Votations : la Suisse balance entre vertu et pragmatisme économique

par | 19 novembre 2020

Le 29 novembre, les Helvètes s’expriment sur deux initiatives populaires vertueuses sur le plan moral, mais avec des effets potentiellement délétères sur l’économie. Un débat qui clive et tourne parfois au dialogue de sourds.

La Confédération helvétique doitelle être la bonne conscience du monde ? Telle est, en substance, l’épineuse question soumise à la sagacité de ses concitoyens, le 29 novembre prochain, à l’occasion des prochaines votations fédérales. Les deux « objets » soumis à la délibération populaire s’intitulent respectivement : « Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement » et « Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre » (lire encadré).

La première initiative populaire vise à imposer de nouvelles obligations légales aux entreprises suisses en matière de respect des droits de l’homme et des normes environnementales, en les obligeant notamment à veiller à ce que toutes leurs filiales et tous leurs partenaires commerciaux respectent, dans tous les pays dans lesquels ils opèrent, les normes en vigueur en Suisse. En cas d’infraction, les entreprises helvètes pourraient devoir en répondre devant des tribunaux suisses.

Le sujet passionne depuis des mois et l’initiative semble trouver un écho favorable au sein de la population, comme en témoignent les nombreux calicots orange portant la mention « Entreprises responsables : Oui ! » qui n’ont cessé de fleurir aux fenêtres dans tous les cantons du pays. Le dernier sondage disponible, réalisé par l’institut gfs.bern pour la Société suisse de radiodiffusion et télévision, en date du 23 octobre, indique que 63 % des personnes interrogées y seraient favorables, 33 % seraient contre et 4 % indécises.

L’initiative serait également acceptée dans toutes les régions linguistiques. Le “oui” de la Suisse alémanique (61 %) serait toutefois moins prononcé que ceux des régions italienne (67 %) et romande (70 %).

« Nuisible » à l’économie

Si les initiants surfent sur les thèmes somme toute assez consensuels du respect des droits humains et de la protection de l’environnement, la démarche doit néanmoins faire face à l’opposition du Conseil et du Parlement fédéral, et à l’hostilité des milieux d’affaires. Pour le Conseil fédéral et le Parlement, l’initiative va trop loin. Elle entraînerait une insécurité juridique et menacerait les emplois et la prospérité du pays. « Cette initiative demande que je sois responsable des dommages que vous causez.

Une action en justice pourrait être menée ici, contre une entreprise suisse, pour des dommages causés par des tiers à l’étranger », expliquait Karin Keller-Sutter, conseillère fédérale en charge de la Justice et de la Police, dans une interview à la Tribune de Genève mi-octobre, avant de faire remarquer que « cette initiative pourrait porter atteinte à la souveraineté juridique d’autres pays », et de conclure que « les initiants n’ont pas le monopole du coeur ». Les milieux d’affaires accusent également cette initiative de manquer sa cible et de menacer l’activité de 15 000 PME du pays – moins de 500, disent les initiants –, et pas seulement les multinationales comme Glencore ou LafargeHolcim souvent montrées du doigt.

Quatre faîtières patronales – Economiesuisse, l’Union suisse des arts et métiers (USAM), l’Union patronale suisse et l’Union suisse des paysans – sont ainsi montées au front pour dénoncer une initiative « nuisible » à l’économie, lors d’une conférence de presse en ligne la semaine dernière. Elles ont aussi pointé le risque de se marquer « un autogoal [ndlr : un but contre son camp] en pleine crise du Covid », arguant que l’économie suisse ne pouvait pas s’offrir le luxe de se nouer les mains dans le dos au moment même où elle essaye de remonter à la surface.


Par Matthieu Challier

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