L’édito de Myriam Denis : « Cuisine interne »

par | 12 septembre 2019

Dans son édito, Myriam Denis s’indigne que les associations caritatives puissent recevoir en dotation, du poulet imbibé d’eau, ou des steaks sans viande.

Myriam Denis

« Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu. » Avec une touche de cynisme, je pourrais citer le titre de ce film de Max Pécas sorti en 1980, pour initier mon édito de la semaine. Il serait en effet malheureux de penser qu’aujourd’hui, seule la population la plus aisée financièrement aurait de quoi se nourrir convenablement. Pourtant… À tout bien regarder le panier moyen des Français, cela s’y apparente, hélas. Pour beaucoup, l’accès à la viande, aux fruits et aux légumes reste un luxe, sans même parler du bio. Et cette problématique est loin de concerner uniquement les foyers les plus précaires. 

« LE DRAME, CE SONT CES GENS PEU SCRUPULEUX QUI SURFENT SUR LE MARCHÉ DES PLUS DÉMUNIS POUR ÉCOULER DES PRODUITS DÉNUÉS D’INTÉRÊTS NUTRITIONNELS, MAIS RICHES EN MARGES POTENTIELLES. »

Parallèlement à cela, dans quelques semaines, le dernier week-end de novembre pour être exacte, la banque alimentaire va organiser sa grande collecte nationale. Nous serons alors nombreux – nombreuses – à arpenter les allées des supermarchés, vêtus de superbes gilets orange, pour solliciter votre aide. À vot’ bon cœur, m’sieurs dames ! On rencontrera alors tous ces gens qui confieront, un peu gênés, « un jour, j’ai eu besoin, donc je donne ». Les philosophes : « On ne sait pas de quoi demain sera fait. » Il y aura aussi tous ceux qui feront semblant de ne pas nous voir (?) et quelques-uns, moins sympathiques encore. Mais le drame, ce n’est pas ça. Le drame, ce sont ces gens peu scrupuleux qui surfent sur le marché des plus démunis pour écouler des produits dénués d’intérêts nutritionnels, mais riches en marges potentielles. Cela a par exemple été le cas en début de semaine, où une entreprise a vendu aux associations caritatives du poulet… à l’eau. Non, il ne s’agit d’une nouvelle recette de notre célèbre poulet de Bresse. Loin de là ! Ces escalopes à faible valeur nutritionnelle, fondaient littéralement à la cuisson. Sauf que les associations caritatives, chargées de redistribuer ces produits, les ont payés au prix normal. Certes, elles ne représentent pas de danger pour la santé et elles ont bel et bien été distribuées aux plus démunis. Néanmoins, on peut s’interroger sur de telles pratiques. Simple erreur, ou fraude économique ? Les ministères de la Santé, de l’Économie et de l’Agriculture, ont promis de mener l’enquête et de renforcer leur vigilance « d’ici la fin de l’année ». Loin d’être un cas isolé, celui-ci rappelle vaguement les steaks hachés sans viande, scandale découvert en juin dernier. Composés essentiellement de ce que l’on appelle “des sous-produits”, ils contenaient tout (même du soja), mais pas de viande. Ces “faux steaks” avaient été livrés à la Fédération française des banques alimentaires, à la Croix Rouge, au Secours populaires et aux Resto du cœur. Courant d’été, un rapport du Sénat réclamait une amélioration substantielle du cahier des charges des appels d’offres en la matière. On attend toujours.

Les plus démunis seront-ils encore longtemps les dindons de la farce ?

Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr

Les souffrances de la filière viande vues par Faro

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