Retrouvez notre dossier intégral dans le magazine ECO du 8 juillet 2022, version papier ou version digitale (téléchargeable au format .pdf).


Patricia Rey et Eric Renevier

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