Interview : «Nous devons adapter notre environnement à nos clients», assure le directeur de Palexpo

par | 20 septembre 2019

Claude Membrez, à la tête du centre de congrès à Genève, revient sur les grandes mutations auxquelles les organisateurs de salons sont confrontés. Pour perdurer et grandir, ils doivent se réinventer. Et faire vivre une expérience.

Les grands salons de l’horlogerie (SIHH) et de l’automobile (Peugeot, Nissan et Volvo seront les grands absents du prochain GIMS) attirent moins de marques que par le passé, certaines privilégiant l’événementiel. C’est le début de la fin ?

C’est une tendance avérée. Les marques veulent discuter avec le client final et ne plus passer forcément par des intermédiaires. Il y a cinq ans, 80 % des ventes des grandes marques de l’horlogerie se faisaient sur les salons, aujourd’hui ce ne sont plus que 30-40 % en raison de la multiplication des points de vente et d’Internet. Désormais, elles ne viennent que si elles ont un produit fini à offrir à leurs clients ou une histoire à raconter, avec l’ambition de leur faire vivre une aventure. À nous de répondre à leurs attentes en mettant en scène des événements expérientiels. A titre d’exemple, sur le prochain salon de l’automobile, un parcours d’essai de voitures électriques verra le jour sur plus de 15 000 mètres carrés.

Salon de l’automobile GIMS à Genève en 2018- Crédit photo Palexpo

Qui sont vos plus grands concurrents ?

Nos principaux concurrents ne sont pas des bâtiments mais plutôt des villes européennes attractives sur le plan touristique comme Barcelone, Amsterdam,  et dans une moindre mesure, Vienne. En sachant que nous devons composer avec la taille de nos infrastructures : Palexpo (106 000 mètres carrés, contre 140 000 m2 pour Lyon) et un parc hôtelier de seulement 11 000 chambres (et 14 000 si on inclut le Grand Genève).

Qu’en est-il de l’autre côté de la frontière ? Rochexpo et Lyon vous font-ils de l’ombre ?

Clairement non. Rochexpo est concentré sur un marché naturel local en développement, et Lyon, qui peut se targuer d’une très bonne activité, attire des événements français plus qu’internationaux, à l’exception du Sirha. Car en France,  les salons, dès qu’ils ont atteint une taille certaine, migrent vers Paris.

Vous semblez très actifs, quel est votre taux de renouvellement ?

Parler de taux de renouvellement n’a pas vraiment de sens. Depuis quelques années, le monde de la foire-expo est en mutation et vouloir grandir dans un monde qui change se traduit par le lancement de nouveaux événements dans le sport, la culture, l’agriculture… C’est au fond cela qui nous intéresse et nous permettra d’améliorer la suite.

Justement vous cherchez aussi à capter un public jeune. Est-ce clairement un relais de croissance ?

Les jeunes d’aujourd’hui sont nos consommateurs de demain. Ce pourquoi nous avons lancé en 2017 le Royaume du web. Trois jours durant lesquels nous invitons des stars de YouTube pour que les jeunes rencontrent leurs idoles. Cet événement remporte un vrai succès (15 000 visiteurs l’an dernier). Grande nouveauté cette année, la 1ere édition de Bricklive dédié au monde du lego, du 18 au 27 octobre, pendant les vacances scolaires suisses et françaises.

Vous créez également vos propres événements, que vous exportez ?

Il s’agit principalement de salons thématiques, une quinzaine, que nous organisons en régie propre. Nous avons décliné notre événement Art Genève, consacré à l’art contemporain, à Monaco, et réfléchissons à une biennale de sculpture pour l’été prochain. Nous organisons aussi un salon des inventions à Santa Clara et à Hongkong, là où il faut être. Dans un contexte très mondialisé, Palexpo doit viser les destinations où se trouvent les industries et leurs exposants.

« Nous devons nous inscrire dans une dynamique expérientielle et émotionnelle pour attirer les marques. Ce sera tout l’enjeu à l’avenir »

Sur un marché hyper concurrentiel, Palexpo enregistre un chiffre d’affaires en croissance régulière. Les bénéfices aussi ?

Notre chiffre d’affaires 2019 devrait être légèrement inférieur à 100 millions de francs (il varie en moyenne entre 90 et 100 MCHF) en raison du calendrier, avec une centaine d’événements, petits et grands, recensant au total 1,5 million de visiteurs. Nos bénéfices sont insignifiants. Toutefois, notre objectif n’est pas d’en faire mais d’équilibrer les comptes. Et ce que nous gagnons est immédiatement réinvesti dans le bâtiment répondre à la mission que l’on nous a assignée : attirer les événements pour dégager de l’argent sur notre économie régionale (suisse et française), faire rayonner Genève dans le monde en accueillant des salons à forte valeur ajoutée, et aussi être au service de ses habitants (événements plus populaires).

Vous multipliez  les investissements pour avoir un centre d’exposition et de  congrès à la pointe de la technologie… et du développement durable.

Nous avons investi cette année 13 millions de francs (Ndlr : Palexpo ne reçoit aucune subvention de l’Etat), comme l’exercice précédent, pour rénover le hall d’accueil à l‘extérieur, depuis la sortie des parkings à l’entrée du bâtiment. L’an prochain, nous améliorerons les routes, et l‘année suivante, le centre de congrès sera agrandi. Notre conseil d’administration très impliqué dans la stratégie  est également proactif sur le plan environnemental. La toiture de Palexpo est entièrement recouverte de panneaux solaires (Ndlr, la plus grande centrale photovoltaïque de Suisse romande). Et nos exposants sont alimentés en énergie 100 % renouvelable, avec la possibilité de souscrire à d’autres offres proposant différents mix d’énergies, mais ils ne sont pas très enclins, pour l’heure, à payer plus cher.

Quels sont vos grands projets à l’avenir ?

Nous en avons beaucoup. Ceux liés au bâtiment pour qu’il devienne neutre en énergie d’ici 5 à 10 ans. A terme Palexpo produira autant d’énergie qu’il en consommera. Ce sera un vrai avantage économique, j’en suis convaincu, et cela vaut la peine de continuer à investir et de jouer la carte de la durabilité. Par ailleurs, nous ferons en sorte que les foires-expositions restent un moyen de communication important, en transformant les événements. Pour être toujours à la page, nous devons adapter notre environnement à nos clients.

Tout savoir sur Palexpo

  • L’établissement est une entreprise parapublique. L’État de Genève en est l’actionnaire majoritaire (80 %), au côté de 20 % d’institutionnels publics et privés locaux
  • CA 2019 : environ 100 MCHF
  • Président : Robert Hensler (ancien chancelier d’État)
  • DG : Claude Membrez (54 ans) depuis 2004, également vice-président de l’association européenne des centres d’expositions et de congrès
  • 420 emplois (équivalents temps plein).
  • 106 000 mètres carrés de surface
  • Avec environ 100 événements annuels rassemblant plus de 6 000 exposants, Palexpo est le 2e plus grand centre d’expositions et de congrès en Suisse, après celui de Bâle.

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