Groupe Bontaz / Interview de Christophe Bontaz et Daniel Anghelone : « Répondre aux besoins mondiaux par une stratégie mondiale »

par | 28 septembre 2018

Depuis la disparition de son truculent mais néanmoins visionnaire fondateur Yves Bontaz en avril dernier, le groupe éponyme mise sur l’international pour accélérer son développement. À sa tête, une gouvernance bicéphale : Christophe Bontaz, “fils de” et successeur légitime dans le sérail depuis 1992, désormais président du groupe ; et Daniel Anghelone, le directeur des opérations depuis toujours. Interview croisée.

Depuis sa création il y a 24 ans, le groupe Bontaz enregistre une croissance importante. Cette année encore, avec +10 %. Quels en sont les piliers ?

Daniel Anghelone : Le groupe Bontaz, c’est 12 pays, 24 usines et 4 500 personnes dans le monde, dont 450 en France. En 2018, le chiffre d’affaires consolidé devrait franchir la barre des 300 millions d’euros, en hausse de 10 %. Cette montée en puissance exponentielle est le résultat d’une politique visionnaire, initiée par Yves Bontaz, et de l’accélération du mix produits composé de pièces toujours plus élaborées. Notre positionnement sur le marché automobile s’est renforcé. Le groupe est passé d’usineur à équipementier de rang 1 pour tous les grands constructeurs automobiles (Volkswagen, General Motors, Nissan, Ford, Peugeot…). L’usinage nous sert uniquement à alimenter nos filiales. Désormais nous ne vendons plus que des sous-ensembles réalisés à partir de pièces usinées sur nos dix sites dans le monde. Un groupe né dans la vallée de l’Arve mais plus international que jamais. Mondialisation oblige.

Christophe Bontaz : Nous possédons des usines dans le monde parce que nos donneurs d’ordre sont mondiaux. J’ai l’habitude de dire que le vrai patron de l’usine, c’est le client et nous voulons être là où il est. Aujourd’hui, cela se traduit par 140 000 mètres carrés de sites industriels à l’international. Le concept de l’entreprise familiale est révolu. Mais cette évolution ne s’est pas faite au détriment de la France. D’ailleurs, nous construisons une nouvelle usine de 10 000 mètres carrés sur notre site à Marnaz, opérationnelle au printemps prochain. Avec l’objectif d’augmenter notre capacité d’usinage et d’étendre notre bureau d’études pour faire face à nos développements.

« JE ME DOIS D’ÊTRE PLUS “ÉLYSÉE” QUE “MATIGNON” ».
Christophe Bontaz, nouveau président du groupe Bontaz.

Aujourd’hui, quelles sont vos principales activités et comment êtes-vous structurés ?

D. A. : Notre premier métier est de loin la conception et la fabrication de sous-ensembles dédiés à 95 % au marché automobile [ndlr : des pièces essentiellement élaborées pour les moteurs]. Nos bureaux d’études – quatre en France, au Portugal, en Chine et aux États-Unis – collaborent avec nos clients pour créer le produit dont ils ont besoin et anticiper ceux de demain. Dernièrement, nous avons mis au point des sous-ensembles qui intègrent des moteurs électriques. En parallèle, nous réalisons l’assemblage de ces sous-ensembles, mais uniquement dans nos filiales (Chine, Inde, Brésil, Tunisie, Maghreb, République Tchèque) pour des questions de coût et pour approvisionner les marchés cibles. Exemple, on assemble en Chine les sous-ensembles destinés au marché chinois. Exception faite des marchés européen et américain, pour lesquels l’assemblage est réalisé au Maroc, en Tunisie et en République Tchèque. Enfin, dernière activité, la fabrication des composants entrant dans la composition des sous-ensembles. Ces pièces, de plus en plus souvent en plastique, sont usinées sur nos sites. Seule une partie, tels les billes et autres ressorts que nous ne produisons pas, est sous-traitée. Vous êtes et resté un équipementier dédié à l’automobile. N’envisagez-vous pas à l’avenir d’investir d’autres marchés ?

C.B. : Nous sommes toujours très curieux des évolutions technologiques pour continuer à surfer sur la bonne vague, mais le marché automobile sur lequel nous évoluons est extrêmement porteur et très innovant. C’est est un énorme monstre en termes de consommation. Nous vendons par exemple plus d’un million de composants par jour dans le monde. Et le marché n’est pas près de s’appauvrir avec le développement des voitures hybrides et électriques.

Quels sont vos projets structurants en matière de R&D ?

C.B. : Si nous voulons croître et concrétiser les projets à venir, nous devons accompagner la demande. Mais aujourd’hui (bien que ce ne soit pas nouveau), force est de constater que nous manquons cruellement de main d’oeuvre qualifiée et de candidats à ces postes. Les mentalités évoluent – avec les nouvelles générations qui veulent travailler à la carte –, la proximité de la Suisse… constituent des freins qu’il nous faut dépasser. Notre choix s’est donc porté sur l’international, et plus spécifiquement l’Europe, et le Portugal, plus central, où nous allons ouvrir un gros bureau d’études, en lien avec le site de 12 000 mètres carrés, dédié au développement des produits et à la fabrication de lignes d’assemblage, que nous venons de créer.

Ne craignez-vous pas la fuite du “made in France” ?

C.B. : Non, parce qu’il n’y pas les ressources nécessaires en France. Dans la mesure où nous codéveloppons des technologies avec nos clients, nous ne faisons qu’apporter notre savoir-faire. Et rappelons que le groupe a une présence mondiale, où la France ne pèse plus que 10 %.

Avec la disparition d’Yves Bontaz, y-a-t-il eu des changements majeurs au sein du groupe, notamment en termes de gouvernance ?

C. B. : Au-delà du choc et de l’émotion ressentis au décès de mon père, la bonne marche de l’entreprise n’a pas été entravée. À ceux qui se posent la question : nous ne vendrons pas, je suis né dedans ! Nous gardons le cap fixé il y a dix ans, à savoir la satisfaction des clients de rang 1 pour lesquels nous fabriquons des produits de plus en plus élaborés. Nous sommes des concepteurs, et non plus de simples réalisateurs, et en tant que tels, nous devons anticiper la conception trois ou quatre ans en amont avant de produire en série. Nous veillons à optimiser notre organisation au quotidien pour répondre aux enjeux de la croissance et à l’évolution des produits. S’agissant de la gouvernance, je n’ai aucune inquiétude, travaillant dans l’entreprise familiale depuis 1992. J’ai commencé dans la vente avant d’intégrer le bureau d’études. À l’époque, l’entreprise faisait 10 millions de chiffre avec 70 salariés. J’ai sélectionné et recruté les joueurs… Et les résultats sont là.

Des transformations sont-elles à attendre ?

C. B. : Je me dois désormais d’avoir une vision plus globale du groupe. Pour cela, je dois me détacher de l’opérationnel. Nous nous orientons vers une gouvernance bicéphale : pour moi la présidence avec une orientation “plus Élysée que Matignon” ; et à Daniel (Anghelone) la direction des opérations. Nous devrons aussi davantage intégrer les dirigeants de nos filiales aux prises de décision. Nous sommes à une période charnière où nous perdrons en crédibilité si je ne prends pas la hauteur nécessaire.

Avez-vous un objectif de croissance externe ? Dans la vallée ou ailleurs ?

D. A. : Nous sommes régulièrement sollicités. La plupart du temps, nous intégrons des fournisseurs et investissons dans la capacité de production pour devenir plus exclusif, notamment dans les métiers de la mécanique, et ainsi maîtriser l’ensemble de la chaîne. Mais nous n’avons pas la volonté de prendre de nouvelles affaires dans l’immédiat.

Enfin qu’en est-il de votre pôle multimédia ? Beaucoup prophétisent sa chute, quand d’autres sont plus mesurés…

D. A. : Les résultats d’audience enregistrés par Médiamétrie à fin juin sont très bons, avec 1,2 million de téléspectateurs mensuels. Après 18 mois d’existence, nous ne pouvons être que satisfaits. Nous nous sommes fixés un objectif de 1,8 million de téléspectateurs, ce qui nous placera au milieu des chaînes thématiques. Nous ferons même un peu mieux que Montagne TV à l’époque. En début d’année, nous avons fait le choix de devenir une vraie chaîne thématique, plutôt que locale. Ce changement de cap s’est accompagné d’une baisse des coûts, en sous-traitant la production, avec un objectif de rentabilité plus réaliste. Nous investirons plus encore dans la montagne et les sports outdoor. Avec à la clé une stratégie cross-media en synergie avec Sport Premium, qui gère la partie événementielle.

C. B. : Nous savons pertinemment que l’année 1 est une année de réglage. Nous visons la rentabilité à trois ans. D’ici là, si les chiffres ne sont pas en ligne avec la stratégie, nous reverrons notre copie. Nous avons mis beaucoup de moyens et avons la ferme intention de continuer. Quant aux rumeurs portant sur un éventuel rapprochement avec la 8 Mont- Blanc, sachez que ce n’est pas du tout d’actualité.

Christophe Bontaz (à gauche) est un passionné de sport, et de vélo (il a relié Marignier à Lacanau). Il possède également en propre une société d’hélicoptère.


Propos recueillis par Patricia Rey


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