Grand Annecy vient de lancer son dispositif Mobil’été. Mais l’agglomération a encore du pain sur la planche pour surmonter ses défis en matière de déplacements.
Gratuité du réseau de bus jusqu’au 31 août, 280 vélos à assistance électrique disponibles dans 48 stations, 14 parkings relais supplémentaires gratuits… : le dispositif Mobil’été, présenté par les élus il y a quelques jours, se veut une « mesure forte » pour apaiser le territoire du Grand Annecy. La stratégie de l’agglomération privilégie une combinaison de modes de déplacement : voiture individuelle, transport en commun (TC), marche, vélo, bateau, covoiturage (qui pourrait d’ailleurs être en partie « remboursé » par la collectivité, comme dans le Genevois français)… Le principe étant de considérer qu’il est contreproductif d’opposer les modes entre eux et illusoire d’imaginer chasser totalement les voitures des villes.
Car, sur un territoire contraint géographiquement et qui attire continuellement de nouveaux habitants (qui génèrent des déplacements…), tenter d’apaiser la mobilité est, encore plus qu’ailleurs, un défi. Illustration au niveau des transports en commun. Le réseau de bus (Sibra) ne peut pas desservir toutes les communes du Grand Annecy – et encore moins toutes les dix minutes – faute de moyens suffisants. Ses recettes commerciales ne représentent qu’un tiers du budget nécessaire à son fonctionnement, le reste étant financé par “l’agglo” (dotation annuelle) et par les entreprises, via le “versement mobilité” (VM).
En clair : augmenter le nombre de bus ne peut se faire qu’en augmentant la fiscalité des entreprises… sujet qui a déjà suscité un vif débat en 2018. En outre, quand bien même la Sibra aurait les fonds nécessaires, un réseau de transport en commun n’est efficace que s’il conquiert un nombre minimum d’usagers. Défi aussi au niveau des voitures. Il est techniquement possible de leur limiter l’accès au centre-ville – ce qui est d’ailleurs déjà le cas –, mais le problème, ici, c’est que les contournements sont rendus plus complexes par la présence du lac et des montagnes.
Parking pour d’autres ?
Autre composante de l’équation : apaiser la mobilité exige également des parcs relais pertinents. Or, céder du terrain à des usagers qui ne sont pas ses habitants n’est pas toujours bien vécu par une commune. N’a-t-il pas fallu la création de la commune nouvelle d’Annecy (fusion de six communes, en 2017) pour que certaines barrières tombent dans le coeur même de “l’agglo” ? Enfin, vouloir agir à l’échelle du bassin de vie peut se heurter au découpage administratif et à la répartition des compétences entre différents acteurs.
Ainsi en 2021, la communauté de communes des Sources du lac d’Annecy (qui couvre la pointe sud du lac) a décidé de laisser à la Région la compétence “transport” sur son territoire. Résultat : « Nous n’avons plus la main sur notre destin », déplore par exemple Hervé Bourne, maire de Lathuile, qui craint l’isolement du bout du lac et la baisse de son attractivité. À défaut d’une offre unique de transport, il va donc falloir miser sur une coordination optimale entre les deux acteurs…
Tous les matins, Énora, commerçante à Annecy, vient en voiture au parking des Marquisats depuis les hauteurs de Saint-Jorioz (commune de la rive ouest du lac) puis marche jusqu’au centre-ville. Cet été, le parking devenu payant la contrarie. Prendre le bus ? « Si c’est pour se retrouver au milieu des voitures… », lâche-t-elle. À terme, cette rive ouest doit bénéficier d’un transport en commun en site propre intégral… à condition qu’il soit techniquement faisable et que les expropriations nécessaires n’entraînent pas le projet sur une voie sans issue.
Le centre d’Annecy, lui, pourrait accueillir un tramway : un projet à plus de 730 M€ pour lequel les études sont en cours et qui doit faire l’objet d’un vote dans un an. En attendant, Mobil’été ou pas, sur le Grand Annecy la mobilité va demeurer un grand casse-tête.
Cécile Boujet de Francesco
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