Vélo : un incontournable avenir

par | 25 mars 2022

En Haute-Savoie, la filière vélo cherche un cadre. De nombreuses entreprises concevant, fabriquant des vélos, ou intervenant sur des cycles, se sont réunies à Annecy. Elles sont multiples et créatives, mais cela suffit‐il à former une filière ? Côté Savoie, en 1992 naissait Roue libre, association de promotion du vélo en Savoie. Trente ans plus tard, la structure est devenue… incontournable.

Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), raconte que lors de sa première visite à Bercy pour plaider la cause du renouveau d’une filière vélo française, on lui avait demandé s’il avait une idée de « combien d’emplois (il allait) supprimer dans la filière auto? ». C’était « sous le quinquennat précédent » et, depuis, la situation a bien changé. Le plan vélo de 2018 a fixé l’ambition de passer la part modale du cycle dans les déplacements de 3 à 9 %. Les collectivités ont construit des pistes cyclables et « on s’est rendu compte que plus de cyclistes, ça voulait dire plus de vélos à acheter, plus de services à organiser », résume Olivier Schneider.

690 000 : la France produit un quart des 2,7 millions de vélos vendus sur le territoire. 40 % sont à assistance électrique (VAE). 700 000 VAE ont été vendus en France en 2021. C’était 400 000 en 2019. Ce devrait être un million en 2025.

Source : « Filière économique du vélo en France », à retrouver sur guillaume.gouffier-cha.fr

Le marché s’ouvre

Jean Castex a confié une étude sur la filière et sa structuration à Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne. Rapport plutôt optimiste remis le 8 février dernier. « Beaucoup de clignotants sont au vert », assure le député, présent à la rencontre annécienne organisée, mardi 22 mars, par la députée (LREM) Véronique Riotton. « À l’échelle européenne, le marché va passer de quinze millions de vélos vendus aujourd’hui à trente millions en 2027. Dans le même temps, le marché français va passer de trois à cinq millions. »

Les perspectives sont encore plus encourageantes pour certains secteurs : « Il se vend 11 000 vélos cargos par an, ce sera 60 000 en 2027. » Plus de vélos vendus, et vendus plus cher. « Les vendeurs le constatent », remarque Christophe Bouvet, directeur général de Mavic : « Les gens ne cherchent plus un vélo pour en faire deux fois par an, mais pour l’utiliser tous les jours.» C’est bien tout un écosystème qui est en train de fleurir : « On estime les retombées industrielles à 3,5 milliards d’euros, rappelle Philippe Genty, porte-parole des associations Boîtes à vélo et Génération vélo pour la FUB, mais c’est déjà 4 milliards de retombées touristiques. » Et le vélo, c’est aussi des structures d’entretien, des enjeux de logistique pour les approvisionnements de centre-ville, etc.

Créativité haut-savoyarde

Dans ce peloton, la HauteSavoie est bien placée. Sur le parking de l’Espace Rencontre d’Annecy-le-Vieux étaient présentés, dans une joyeuse exubérance, les cadres en bois de Léman Bike, la motorisation de WaTTfornow, les vélos électriques reprenant les codes de la moto ou du vélomoteur d’HeritageBike ou Bikle, les sacoches de Batsoul, les vélos du quotidien d’Oklö, les sacs et accessoires de MeroMero, le vélo électrique étonnemment léger de Jitensha (qui, pour le coup, reprend les codes… du vélo !) et les engins utilitaires d’Éco-Triporteur.

« Nous, industriels, sommes toujours admiratifs de cette créativité », apprécie Émile Allamand, dirigeant de Savoy International, décolleteur originellement axé sur l’automobile et engagé, avec deux autres industriels de laVallée de l’Arve (Pracartis et M2O), dans le développement d’un vélo à hydrogène (H3Bike), ainsi que dans des développements pour le vélo électrique (lire plus loin).

Soucieuse de voir la filière locale se structurer, Véronique Riotton a aussi testé les vélos présentés [ici, le Yuba, d’Harald Marzolf (sur le porte-bagage)]. Parmi tous les engins exposés, on remarquait notamment les créations originales d’HeritageBike (en haut) et d’Éco-Triporteur.

Réussir l’accompagnement

« Oui, il y a de beaux produits, qui répondent tous à un marché, confirme Christophe Bouvet (Mavic), mais combien de ces start-up vont tenir le coup dans la durée si elles ne trouvent pas les capitaux, les compétences, l’accompagnement dont elles ont besoin ? Le taux de mortalité va être élevé. »

Régis Wargnier, pour HéritageBike, n’est pas loin de partager ce constat : « Nous sommes huit passionnés, fonctionnant sur fonds propres, et ravis d’avoir prouvé qu’il y avait un marché pour des vélos fabriqués en France, avec des composants le plus possible locaux, avec un look différent. Alors qu’à la création, tout le monde nous conseillait de nous fournir en Asie et de ne pas nous embarrasser de design. Mais c’est vrai que nous touchons les limites du système. On se sent un peu seuls… »

L’importance des capitaux, ce n’est pas Olivier Lasseigne, responsable du département “cycles” (créé fin 2021) du décolleteur Bontaz – lui aussi historiquement tourné vers l’automobile –, qui va le nier : « Développer un moteur de vélo, c’est au minimum 10 millions d’euros de recherche et développement. Il faut du soutien à la filière, notamment dans cette phase amont, et particulièrement en matière de financement.»

Avancer ensemble

Émile Allamand (Savoy International) confirme, mais illustre, comme Bontaz, que l’écosystème industriel de la Vallée de l’Arve a envie de se diversifier dans le cycle.

« Nous avons créé un consortium avec quatre autres entreprises. Grâce à l’expérience Kervelo [ndlr : TPE de Mont-Saxonnex en liquidation], nous produisons une boîte de vitesses automatisée. Nous développons des cardans avec Mavic, des capteurs avec NTN-SNR. Nous travaillons sur des freins. Nos entreprises structurées peuvent se faire une place sur des marchés très protégés (Shimano a déposé 300 brevets sur ses produits…). Nous avançons activement sur un cadre… »

Olivier Schneider sourit. À Bercy, il avait répondu : « Je ne sais pas combien d’emplois je vais supprimer dans la filière auto, mais il s’en créera trois fois plus dans le vélo! »

Savoie : 30 ans en Roue libre

Quatre implantations (Chambéry, Aix-les-Bains, Montmélian, Albertville), 700 adhérents dans le département, une centaine de bénévoles, deux salariés et… pas de président ! Roue libre a décidé, il y a plusieurs années, de s’en passer pour fonctionner de manière très collégiale : les onze membres du conseil d’administration se répartissent les différentes missions. « Ça fonctionne plutôt bien, résume Paul Clauss, chargé (entre autres) de la communication, et ça permet de se concentrer sur l’essentiel, sans querelles d’ego. »

Le ton est donné. Le travail ne faiblit pas dans un départemental où la part modale du vélo ne cesse d’augmenter. Le compteur installé au parc duVerney totalise 600 000 passages par an ! Paul Clauss confirme cette bonne santé : « La crise sanitaire a incité certains à préférer le vélo aux transports en commun. Les hausses des prix du carburant vont en convaincre d’autres. » Même s’il relativise : « On estime que, sur Chambéry, 10 % des déplacements se font à vélo. »

La « vélobricolade », une des activités de Roue libre.

Les pistes (cyclables) de l’avenir

Roue libre bénéficie de cet engouement, et a appris à mobiliser son réseau pour peser sur le débat local. Le baromètre 2022 de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), qui regroupe 500 associations, classe une nouvelle fois (c’était déjà le cas en 2017 et 2019) Chambéry à la 3e place des villes moyennes, derrière La Rochelle et Bourg-en-Bresse (dans ce même baromètre, Annecy fait une apparition remarquée à la 4e place des grandes villes).

Ce palmarès s’appuie sur les appréciations des pratiquants eux-mêmes (1 200 de l’agglomération chambérienne – dont 800 de Chambéry – se sont exprimés sur les 277000 au plan national). « Ce qui plaît particulièrement, c’est la vélostation. À l’inverse, les cyclistes se sentent mal à l’aise sur certains aménagements qui seraient à sécuriser. Et surtout, il manque des itinéraires dédiés : 64 % des répondants demandent de meilleures continuités. » Notamment sur l’axe Chambéry-centre – La Ravoire, en ce moment un des vélos de bataille de l’association.

Difficile tout de même de considérer que les politiques ne font rien pour le cycle en ce moment… « Nous sommes écoutés, convient Paul Clauss, mais il reste encore du chemin à faire pour mieux partager la ville entre les voitures et les modes doux.» Roue libre a écrit aux principaux maires de Savoie pour les inciter à limiter la vitesse à 30 km/h dans des cœurs de villes « réellement apaisés et partagés ».

À 30 ans, pas question pour l’association de se mettre en… roue libre. Il reste tant à demander ! « Nous voudrions des engagements politiques plus clairs. Les investissements ne suivent pas les hausses de fréquentation. Et pourtant, ils ne coûtent pas très cher.»

Olivier Schneider sourit. À Bercy, il avait répondu : « Je ne sais pas combien d’emplois je vais supprimer dans la filière auto, mais il s’en créera trois fois plus dans le vélo! »

Philippe Claret


Pour aller plus loin sur la décarbonation de la mobilité grâce au vélo >>

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