Les marchés passés en 2021 et même sur le début 2022 restent à un niveau correct. Mais un infléchissement se fait ressentir.
« Nous sommes très inquiets pour cette fin d’année. D’habitude, le public compense les incertitudes du privé. Là, on a le sentiment que les incertitudes se cumulent. Nos entreprises ont peu d’appels d’offre à chiffrer. » Président de la fédération BTP Ain, Pierre Convert a conclu par ce message d’alerte, la présentation des données aindinoises de la commande publique réalisée par la Cerc Auvergne-Rhône-Alpes, observatoire régional de la filière construction, lundi 14 novembre.
C’était pourtant bien parti. Le niveau d’activité de 2022 comparé à 2021 s’élève à 103 % pour l’entretien-rénovation, 104 % pour les mises en chantier de logements, 92 % pour la production de béton prêt à l’emploi (BPE) et 96 % pour la production de granulats. Avec 255 millions de mètres carrés construits, seules les surfaces de locaux mises en chantier accusent une franche baisse, 65 %. Mais, il s’agit là d’un domaine particulier. « Il suffit qu’un gros bâtiment industriel ou commercial se soit construit l’année dernière et pas cette année pour que l’on enregistre de très fortes variations », rappelle Olivier d’Attoma, secrétaire général de BTP Ain. Quant aux TP, ils affichaient encore au troisième trimestre, 5 mois de carnets de commande. Un chiffre stable.
En 2021, 745 appels d’offres ont été publiés, en baisse de 15 % par rapport à 2019. L’on se situe donc toujours en deçà des données d’avant crise. Mais, ce sont surtout les perspectives pour fin 2022 qui inquiètent, la courbe tendant à s’infléchir pour rejoindre celle de 2020, année de confinement. Depuis janvier jusqu’à la fin août, 440 appels d’offre ont été publiés, contre 544 sur la même période, l’an dernier.
Les budgets primitifs votés par les collectivités, d’un montant total de 821 M€, laissaient espérer bien mieux. Même en prenant en compte le taux de réalisation le plus bas, soit 51 % comme en 2021, 2018 ou 2017, cela représenterait 415 M€ de travaux, +7 % par rapport à l’an dernier, -5 % par rapport à 2019. Mais les acteurs du BTP s’attendent plutôt à un maigre taux de 45 %. « Les collectivités vont avoir plein de bonnes excuses pour ne pas mener à bien leurs projets d’investissements », anticipe Pierre Convert.
« Ce ne sont pas des excuses, mais une réalité », a défendu Bernard Perret, maire de Viriat. « Dans ma commune, avec des prix de l’électricité multipliés par deux, ceux du gaz par quatre, à consommation égale, nos charges énergétiques vont passer de 260 000 à 900 000 €. Quant aux ressources humaines, elles nous coûtent 150 000 € de plus. De quoi rogner complètement nos capacités d’investissement. » Et l’élue burgienne Claudie Saint-André de confirmer pour sa part : « Nos coûts énergétiques passent de 2,7 à 3,7 M€ et nos RH de 34 à 38 M€. Nous allons devoir faire des choix. »
L’heure des choix
Faire des choix, les acteurs du BTP sont d’accord, pourvu que les projets sortent. David Soret, dirigeant de l’entreprise de construction Floriot, suggère ainsi, par exemple, que l’on puisse mener à bien à budget constant, la réalisation d’un gymnase en remettant à plus tard le dojo ou le mur d’escalade. « Il ne faut pas s’attendre à des baisses de prix à court ou moyen terme, prévient Pierre Convert. Reporter les projets en espérant payer moins cher n’est pas forcément un bon calcul. »
Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète de l’Ain, a rappelé de son côté, qu’en 2021 dans notre département, la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) s’était élevée à 10,5 M€, la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) à 4 M€. Des sommes auxquelles se sont ajoutés 12 M€ de crédits exceptionnels France Relance. « Pour 2022, nous sommes déjà à 17 M€ d’aides. Et en 2023, arrive le fonds vert, doté de 2 milliards à l’échelon national. » De quoi inciter à sortir quelques projets.
Sébastien Jacquart
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