Savoie : « Le meilleur des déchets est celui qu’on ne produit pas »

par | 25 mars 2022

Présidé depuis juin 2021 par Marie Benevise, le syndicat Savoie Déchets déploie un plan pluriannuel d’investissement de 90 millions d’euros sur cinq ans. Entretien.

Quel est le rôle de Savoie Déchets ?

Créé en 2010, ce syndicat de traitement des déchets couvre l’ensemble de la Savoie. Quasiment toutes les intercommunalités lui délèguent leur compétence déchets. C’est une organisation que l’on retrouve dans toute la France : le département est la bonne échelle pour mutualiser les coûts d’investissement – nous allons investir 90 millions d’euros sur cinq ans – et d’exploitation. Outre la gestion de l’usine de valorisation énergétique et de traitement des déchets (UVETD) et du centre de tri de Bissy, nous avons pris assez récemment la compétence des biodéchets (cuisine, alimentaire), encore souvent collectés en mélange aux ordures ménagères. Nous allons aller de plus en plus vers des collectes séparées.

Quelle est votre feuille de route ?

Ma priorité est la gouvernance et le fonctionnement. J’avais le sentiment que les adhérents pouvaient se sentir un peu éloignés des décisions prises. Je souhaite que l’on élabore ensemble le projet stratégique, que les décisions soient prises en concertation, avec une gouvernance plus partagée. En nous amenant à travailler en visio ou en semi-présentiel, la crise sanitaire n’a pas facilité cette démarche, mais je veux prendre le temps d’associer toutes les personnes concernées – adhérents et partenaires extérieurs – autour de la table afin de conduire nos différentes réflexions.

Le partage de décision fonctionne-t-il ?

Oui. Quand on implique les élus et qu’on leur donne la parole, ils répondent présent. Cette démarche – similaire à celle que nous avons mise en œuvre dans le cadre de la liste citoyenne candidate aux élections municipales 2020 à Chambéry – donne lieu à des débats intéressants. Concrètement, nous avons par exemple utilisé l’outil du vote par jugement majoritaire, qui permet de qualifier et classer les propositions, pour choisir l’agence de communication chargée de la campagne sur les gestes de tri. Cela a permis à chacun de donner son avis, et donc de mettre en avant la campagne recueillant le plus d’avis favorables. Nos décisions sont soumises au code des marchés publics et à la validation du conseil syndical, mais ces outils sont intéressants pour nous aider dans nos choix avant d’en arriver au stade de la délibération. Ils permettent des décisions plus partagées, qui font plus consensus et qui amènent peut-être un peu plus de créativité, d’idées nouvelles.

Vous avez signé, fin 2021, une convention avec la Société chambérienne de distribution de chaleur. Quel est l’objet de cet accord ?

Depuis 2008, l’UVETD alimente le réseau de chaleur de Chambéry, réduisant ainsi sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Cet accord porte sur un investissement de 10 millions d’euros qui sera finalisé fin 2022. Il repose sur un contrat de vente de chaleur signé avec la Société chambérienne de distribution de chaleur (SCDC), qui permet d’amortir le coût des investissements. L’objectif est de réduire la part des déchets résiduels et d’aller plus loin dans la valorisation de la chaleur fatale : 30 GWh de plus seront injectés dans le chauffage urbain et viendront se substituer au gaz, soit au total 120 GWh au lieu de 90 GWh actuellement.

« Depuis 2008, l’UVETD alimente le réseau de chaleur de Chambéry, réduisant ainsi sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. »

Vous lancez aussi la construction d’un nouveau centre de tri…

Oui. Ce centre de tri, qui sera fonctionnel en 2025, nous permettra de répondre aux consignes de tri pour tous les emballages en plastique, contrairement aux installations actuelles. Ces plastiques pourront ensuite être transformés dans d’autres centres. Des exutoires existent déjà en France et en Europe, tandis que de nouvelles filières de recyclage commencent à se mettre en place. Par ailleurs, le nouveau centre continuera de trier les autres flux de la collecte sélective : papiers, cartons, aluminium…

Quelle sera sa capacité ?

Le centre actuel affiche une capacité de 23 000 tonnes et fonctionne la nuit pour prendre en charge les volumes (7 000 tonnes) de celui de Gilly-sur-Isère que nous avons fermé en décembre 2021. Le prochain disposera d’une capacité de 40 000 tonnes, soit 10 000 de plus, car nous estimons que les tonnages vont augmenter avec les nouvelles consignes de tri et que nous devrons répondre aux besoins de collectivités voisines : Bugey Sud, Sibresca. Nous avons constitué une entente avec ces partenaires qui ne disposent pas de centres de tri sur leurs territoires. Les équipements nécessaires pour trier les nouveaux plastiques sont plus gros, plus chers. Ces 40 000 tonnes sont donc aussi un seuil pour que le centre de tri soit rentable et qu’il puisse fonctionner correctement.

Où en êtes-vous du projet ?

L’acquisition du terrain est en cours sur la zone industrielle de Bissy, ainsi que les études de conception-réalisation. Construit en 2024 et 2025, ce centre nous permettra d’automatiser les tâches qui peuvent l’être et améliorera les conditions de travail de la cinquantaine d’opérateurs chargés du tri. Leur métier est difficile, en raison de toutes les erreurs de tri qui peuvent provoquer des blessures et qui génèrent des surcoûts de traitement. Je veux d’ailleurs communiquer davantage sur les consignes de tri, car les habitants n’ont pas forcément conscience des problèmes générés par leurs erreurs.

Pourquoi avoir fermé le centre de Gilly ?

Une étude réalisée il y a quelques années avait montré que l’option de deux centres de tri n’était pas pertinente. Et à Gilly, les conditions de travail étaient dégradées et le fonctionnement déficitaire. La première chose que j’ai faite, dès mon élection, c’est de demander aux services de réétudier en détail tous les scénarios possibles, toutes les localisations possibles en tenant compte du transport pour venir au centre de tri et repartir vers les filières de traitement. Les analyses ont montré que Chambéry est le barycentre des tonnages et présentait le meilleur bilan économique et environnemental.

Qu’en est-il de l’économie circulaire et de la réduction des déchets ?

Sur le territoire, nous travaillons en lien avec l’association Solucir, qui fédère les acteurs mobilisés pour développer l’économie circulaire. Pour le futur centre de tri, nous allons d’ailleurs nous engager dans une démarche de réutilisation maximum. La réduction des déchets est un enjeu important : nous avons un surplus de 20 000 tonnes qui dépasse les capacités de notre usine d’incinération et que nous devons exporter vers d’autres centres. Le meilleur des déchets reste donc celui qu’on ne produit pas.

Comment s’organise la collecte séparée des biodéchets ?

La loi nous impose de proposer, en 2024, une solution séparée pour ces biodéchets qui représentent 30 % de nos déchets. Nous avons recruté un chargé de mission pour faire le point et accompagner les adhérents qui sont tous à des stades assez différents. Grand Chambéry a déjà distribué 8 000 composteurs individuels en milieu diffus (maisons avec jardin), et une centaine d’autres, partagés, pour l’habitat collectif. Auparavant payants, ils sont désormais gratuits. Dans les deux ans qui viennent, nous voulons en développer 250 autres, partagés, dans des sites où il y a des personnes motivées que l’on accompagne. L’association Compost action joue un rôle d’accompagnement important. La mise en place des composteurs se passe très bien. Elle met un peu d’animation et crée des liens : ce sont, pour les habitants, des occasions assez conviviales de se retrouver.

Quelles sont les conditions pour que cela fonctionne ?

Il faut trois ou quatre familles référentes impliquées qui jettent un œil de temps en temps aux trois bacs installés (dépôt, broyat, maturation). Grand Chambéry distribue des bio-seaux. À Curial (Chambéry), nous expérimentons des poubelles communes pour les restaurateurs. En 2022, nous testerons, en centre-ville, une collecte en mode doux avec, par exemple, des vélos. Ce travail est passionnant car il a un vrai impact sur notre environnement et notre quotidien.

Propos recueillis par Sophie Boutrelle
Crédit photo : Didier Gourbin/ Grand Chambéry


CV EXPRESS

2004 : Insa Lyon (génie énergétique et environnement)
2010 : Ingénieure chargée de projets déchets et écologie industrielle chez Inddigo, à Nancy
2016 : Assistante maternelle (Chambéry)
2020 : Vice-présidente de Grand Chambéry chargée des déchets ménagers et assimilés ; conseillère déléguée à l’enfance à la ville de Chambéry,
2021 : Présidente de Savoie Déchets


Savoie Déchets

13 collectivités adhérentes représentant 236 communes
541 160 habitants concernés
39 élus au comité syndical
Budget annuel : 30 M€ en fonctionnement
Effectifs : environ 120 salariés
Capacités : jusqu’à 120 000 tonnes de déchets incinérables par an ; jusqu’à 40 000 tonnes de boues de stations d’épuration
Production potentielle d’énergie : 34 300 MWh par an d’électricité ; 90 000 MWh par an d’énergie thermique

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