Repenser le capitalisme pour mieux évaluer le rôle de l’entreprise dans la société. Soit, autrement dit, comment repenser effectivement le capitalisme, tout en y intégrant de nouvelles donnes : comme le volet social ou environnemental. En ce sens la question devient légitime : quel est le rôle intrinsèque de l’entreprise ?
C’est tout l’objet du rapport que viennent de rendre Jean-Dominique Senard, patron de Michelin, et Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT et PDG de l’entreprise Vigo Eiris. Le texte a été présenté le 9 mars aux quatre ministres qui l’avaient commandité, soit Muriel Penicaud pour le Travail, Bruno Le Maire pour l’Économie, mais également Nicolas Hulot pour la Transition énergétique et solidaire et la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.
Le point de départ d’une telle réflexion ? « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés », édicte sobrement le Code civil qui date, pour rappel, de 1804. Ainsi, le fondement juridique des entreprises est clairement défini dans les textes de références : nourrir les intérêts des actionnaires et des propriétaires. Et point. Cependant, les ministres ont réclamé une évolution de cette définition, probablement jugée trop restrictive. Alors, pour se donner bonne conscience, oups, pardon, pour ne pas paraître trop à droite, zut non encore raté. Je reprends : pour se situer dans la tendance de nos évolutions sociétales, le Gouvernement affiche sa volonté de « mieux associer les salariés au fonctionnement et aux résultats de leurs entreprises » dixit Bruno Le Maire, rejoint par Muriel Penicaud qui demande d’intégrer du « bien commun » à l’affaire. L’article du Code Napoléon pourrait ainsi se voir adjoindre un alinéa : « La société doit être gérée selon son intérêt propre en considérant les enjeux sociaux et environnementaux ». Moins de court-termisme donc, et davantage de prise en considération de tout l’écosystème d’une entreprise : salariés, clients et fournisseurs.
Une bonne gestion du timing : le rapport devrait sustenter la réflexion du Gouvernement, qui a promis pour avril l’éclosion de son projet Pacte en faveur de la croissance des entreprises. Les détracteurs du rapport intitulé « L’entreprise et l’intérêt général » voient déjà en lui se dessiner les contours d’un séduisant paquet-cadeau, futur écrin d’un projet de loi destiné aux bien évidemment décadents chefs d’entreprise.
« “Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés”, édicte sobrement le Code civil. Ça va changer ! »
Quoi qu’il en soit, le texte démontre l’opportunité de la création de nouveaux statuts d’entreprises, inspirées des fondations à actionnaires, que l’on trouve notamment en Europe du Nord et aux États-Unis.
Au final, qu’est-ce que cela changera ? Un subtil rééquilibrage des rapports de force, peut-être. Ainsi, Bercy envisagerait de transformer la gouvernance des entreprises, avec une augmentation du nombre d’administrateurs salariés, prenant pour exemple les sociétés du CAC 40 : dans leurs CA, 52 sièges sur 560 sont occupés par des salariés.
Pourquoi ? La réussite et la pérennité d’une entreprise, quelle qu’elle soit, ne se suffisent pas de l’air du temps : elles sont portées par le chef d’entreprise et les équipes.
Et puisque dans notre société française le mot « patron » est honni, il s’agit certainement d’une idée louable pour redorer quelque peu le blason de celles et ceux qui ont, chaque jour, le courage d’entreprendre, de porter leurs boîtes, et de créer de l’emploi, base de toute société via ces objets collectifs que sont les entreprises. C’est peut-être aussi tout simplement cela, l’utilité sociale.
Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr
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