Télétravail : respirer pour mieux produire

par | 14 mai 2018

La transformation du monde du travail est stimulée par les technologies digitales qui favorisent de nouveaux modes organisationnels. Télétravail, espaces partagés, salles de détente au sein des entreprises… sont plébiscités par les générations qui arrivent sur le marché de l’emploi.

Mais ces outils supposent de repenser totalement le management, qui de vertical va devoir passer à un fonctionnement horizontal, en jouant la confiance, avec des enjeux et des bénéfices nombreux tant pour les salariés que pour leurs entreprises.

Il n’existe pas de sources fiables en France pour déterminer le nombre réel de télétravailleurs. Les entreprises qui recourent à ce mode de fonctionnement, le font souvent de manière informelle, suivant des circonstances particulières : intempéries, grèves de transports… Le cadre juridique ne plaidait pas pour la facilité, jusqu’à la récente réforme du Code du travail. Désormais, la loi Macron encadre la mise en place et l’organisation du télétravail, sachant que ce n’est ni une obligation pour le salarié – qui ne peut pas être licencié pour l’avoir refusé – ni pour son employeur.

Il peut être mis en place via une charte au sein de l’entreprise, un Comité social et économique (s’il existe), un accord collectif ou de façon individuelle auprès du collaborateur concerné. Tout doit être formalisé : lieu de travail, disponibilités en journée pour déterminer la plage horaire pour joindre l’employé… La loi permet d’assouplir le recours à ce mode de fonctionnement et, en reconnaissant le caractère occasionnel, elle permet de prendre en compte les accidents du travail hors de l’enceinte de l’entreprise.

Le gouvernement d’Édouard Philippe a entre janvier et mai 2017 coordonné une vaste concertation sur le télétravail à domicile et dans les tiers lieux avec les partenaires sociaux (CFDT, CFE- CGC, CGT, CFTC, FO, CPME, MEDEF, U2P). Ils ont relevé de nombreux avantages : meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle ; renforcement de l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap; maintien d’activité même dans des territoires très éloignés des zones urbaines ; augmentation de la productivité des salariés qui éprouvent un plus grand bien-être au travail; hausse de l’usage et la connaissance des technologies connectées de l’information et des plateformes partagées… Sans négliger l’aspect du trafic routier qui peut être ainsi réduit dans certains secteurs particulièrement surchargés aux heures de pointe.

Par ailleurs, le secrétaire d’État auprès du ministre chargé de la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a lancé une consultation autour de la “Mission coworking – Quels nouveaux lieux pour les territoires à l’ère du numérique”, dont le rapport final est prévu pour fin juin. Cette approche collaborative avec les structures existantes a pour but d’identifier les éléments qui font le succès de ces lieux partagés, pour définir des solutions concrètes pour stimuler leur développement sur l’ensemble du territoire national. Les espaces de coworking sont aussi pertinents au cœur des villes qu’en périphérie, voire en zone rurale, à condition de bien cibler les lieux les plus stratégiques entre les zones de résidence et les pôles géographiques qui concentrent le travail. Actuellement, ils se sont surtout développés dans les grandes métropoles.

Révolution disruptive

Le concept de télétravail séduit de plus en plus de Français : selon une étude Ipsos & Revolution Work (publiée fin 2016), 65% des employés de bureau seraient intéressés pour le pratiquer. Historiquement, ce sont les indépendants qui ont commencé – et continuent – à fréquenter des tiers lieux. Les nouvelles générations Y et Z qui ont baigné depuis l’enfance dans le numérique aspirent à davantage d’autonomie, de souplesse et d’adéquation entre vie personnelle et professionnelle, et sont séduites par ces organisations nomades.

Mais le monde de l’entreprise n’est pas forcément prêt à franchir le pas. Des freins et des a priori d’ordre culturel empêchent le recours au télétravail qui reste encore concentré dans certains secteurs : informatique, ingénierie, conseil, télécommunications, industrie pharmaceutique, banques, assurances… et concerne avant tout les cadres, souvent quadragénaires. Le point intéressant de cette mutation socio-économique concerne les outils numériques qui ont d’abord profondément impacté la vie privée avant de déborder dans l’univers professionnel. La concertation a permis d’identifier les différentes pratiques existantes, les secteurs précurseurs et les enjeux à venir. Il apparaît clairement que ces modes organisationnels nomades profitent de la révolution rapide des systèmes connectés, mais ils ne se résument pas à des outils technologiques, ils supposent une façon radicalement différente d’appréhender le monde : apprendre à fonctionner en réseau au sein de l’entreprise, mais aussi avec l’extérieur; savoir exploiter les datas – qui maîtrise l’information maîtrise les marchés.

«En France, les salariés sont massivement volontaires et pratiquent le télétravail en général un à deux jours par semaine», décrit Yves Lasfargue, ingénieur et fondateur de l’Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie (Obergo) qui réalise depuis 2010, tous les deux ou trois ans, une enquête globale sur le télétravail. Celle pour la période 2017-2018 est en cours. Dans sa dernière publication de 2015, il estimait que 85 % des télétravailleurs notaient une amélioration dans leur vie professionnelle et personnelle. Avec un seul jour à exercer à domicile ou dans un espace partagé à proximité, la diminution du stress et de la fatigue liée au transport est déjà significative : le gain moyen est de presque une heure trente par jour auquel il faut ajouter la réduction des interruptions qui sont légion au bur

eau. La tendance de l’open space a favorisé la pression sur les salariés qui sont soumis à des mouvements permanents de leurs collègues, beaucoup de bruit, des appels téléphoniques incessants, des emails en permanence… Yves Lasfargue a relevé que la productivité augmente, tout comme la qualité du travail fourni, quand le personnel bénéficie du télétravail : «globalement le salarié nomade travaille plus d’heures tout en étant plus heureux». La difficulté pour lui est de savoir s’arrêter et de ne pas accroître sa charge de travail au-delà du raisonnable. «Il faut être très autonome sur la gestion de son temps», résume le directeur de l’Obergo.

Alors demain, tous télétravailleurs ?

Reste que ce système soulève d’autres questions qu’il faut absolument cadrer pour préserver les droits des salariés et des entreprises… à commencer par le fameux droit à la déconnexion, d’où l’obligation de déterminer des horaires à distance même en mode nomade, et par la protection des données personnelles. Autre point important : l’impact sur l’encadrement de proximité avec la nécessité de mettre en place un management par la confiance, avec des conséquences sur la cohésion d’équipe et la solitude du collaborateur nomade. La mise en place du télétravail nécessite de réfléchir à tous ces paramètres pour trouver le juste équilibre, d’où l’importance de trouver la bonne articulation entre télétravail régulier et occasionnel, et d’éviter le 100 % nomade. D’autant qu’une partie des métiers ne sont absolument pas “télétravaillables”.


Réalisé par Sandra Molloy


 

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