Les Genevois mettent un coup de frein à la croissance de leur aéroport

par | 28 novembre 2019

Dimanche 24 novembre, les Genevois ont adopté une initiative sur la gestion de Cointrin qui ambitionne de limiter les nuisances et de promouvoir l’écologie. Un vote dont les conséquences sont encore incertaines.

C’est une décision qui marque un tournant dans la gestion de l’aéroport de Genève. Les Genevois ont accepté à une large majorité l’initiative populaire “Un pilotage démocratique à l’aéroport de Genève- Reprenons en main notre aéroport”, lancée par des associations de riverains et de protection de l’environnement. Cette initiative est née à la suite du projet d’extension de l’aéroport de Genève, qui prévoit notamment la création d’une aile Est pour améliorer l’accueil des passagers des vols intercontinentaux. Avec cette extension, qui doit être livrée l’an prochain, Genève Aéroport souhaite renforcer sa contribution au rayonnement international et à la prospérité économique de la région.

Sauf que de nombreux résidents de Genève ne l’entendent pas de cette oreille : ils expriment un ras-le-bol contre les nuisances sonores liées à l’augmentation du trafic. En 2015, Berne avait indiqué que Cointrin pourrait faire face à 25 millions de passagers en 2030, contre 17 millions actuellement. Les riverains craignent également une augmentation des vols après 22 heures. L’initiative veut que soit inscrite dans la constitution genevoise la prise en compte de la qualité de vie riveraine et de l’environnement davantage que les besoins économiques. Les auteurs du texte souhaitent un ralentissement de la croissance du trafic, une diminution du bruit et de nouveaux horaires pour les décollages et atterrissages des vols de nuits.

Pour ce faire, l’initiative souhaite redonner du pouvoir au canton pour la gestion de l’aéroport, qui est actuellement un établissement de droit public autonome et indépendant. Le résultat de dimanche est sans appel : c’est oui à 56,3 % des voix. Cependant, les scores atteignent plus de 70 % dans les communes riveraines de l’airport, alors que le vote est plus mitigé dans la partie est du canton. La participation s’élève au total à 36,8 %. La majorité de droite du Grand conseil genevois, le parlement du canton, qui avait également soumis au vote un contreprojet souhaitant garantir l’indépendance et la vocation internationale de l’aéroport, a vu celui-ci rejeté par 54,1 % des votants.

Une suite incertaine

« Les gens ne veulent plus d’un développement qui génère tant de nuisances. Cela devient un non-sens. », a déclaré à la Tribune de Genève Thomas Büchi, vice-président du comité d’initiative et membre du Parti libéral-radical. Pour autant, l’issue de ce vote reste incertaine. En effet, en Suisse, l’aviation est régie par Berne et le canton n’a pas ou peu d’influence sur l’organisation des vols. L’Association en faveur de l’aéroport de Genève (AGC), qui milite pour « un outil aéroportuaire moderne et performant », juge que cette initiative est « un leurre ».

« Hélas, elle ne protégera pas davantage les riverains contre les nuisances par rapport à la situation actuelle, assène son président, Jacques Jeannerat. En outre, elle donne un très mauvais signal envoyé par Genève à la Berne fédérale qui est seule compétente en matière d’aviation : un signal de méfiance. » Il ajoute : « L’initiative est inutile. Elle n’articule aucun plan d’action concret et engendrera en réalité exactement l’inverse des effets bénéfiques qu’elle veut afficher. »

Au contraire, la Verte Lisa Mazzone estime que le rapport de force a changé suite aux élections fédérales du mois dernier, au cours desquelles les Verts ont réalisé une percée remarquée. Elle rappelle que Simonetta Sommaruga, le gagnant du ticket Vert-PS au Conseil des États (l’une des chambres du parlement suisse) est désormais à la tête de l’Office fédéral de l’aviation civile. Dans la Tribune de Genève, son collègue au parti Vert Yvan Rochat renchérit : « Nous allons nous battre au niveau cantonal et fédéral. Il faudra revoir la courbe du bruit admissible. »

Cité par le journal Le Temps, le conseiller d’État Serge Dal Busco, qui siège à Berne, a pris acte du vote et a annoncé le dépôt d’un projet de loi d’application de l’initiative. « Nous partageons les objectifs des initiants en matière d’environnement et n’avons pas attendu la votation pour fixer un cadre contraignant au développement de l’aéroport. »


Par Romain Fournier


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