Mécanisme de fixation des prix de l’électricité : le Monde Diplomatique y a consacré un sujet en octobre, Arte et La Tribune fin novembre, à quelques jours d’écart.
Alors que le gouvernement et EDF ont trouvé un accord pour réguler les prix de vente du nucléaire (accord qui doit encore passer à la moulinette de la Commission européenne pour savoir s’il ne constitue pas une aide d’État), le système de fixation des tarifs de l’électricité au sein de l’Union passe de plus en plus pour ce qu’il est : « une logique aberrante », voire, selon certains observateurs, « une arnaque ».

« Bénéfices pour les fournisseurs, précarisation des clients », résume en surtitre le Diplo. Et celui-ci d’expliquer : « L’Union rêve d’un marché unique de l’électricité où tous les électrons […] se négocieraient au même prix sur une même Bourse. Mais le réseau électrique impose une contrainte technique : il faut en permanence équilibrer la production et la consommation, laquelle varie tout au long de l’année et de la journée. Il incombe non plus à l’État mais au marché de donner le bon “signal prix” pour réaliser cet équilibre. […] Pour s’assurer que la dernière centrale nécessaire à l’équilibre du réseau sera bien démarrée par son propriétaire, le prix du courant correspondra au coût le plus élevé parmi toutes les centrales utilisées : c’est le principe de la tarification dite “au coût marginal”. »
Destiné à remplacer l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) qui doit disparaître le 31 décembre 2025, l’accord entre l’État et EDF fixe à 70 euros, le coût du mégawattheure facturé aux fournisseurs alternatifs. Il a été présenté comme un moyen de décorréler les tarifs de l’atome de ceux des énergies fossiles. Mais, il ne remet nullement en question le mécanisme décrit ci-dessus. Il se contente de l’adoucir. De plus, si l’on en croit La Tribune, l’Arenh présente lui-même ses effets pervers.
« L’Union européenne rêve d’un marché unique de l’électricité où tous les électrons se négocieraient au même prix sur une même Bourse. »
« Plus EDF perd de clients, plus il tire de revenus de son parc nucléaire, explique l’hebdomadaire. En cause : une faille dans le système de régulation des prix par l’État, qui devrait conduire à une sur-rémunération de l’entreprise de l’ordre d’une vingtaine de milliards d’euros en 2023, au détriment des consommateurs. » Ceci en parfaite contradiction avec l’idée largement répandue que l’Arenh pénaliserait l’énergéticien français.
Bref, force est de constater que « le mécanisme est cassé », pour reprendre l’expression de La Tribune. Il est des domaines stratégiques qui doivent être coordonnés, des domaines régaliens. L’énergie fait partie de ceux-là. D’ailleurs, c’est bien EDF, entreprise fraîchement renationalisée, qui va construire les nouveaux réacteurs promis par Emmanuel Macron.
La réforme du marché européen de l’électricité souhaitée ardemment par nos dirigeants n’est pas encore actée. Mais aux dernières nouvelles, elle s’orientait vers un mécanisme de régulation où au-delà d’un certain plafond la différence serait redistribuée, par l’État, aux consommateurs particuliers ou industriels. En-dessous d’un certain plancher, elle serait redistribuée au producteur. Une approche très similaire à l’Arenh, qui, comme on l’a vu, ne règle pas tout.
Sébastien Jacquart
Crédit : photo de Matthew Henry sur Unsplash
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