Dirigeant de l’entreprise familiale Cafés Folliet et président du Medef Savoie, Bernard Folliet a accordé une riche interview à Eco Savoie Mont Blanc. Retrouvez ici l’intégralité de cet entretien, dont une partie est déjà parue dans Eco du 10 mars (et toujours accessible dans notre liseuse électronique).
Photo ci-dessus : Geoffroy Roux de Bezieux, président du Medef national et Bernard Folliet, dans les bureaux de Routin, en janvier dernier, juste avant la cérémonie des voeux du Medef 73.
Pourquoi vous être engagé au Medef ?
J’avais déjà eu divers mandats locaux et régionaux dans des structures patronales mais je m’en étais retiré suite au décès de mon frère, en 2000 (il était co-dirigeant de l’entreprise, NDLR). Il y a 6 ans, je suis allé voir Bruno Gastinne, Président du Medef 73, pour lui dire que, de nouveau, j’avais du de temps disponible et que je pouvais me réinvestir. Or il a ensuite été élu président de la CCI et c’est comme ça que je me suis retrouvé à la présidence du Medef … alors que je n’étais même pas au conseil d’administration jusque-là !
Ce n’est pas contradictoire de prendre une telle responsabilité quand, à titre personnel, on n’aime pas la lumière ?
Non. J’étais très à l’aise pour défendre les idées du Medef de l’époque et je le suis encore plus aujourd’hui. Et puis c’était alors un petit Medef, peu sur le devant de la scène.
Vous vous êtes d’ailleurs appliqué à le faire grandir…
Oui. Il y avait une cinquantaine d’adhérents directs à l’époque et 5 branches professionnelles (les entreprises des branches adhérentes ne peuvent pas adhérer directement, NDLR). Aujourd’hui, nous sommes plus de 200 adhérents directs et 16 branches. D’être plus nombreux permet d’élargir les apports et les idées et, évidemment, donne plus de poids lorsque l’on va rencontrer le préfet, les élus, les administrations… Marine Coquand (déléguée générale) m’a bien aidé dans ce développement, et j’ai même prolongé ma mission.
Que voulez-vous dire ?
C’est un mandat annuel et je ne comptais pas rester aussi longtemps. Il ne faut pas que cela devienne un club : maintenant, il faut que je lâche ! Je me donne un à deux ans pour trouver quelqu’un pour prendre ma suite.
Et vous aussi, vous allez ensuite devenir président de la CCI ?
(Rires) Non ! C’est vrai que c’était presque une tradition, avec Charles Montreuil, Jean-Michel Tivoly, René Chevalier puis Bruno Gastinne. Mais ce n’est pas du tout dans mes projets.
Et prendre des responsabilités régionales ou nationale au Medef ?
Non plus. Si je poursuis mes engagements, ce sera plutôt sur la thématique du logement, au sein du Medef Savoie : nous sommes en crise importante sur ce plan-là. Ceux qui n’ont que leur salaire pour se loger vont avoir de plus en plus de mal. Cela entraîne des difficultés pour les entreprises mais c’est aussi une crise sociale lourde, comme les Gilets Jaunes. Il va falloir trouver des solutions. En Savoie on ne construit pas assez, il n’y a pas assez de permis de construire car les maires sont trop frileux. Ils regardent trop à court terme alors que le logement est un cycle long, de 5 ans environ, de l’achat du terrain à la livraison de la construction.
On m’a toujours appris l’humilité comme première valeur. Il est plus raisonnable et judicieux d’être discret.
Nous sommes dans une période de mobilisation sociale : comment concevez-vous les relations entre le Medef73 et les syndicats de salariés ?
Cela dépend. Certains sont plutôt dans les propositions d’autres plutôt dans le combat. Être dans le combat peut apporter des adhérents… mais est-ce que cela permet vraiment de les garder ? Au niveau départemental, il n’y a pas de négociation directe avec les syndicats de salariés : c’est du ressort des entreprises ou alors des branches ou du national. Ici, nous nous côtoyons surtout dans le cadre du paritarisme, et cela se passe plutôt bien.
S’il ne négocie pas avec les syndicats, quel est le rôle du Medef départemental ?
C’est un lieu de services et d’échanges avec les entreprises. En Savoie, il y a beaucoup d’entreprises de moins de 50 salariés et il est important qu’elles puissent avoir un espace de dialogue. En outre, le Medef assume 97 mandats : aux prud’hommes, à l’Urssaf, à la Caf mais aussi à l’université, dans des organismes de formation… Cela permet de faire entendre la voix des entreprises dans ces structures. Et cela permet aussi aux dirigeants et dirigeantes qui les assument de vivre la vie locale à travers un mandat exercé au nom et au profit de toutes les entreprises.
Vous évoquiez les différences de positionnement des syndicats de salariés : c’est la même chose entre Medef et CPME ?
Non. Il n’y a pas de combat de valeurs ni d’idées entre nos organisations. La CPME est davantage tournée vers les TPE mais dès que les problématiques RH deviennent plus importantes, le Medef a davantage de poids. Nous travaillons bien ensemble : à la CCI ou aux prud’hommes nos mandats sont communs (il y avait une seule liste, d’union, lors des élections – NDLR). Nous avons la même fibre.
Vous êtes président du Medef 73 depuis 2016 et, pourtant, vous êtes peu présent dans les médias. Pourquoi ?
C’est un trait de caractère, culturel et éducatif. On m’a toujours appris l’humilité comme première valeur. Il est plus raisonnable et judicieux d’être discret, sans se répandre de façon parfois trop spontanée, avec le risque de ne pas être à propos. Dans l’entreprise, ce trait de caractère m’a aussi permis d’avoir des gens qui me ressemblent : le travail, c’est sérieux, ce n’est pas du paraître ! Et puis il y a une autre raison : alors que j’ai une très bonne mémoire des chiffres, je ne suis pas du tout physionomiste. Je reconnais très mal les visages, vraiment. C’est un défaut dont je souffre beaucoup. Alors je ne cours pas après la lumière ni les grandes rencontres.
En janvier, lors de la visite de Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef national, à Chambéry, vous aviez souligné votre appui à son « Medef de proposition » : vous préférez cela au « Medef de combat » de son prédécesseur ?
J’ai sans doute une personnalité plus axée sur les propositions que sur le combat, oui. Mais il faut aussi resituer les choses : le « Medef de combat » de Pierre Gattaz (2013-2018) était en face d’un gouvernement anti-entreprises : « Mon combat c’est la finance » (phrase du candidat Hollande, futur Président de la République, en 2012, NDLR), ça avait crispé les relations entre les entreprises et le gouvernement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et il est devient plus facile d’être dans un Medef de propositions.
Nous avons été les premiers à proposer le café et les machines. En apportant des garanties et en prenant toutes les responsabilités.
Votre entreprise, Cafés Folliet, a beaucoup souffert de la crise sanitaire. Tout est reparti, maintenant ?
Pas complètement. Avec la covid, nous avons perdu 40% de chiffre d’affaires, avec des “trous” à -85%, certains mois en 2020 et 2021. En 2022 et 2023 nous n’avons toujours pas retrouvé nos niveaux de ventes d’avant crise. Cette année, nous devrions être à 80% de nos volumes de 2019. Les coûts des matières premières, du transport et maintenant de l’énergie (qui représente à elle seule une hausse de 400 000 euros sur un an), ont beaucoup augmenté. Hausses que, partiellement, nous avons pu répercuter.
Comment se décomposent vos ventes, entre particuliers et professionnels ?
Sur nos 72 M€ de chiffre d’affaires 2022, 3 M€ ont été réalisés via la grande distribution régionale à destination des ménages. Le reste l’a été auprès des professionnels des cafés, hôtels et restaurants (CHR). Dans les CHR, la moitié du chiffre vient du café, l’autre moitié des produits annexes, tels les jus de fruits, le chocolat, le sucre.
Quand vous dites “café”, c’est la matière mais aussi les machines et services qui y sont liés ?
Effectivement. Ce fut d’ailleurs notre première diversification : s’occuper de transformer le café chez client. Le mot « café » désigne aussi bien le grain que la boisson chaude qui en résulte. Mais jusque dans les années 1990, les deux activités étaient bien séparées : les torréfacteurs d’un côté, les fabricants de machines de l’autre. Nous avons été les premiers à proposer les deux. En apportant des garanties et en prenant toutes les responsabilités que les uns et les autres avaient tendance à se rejeter en cas de problème.
Historiquement, nous avons connu un fort développement grâce à l’or blanc et à notre implantation dans les stations.
Comment cela se concrétise-t-il sur le terrain ?
Nous avons 55 techniciens itinérants dans toute la France (sur 250 salariés), qui installent et entretiennent les machines que nous vendons ou louons. Nous en installons environ 17 000 par an, de différentes tailles. Pour la majorité, nous sommes uniquement revendeurs, mais nous sommes aussi concepteurs de certaines d’entre elles, sans prétention, toutefois, de maîtriser la production en série.
En 2018, vous avez revendu Tropico, que vous aviez racheté en 2005 : il y avait trop de différences entre cette boisson et le café ?
C’est vrai que dans la grande distribution (GMS) il n’y avait pas de synergie Folliet -Tropico. Tropico, marque à forte notoriété, travaille via les plateformes d’achat nationales des enseignes, tandis que Folliet distribue son café sans intermédiaire à 22.000 professionnels. De plus le produit Tropico à forte teneur en sucres, n’était divergeait de notre stratégie.
Alors pourquoi avoir revendu ?
Parce que Coca-Cola nous a fait une offre intéressante ! La réintroduction en grande distribution de Tropico a été un très beau succès, d’où cette offre. Et nous avons conservé l’activité CHR de Tropico.
Cette revente a permis à la famille Folliet de reprendre la totalité du capital de l’entreprise…
Oui, mais c’était une résultante, pas une cause. Après la vente, nous avons remboursé nos dettes et récupéré la part de capital que les banques, qui nous avaient aidés à financer notre croissance, avaient prise. En 2015, ces banques possédaient 62% de l’entreprise, mais cela n’a jamais été un problème à mes yeux.
Vous n’êtes pas attaché au capitalisme familial ?
Bien sûr que si ! Mais pas à l’excès. Aujourd’hui, en tant que président du Medef, j’essaie de le faire comprendre aux chefs d’entreprises : il vaut mieux un banquier qui vous aide en investissant qu’un proche qui vous bloque en attendant uniquement son dividende. Le dirigeant doit mettre toutes ses forces dans le développement de l’entreprise plutôt que dans le développement du patrimoine : il ne faut pas confondre les deux.
Mais alors, pourquoi avoir repris 100% des parts ?
Pour pouvoir repartir dans une logique de croissances… et de réouverture du capital si besoin !
Vous avez des projets ?
Oui. Et j’espère en concrétiser un très bientôt. Cafés Folliet a déjà racheté une trentaine d’entreprises. Historiquement, nous avons connu un fort développement grâce à l’or blanc et à notre implantation dans les stations. Mais nous avons vite réalisé qu’asseoir notre activité sur seulement 4 mois de l’année était risqué et qu’il fallait être moins dépendants des sports d’hiver. Alors nous avons commencé à reprendre des sociétés dans d’autres régions et à nous diversifier dans d’autres produits (boissons froides, jus, chocolat…). Nous allons continuer.
Pour accompagner la reprise post-covid, vous recrutez ?
Oui, nous avons une vingtaine de postes ouverts mais les embauches sont difficiles. Nous avons des demandes importantes sur les salaires. C’est légitime, notamment sur les bas revenus. Mais nous les avons déjà augmentés et nous avons aussi octroyé des primes de partage de la valeur (les “primes Macron”, NDLR) en août dernier et nous avons également intéressement et participation. Globalement, les entreprises ont “fait le job” pendant la crise sanitaire ; et elles l’ont fait aussi sur les salaires, parce que c’était incontournable, vu le contexte. D’ailleurs, les sondages montrent que le salarié est plutôt content de son entreprise mais moins de l’environnement extérieur.
N’empêche : vous ne parvenez pas à recruter…
C’est vrai, avec un chômage sous les 6% en Savoie, les recrutements restent très difficiles. Quand les prétentions salariales des candidats dépassent les salaires des employés en place depuis des années, c’est compliqué pour le chef d’entreprise : il risque soit de se priver de la main d’oeuvre nécessaire à la croissance de l’entreprise, soit de générer des frustrations… Je pense toutefois que cette situation ne va pas durer dans le temps. Et je préfère toujours cela à 12% de chômage.
Avec Les Vergers du Mékong, Nous sommes probablement les seuls au Viet-Nam à proposer une traçabilité complète des produits
Vous avez indiqué votre intention de passer le relais au Medef : en ce qui concerne votre entreprise, vous y pensez aussi ?
Forcément : j’ai 68 ans et on me pose régulièrement la question en interne. Je ne suis pas sûr d’être assez vieux pour transmettre maintenant. Je pense plutôt faire encore grandir l’entreprise afin d’avoir un collectif de cadres capables de piloter l’opérationnel pendant que je me consacrerai à la gouvernance stratégique pour quelques années.
Vous ne privilégiez pas une transmission familiale ?
J’ai un fils qui travaille avec moi mais trois filles en dehors de l’entreprise : un partage juste serait impossible. En outre, actuellement, je ne possède que 40% de l’entreprise (le reste appartient à ses cousins, NDLR). Je porte les ambitions familiales et j’ai le bonheur de piloter cette belle entreprise tous les jours mais je n’ai jamais considéré qu’elle était “à moi”. Une sortie par le haut, avec transmission accompagnée me semble alors la meilleure solution.
Folliet incarne la réussite de la PME familiale… mais vous prônez pourtant l’intérêt d’ouvrir son capital. Ce n’est pas contradictoire ?
Bien sûr que non ! Mon père a fait HEC, dans les années 1950. Pourtant, il est revenu travailler avec son père et sa mère dans une TPE qui, à l’époque, n’avait pas de commerciaux. Ça a été une très grande chance pour l’entreprise : il a apporté ce bagage culturel, cette ouverture, cette capacité à conduire et à faire grandir. Peu après que je sois entré dans l’entreprise, nous avons racheté une société de la même taille que nous, c’est-à-dire 20 millions de francs (environ 3 M€) de chiffre d’affaires. Il y en a eu d’autres ensuite, si bien que nous sommes passés de 20 à plus de 400 personnes (en 2015, avant la revente de Tropico en 2018, NDLR) : nous n’aurions jamais pu soutenir une telle croissance dans la durée sans ouvrir notre capital.
Cafés Folliet a beaucoup grandi en France mais n’a jamais été à l’export, même pas en Suisse voisine. Pourquoi ?
Nous livrons tous nos clients et je ne suis pas sûr que nous saurions bien le faire à l’étranger : il faut les équipes, la connaissance des mécanismes et des habitudes propres à chaque pays. Quant à la Suisse, elle est effectivement proche mais dans une activité comme la nôtre, c’est complètement fermé ! L’export n’est donc pas un sujet à mes yeux.
Pourtant vous êtes présents… au Viet-Nam !
Oui, mais c’est une histoire différente. Suite à une formation, dans le cadre du Medef, avec l’Association pour le progrès par le management (APM), j’ai eu envie de tenter la création d’entreprise à l’étranger. Le hasard a voulu qu’au Viet-Nam je rencontre Jean-Luc Voisin, originaire… de Saint-Jean-d’Arvey (village au pied des Bauges, tout près de Chambéry, NDLR) ! Nous nous sommes associés pour créer, en 2000, les Vergers du Mékong qui transforment, dans l’usine de Càn Tho’ la production de fruits et de cafés de 5 000 petits cultivateurs. (l’entreprise compte 200 personnes pour 7M$ de CA ; Jean-Luc Voisin est associé minoritaire, NDLR). Les clients sont des grossistes d’Asie (Japon, Chine, Corée) et, un peu, de France, pour les purées de fruits. Et les cafés hôtels restaurants du Viet-Nam pour le café, les confitures, les jus de fruits. Nous sommes probablement les seuls au Viet-Nam à proposer une traçabilité complète de nos produits, incluant les arrosages, les engrais utilisés.
Vous semblez porter un attachement fort à cette entreprise…
C’est vrai. J’ai effectué plus d’une trentaine de voyages au Viet-Nam. C’est une belle aventure et nous avons des salariés très fidèles : pendant le covid ils se sont spontanément relayés au sein de l’usine, pour maintenir la continuité de la production et éviter les dégradations. J’ai un immense respect pour cela. Y penser me procure toujours beaucoup d’émotion.
Merci pour cet échange très intéressant
J’aurais aimé posé les questions suivantes:
Pourquoi recrutez vous autant?
Combien y a t il eu de liscenciements ces derniers années en comptant ceux déguisés en rupture conventionnelle?
Combien y a t il eu de demissions sur cette même période?
Combien de contrats ont dû être arrêtés pendant la période d’essai?
Combien avez vous d’employés en arrêt maladie?
Combien de mesures disciplinaires avez vous prises en comptant les mises à pied et les mutations forcées?
Si c’est une entreprise familiale, le modèle de famille est bien toxique, soit tyranique, humiliateur et narcissique.
Jamais on a vu un turn over aussi important dans les entrepôts, avec des cadres incompétents ou alors surchargés de travail qui finissent en burn out…
Quelles formations proposez vous à vos recrues?
Est ce la norme dans votre entreprise de travailler depuis des années sans aucune augmentation?
Une entreprise familiale qui brassent des milions sur le dos de la santé mentale et physique de ses congénères
C’est une honte
A Monsieur Folliet,
Si lorsque vous étiez un petit garçon, vous rêviez d’être Lex Luthor plutôt que Superman, si vous rêviez d’être DarkVador plutot que Luke Skywalker, alors félicitations! Vous faites bien partie du côté obscure de la Force! Si ce n’était pas le cas, l’enfant que vous étiez vous desterait car vous vous êtes laissé corrompre par le pouvoir et l’argent. Vous avez la possibilité de rendre le monde meilleur mais au lieu de cela vous choisissez de le pourrir. Un grand pouvoir n’implique pas une grande autorité, mais une grande responsabilité. Mais là on dévit sur Spiderman…
En tout cas, lorsque que vous vous regarderez dans le miroir, vous n’y verrez que le reflet du Vilain de l’histoire, et vous comprendrez que personne ne vous aime sincèrement, car l’amour et l’honnêteté sont les seules choses que l’on ne peut acheter.