La diminution de l’enneigement observée depuis 20 ans dans les Alpes est probablement lié au réchauffement climatique. Ce sont les conclusions d’une étude menée sur le sujet par des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), du Global Resource Information Database GRIDGenève et du programme des Nations Unies pour l’Environnement.
La neige ne sera-t-elle bientôt plus qu’un souvenir en Suisse ? Bonne question ! Alors que les zones pauvres en flocons, avec moins de 20 % de probabilités de chutes de neige, couvraient 36 % du territoire au cours de la décennie 1995-2005, elles concernaient 44 % du pays en 2017. Soit un accroissement de 5 200 km2. Ces résultats, issus de l’étude menée par l’université de Genève UNIGE, le GRIDGenève et le programme des Nations Unies pour l’Environnement, ont été obtenus par la mise en oeuvre d’un nouvel outil : le Swiss Data Cube. Les chercheurs y ont regroupé toutes les images prises par les trois derniers satellites américains du programme d’observations de la Terre Landsat, piloté par l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis USGS et la NASA, et celles du satellite européen Sentinel-2.
22 années de données satellitaires analysées
Le travail repose ainsi sur l’analyse préliminaire de 22 années de données satellitaires couvrant la totalité du territoire suisse. Une première ! « Le phénomène de la baisse d’enneigement était connu, car on a 45 stations de mesure météorologique sur le territoire suisse qui relèvent la température, les précipitations et l’épaisseur de la neige en hiver. Mais il s’agissait seulement de données sur 45 points !
Là c’est tout le territoire qui est observé depuis l’espace, avec une résolution spatiale et temporelle incroyable », s’exclame Grégory Giuliani, chargé d’enseignement au GRIDGenève, qui a mené le projet. « L’ampleur de la baisse de l’enneigement nous a surpris. On ne s’attendait pas en si peu de temps, c’est à dire une génération, à voir des changements de cette envergure là. »
Le réchauffement climatique pointé du doigt
Les régions alpines sont particulièrement sensibles. Selon M. Giuliani, l’augmentation moyenne de la température y est supérieure à la moyenne globale. Bien que cette étude porte sur le territoire helvétique, des résultats similaires ont été observés le long des Alpes, en France et en Autriche. Selon Samuel Morin, directeur du Centre d’études de la neige de Météo France, les données du Col de Porte, en Chartreuse, montrent une baisse de l’enneigement moyen de 40 % entre les périodes 1960- 1990 et 1990 à nos jours.
« Le réchauffement climatique est très probablement derrière ce phénomène. Mais il y a aussi d’autres facteurs, et c’est tout le challenge de notre étude de les déterminer. Il est cependant clair que les changements climatiques entrent en ligne de compte », reprend M. Giuliani. Il reste toutefois prudent : « sur les 20 ou 25 dernières années, s’agit-il de changements climatiques ou d’un phénomène local passager ? On ne le sait pas encore ». Un avis que partage Samuel Morin, « les données utilisées dans cette recherche s’étalent seulement sur 22 ans, ce qui est extrêmement court lorsque l’on s’intéresse au climat. En général, les scientifiques se basent sur une période d’au moins 30 ans.
Car, concernant l’enneigement, la situation est extrêmement variable. On est en train de faire une étude sur les Pyrénées, qui étaient plutôt fortement enneigées au début des années 80, moins ensuite, puis à nouveau bien sur les trois ou quatre dernières années », explique-t-il avant d’ajouter : « je suis toutefois absolument convaincu que les données satellites et l’exploitation qui en est faite dans cette étude sont résolument une voie d’avenir. Mais je pense qu’il va encore falloir attendre 20 à 30 ans pour exploiter uniquement les données satellites pour le climat. En attendant, il faut les combiner avec les informations in situ ».
Les hivers très enneigés plus rares
A partir de maintenant, les responsables de l’étude vont mener une recherche afin d’étudier les conséquences de cette baisse et confirmer les résultats. « L’idée est d’avoir une vision de l’impact des changements sur les ressources en eau, avec les risques potentiels accrus d’inondations, mais aussi sur le tourisme », explique M. Giuliani.
Les chercheurs vont publier deux cartes satellites sur l’état de l’enneigement de manière annuelle pour voir si le phénomène s’accélère ou s’il est continu. Ces cartes et les données sont consultables sur le site Internet de l’UNIGE*. « L’idée, c’est aussi de pouvoir avoir des statistiques par canton ou par commune pour devenir un outil décisionnaire pour les politiques », ajoute-t-il. Mais que réserve le futur ? La neige va-t-elle disparaître des Alpes avant la fin du siècle ? Personne ne peut bien évidemment le dire avec exactitude. Une chose est sûre, pour Samuel Morin, c’est qu’avec le changement climatique, « l’enneigement ne va pas baisser un petit peu chaque année. Les hivers vont continuer à être très variables les uns après les autres. Mais les hivers très enneigés vont devenir plus rares. »
Romain Fournier
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