Printemps de Pérouges, l'électron libre qui grise les entreprises

par | 05 avril 2017

En 20 ans, le festival a su mettre en place de véritables synergies avec ses partenaires. Illustration avec Spurgin.

Depuis sa création, le Printemps de Pérouges a toujours eu à cœur d’organiser ses concerts en des lieux insolites et, notamment, en sites industriels. Cette 21e édition n’échappe pas à la règle. Aussi, le 23 mars, Spurgin, entreprise de préfabrication béton à Blyes, accueillait une soirée dédiée à l’opéra, avec des airs incontournables du genre : La Traviata, La Bohème, Le Barbier de Séville, ou encore, La Flûte Enchantée… « Nous avons toujours une petite parenthèse lyrique dans le festival. C’est l’esthétique musicale dont je suis issue. Et cela correspond à notre volonté d’éclectisme, relève Marie Rigaud, fondatrice et directrice artistique du Printemps de Pérouges. Tout l’intérêt est justement de donner un tel concert ici, plutôt que dans une église ou un lieu dédié, de la même manière qu’un concert de rock n’aurait pas le même sens sur un site industriel. »

Le printemps de Pérouges chez Spurgin, ©Jérémy BouchSpurgin est un habitué du festival. Le dernier concert que l’entreprise avait accueilli était déjà vocal, avec un groupe de jazz et de hip-hop américain. « Sur un site comme celui-ci, où l’acoustique n’est pas évidente, la voix permet plus de choses », justifie Marie Rigaud. « Cela fait six ans que nous travaillons avec le Printemps de Pérouges, confirme Pierre Bollard, directeur général de l’entreprise. La première année, nous avions reçu des chanteurs a cappella, Les Grandes Gueules. Le concept est plaisant, d’imaginer des musiciens dans un environnement décalé. Et Marie a une énergie folle et communicative. »

Valoriser ses métiers…

Pour accéder à l’espace aménagé pour le concert, il faut traverser une grande partie du site, ce qui permet de voir les chaînes de production. « Nous n’avons jamais orienté cet événement vers nos clients, mais vers nos salariés. Nous sommes industriels du bâtiment et nos métiers n’ont pas forcément bonne image. Là, nous donnons l’occasion à nos personnels de montrer leur travail à leurs familles, de le valoriser », justifie Pierre Bollard. Celui-ci trouve d’ailleurs dommage qu’il n’y ait pas davantage d’entreprises du Parc industriel de la Plaine de l’Ain à s’inscrire dans une telle démarche. « On devrait tous le faire », estime-t-il tout en sachant parfaitement les raisons qui freinent ses homologues. « Accueillir un tel rendez-vous pose des problèmes de sécurité. C’est une prise de risque importante. »

Bénévolat

Repérage sur site, installation des décors, des éclairages, des chaises, accueil du public, aménagements divers, rangement… Le concert du 23 mars a mobilité une quinzaine de bénévoles du festival. « Nous sommes polyvalents », précise Patrice Voiret qui participe à l’organisation depuis 15 ans, par goût pour la musique et pour la technique.

Ce n’est d’ailleurs pas une mince affaire pour Spurgin non plus. L’événement bouleverse la vie de l’entreprise qui tourne habituellement en trois huit et doit arrêter la production, le temps du concert. « Nos équipes (72 personnes dont une cinquantaine en production, NDLR) ont travaillé jusqu’à 17 heures. Et les chaînes reprendront après », précise Laurent Pillette, directeur du site. Quelques salariés ont par ailleurs été mobilisés, en amont du concert, pour préparer la salle, dégager les espaces et installer le décor industriel.

…Et son image

Spurgin en a tiré dernièrement, un bénéfice inattendu. « Notre entreprise compte 275 personnes en France, mais nous serons bientôt 400, avec la construction de deux usines dans l’année, raconte le directeur général. Nous cherchions un terrain dans le sud de la France, ce qui n’est pas facile. Eh bien, le Printemps de Pérouges nous y a aidés. Nous avons rencontré le maire de La Roque d’Anthéron dont la commune accueille un festival de piano. Quand nous lui avons dit que des concerts étaient donnés sur l’un de nos sites, il a tout de suite été plus ouvert à notre projet. Nous sommes apparus comme une industrie non polluante, non bruyante, insérée dans la vie locale. »

L’entreprise de préfabrication béton soutien aussi le Printemps de Pérouges par l’achat de places de concert : Johnny au Polo Club l’année dernière, les Vieilles Canailles cette année… « Cette fois, par contre, c’est pour inviter nos clients », indique Pierre Bollard. Là encore, les retombées sont au rendez-vous et incitent l’entreprise à rester partenaire du festival, encore longtemps.


Le soutien du Département

Pour Damien Abad, président du conseil départemental, soutenir le Printemps de Pérouges apparaît comme une évidence. Ce soutien a d’ailleurs été revu à la hausse. « Je crois en la culture. Elle a sa part dans l’économie, justifie l’élu. Le rôle de la collectivité est d’encourager la création et les jeunes talents, mais aussi d’accompagner les événements importants, ces locomotives qui participent au rayonnement économique et touristique du département. De plus, la politique culturelle doit irriguer l’ensemble des territoires et des rendez-vous comme le Printemps de Pérouges y participent, avec de très belles soirées, dynamiques et intéressantes pour tout le monde. »


L’aventure de trois sœurs

Au fil des ans, la fondatrice du Printemps de Pérouges a fait de son festival, une affaire de famille.

« L’histoire du festival n’est pas banale. Elle a démarré, il y a 20 ans, sur une volonté, celle d’animer la cité médiévale de Pérouges autour de la musique, avec des bénévoles et des partenaires publics et privés. Puis, nous l’avons développé, professionnalisé, tout en y mettant notre ADN, raconte Marie Rigaud, sa fondatrice. C’est un festival électron libre qui s’autorise toutes les initiatives. Il a grandi en intégrant d’autres membres de ma fratrie. Cela a créé une ambiance familiale et conviviale, une proximité qui permet de retenir les bénévoles. Aujourd’hui, nous sommes trois sœurs qui assument la permanence du Printemps de Pérouges, assurent sa pérennité et en sont le fondement. »

Les sœurs Rigaud, ©Fabrice Schiff

Anne-Lise, Marie et Elsa, trois sœurs pour une aventure.

Chacune des trois sœurs a son rôle. « Cela fait 15 ans que j’accompagne Marie, avec des postes diversifiés et avec une équipe dynamique, raconte Anne-Lise, directrice administrative. Avec Marie, ce sont des projets un peu fous qu’il nous faut concrétiser, ancrer dans la réalité. Elle voit tout en grand. Rien ne lui fait peur. Et c’est sans doute pourquoi nous sommes là, aujourd’hui. »

Le festival, c’est une pression importante, mais on en tire une grande satisfaction.

Elsa, elle, assume la direction commerciale. Elle a pour mission de remplir les concerts de public et de trouver les entreprises partenaires. « Cette prospection dure jusqu’au dernier moment, décrit-elle. C’est une pression importante. Plus les jauges sont importantes, plus les budgets sont élevés et plus il faut trouver de partenaires. » Les dates, en effet, peuvent rassembler de 200 personnes, comme le 23 mars chez Spurgin, comme plus de 10 000, à l’image du concert de clôture de la 20e édition, avec Johnny Hallyday. Et ce sera sans doute encore le cas pour les Vieilles Canailles, le 4 juillet prochain, toujours au Polo Club de Saint-Vulbas où un espace village des partenaires accueillera plus de 1000 invités.
Mais cette pression n’enlève rien au plaisir que peuvent ressentir les organisatrices. « On en tire beaucoup de satisfaction », assure Elsa. Et Anne-Lise d’ajouter : « Notre souhait, c’est de faire un bon festival, que les gens soient contents et qu’ils aient envie de revenir. C’est cela qui nous motive. »


Par Sébastien Jacquart

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