Martial Saddier : « L’environnement et l’industrie sont dans l’ADN de la vallée de l’Arve »

par | 18 janvier 2018

L’élu de la Haute-Savoie vient d’être élu à la présidence du comité de bassin Rhône-Méditerranée. Une nouvelle étape dans un parcours atypique, marqué à la fois par l’environnement que par l’industrie.

Propos recueillis par Philippe Claret

 

Comment se retrouve-t-on président du comité de bassin Rhône-Méditerranée ?

Je dois cette élection au président sortant, le savoyard Michel Dantin. Il a porté avec brio les dossiers de l’eau pendant neuf ans. C’est notamment sous sa présidence qu’a été réécrit le schéma de développement, d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), un document central. Je ne me serais pas présenté s’il avait souhaité continuer. Mais il voulait arrêter et il a publiquement soutenu ma candidature. Je suis élu avec un score confortable, ce qui n’allait pas forcément de soi puisqu’on passait d’un savoyard à un autre savoyard, pour un comité de bassin qui va jusqu’à la mer… Je me permets de préciser qu’il ne s’agit pas pour moi d’un nouveau mandat mais d’une nouvelle fonction, bénévole, bien sûr.

 

Pourquoi étiez-vous candidat?

Pour défendre les agences de l’eau, qui traversent une période tourmentée. Le système a 52 ans et cette organisation par bassin est enviée dans le monde entier ! Le gouvernement a pourtant été sévère avec elles dans son projet de loi de finances, faisant main basse sur ce qu’il considère comme des réserves, et qui ne sont en fait que des provisions pour les travaux à venir, sur lesquels elles se sont engagées. Les six agences de France collectent les taxes sur l’eau et les versent dans un pot commun, qui permet de financer les projets collectifs. Ces derniers étant nécessairement complexes et les chantiers longs, leur financement est réparti sur plusieurs années. Des sommes sont ainsi régulièrement réservées pour des projets à venir. Bercy estime que c’est de l’argent qui dort et nous le prend. Résultat : les agences ne vont plus pouvoir honorer certains engagements !

 

Et qu’est-ce qui a fait la différence dans votre candidature ?

Je crois que mon expérience de parlementaire aguerri (j’en suis à mon quatrième mandat), par ailleurs président du Comité national de l’Air, a joué. Il va falloir aller discuter au plus haut niveau pour défendre les agences. Je suis le seul président d’un comité de bassin également parlementaire. C’est également une reconnaissance du travail accompli en Haute-Savoie, à la tête du Syndicat mixte d’aménagement de l’Arve et de ses abords (SM3A), avec le contrat rivière puis le schéma d’aménagement et de gestion (Sage) de l’Arve, la mise en oeuvre de la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations).

 

Le Haut-Savoyard Martial Saddier (à gauche) succède au Savoyard Michel Dantin (au centre) à la présidence du comité de bassin Rhône-Méditerranée. Crédit : DR.

Vous pensez pouvoir infléchir la décision gouvernementale ?

Je vais être auditionné pour présenter un amendement sur le financement de l’eau dans les zones de montagne. Nous avons engagé la discussion avec le gouvernement, qui reconnait implicitement qu’il y a débat. Il nous demande de réaliser 70 millions d’économies en 2018, sur un budget de 480 millions. Cela voudra dire des dépenses en moins. Mais il faut surtout préparer 2019, où le gouvernement prévoit de ponctionner 100 millions supplémentaires, ce qui n’est juste pas envisageable, à un moment où les besoins sont considérables !
On l’a vu avec ce début d’hiver compliqué, où il est tombé autant d’eau en un mois que durant les deux derniers hivers. Là où des travaux d’aménagement ont été réalisés, c’est-à-dire essentiellement sur les cours d’eau principaux, les masses d’eau sont globalement passées. Le problème se déporte aujourd’hui sur les affluents et les petits ruisseaux. Ils sont devenus les points noirs. Ce sont des enjeux importants pour nos départements.

"ON L'A VU AVEC LES GROSSES INTEMPÉRIES : LÀ OÙ DES TRAVAUX D'AMÉNAGEMENT ONT ÉTÉ RÉALISÉS, LES MASSES D'EAU SONT GLOBALEMENT PASSÉES. LE PROBLÈME SE DÉPORTE AUJOURD'HUI SUR LES AFFLUENTS ET LES PETITS RUISSEAUX. ILS SONT DEVENUS LES POINTS NOIRS. CE SONT DES ENJEUX IMPORTANTS POUR NOS DÉPARTEMENTS."

 

Lorsqu’on est élu de Bonneville, comment en vient-on à s’intéresser à l’eau ?

Cet élément a une place particulière dans l’environnement, avec la présence de rivières, de neige, de lacs… 6 % du Sage de l’Arve est constitué de neiges éternelles. Nous avons calculé que notre stock de glace représentait trois ans de débit pour l’Arve à Genève ! Et puis, l’eau a fait l’histoire locale. Il y a eu jusqu’à 3000 moulins agricoles dans la vallée, qui ont ensuite été utilisés pour faire tourner les premiers tours pour l’horlogerie. Plus récemment il y a bien sûr l’hydroélectricité. Chacun se souvient aussi que l’eau tue. Je pense aux avalanches bien sûr, mais également aux coulées de boue.

 

Quels sont les enjeux des prochaines années ?

Il va falloir renégocier la convention du lac du Bourget par exemple. Je crois beaucoup également aux démarches collectives telles que celles engagées dans le cadre d’Arve pure avec les entreprises. Il faudrait maintenant avancer dans la même direction avec le monde agricole. Il va également falloir renouveler les concessions des barrages.

Avant de prendre la tête du Comité de bassin, Martial Saddier avait déjà beaucoup travaillé le sujet de l’eau avec le syndicat mixte SM3A , qui a signé le contrat Arve Pure en 2015. Crédit : DR.

 

Vous avez évoqué ce début d’hiver difficile. Le réchauffement climatique est forcément un sujet qui vous touche ?

Il y a quinze ans déjà, je pronostiquais que les crues et les laves torrentielles allaient devenir le principal problème posé par l’eau dans les zones habitées. Jusqu’à présent, c’était plutôt les avalanches, mais le réchauffement climatique change la donne.

 

C’est vrai dans nos vallées alpines, mais votre poste vous conduit à vous intéresser à des territoires très différents de ce point de vue-là…

C’est vrai. J’ai assisté à des réunions passionnantes dans le sud, où les maires doivent apprendre à « faire avec » une saison sèche et une saison humide. La neige fond plus vite au printemps, puis la sécheresse s’installe et parfois, les premières précipitations n’arrivent qu’en novembre… et sous forme d’orages d’une extrême violence. Ils doivent s’adapter à ces nouvelles situations ! Ma fonction de président va m’amener à visiter un territoire qui représente un quart de la France et couvre quinze millions d’habitants sur quatre régions : Bourgogne – Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.

 

Autre élément, autres fonctions : vous êtes toujours le président du comité national de l’air ?

Nicolas Hulot a souhaité me reconduire dans cette fonction et j’ai obtenu les garanties que nous continuerons à travailler avec pragmatisme et indépendance sur ces sujets centraux. Là encore, c’est la continuité de mon engagement local puisque c’est en portant le premier plan de protection de l’atmosphère (PPA) de la vallée de l’Arve que je me suis intéressé à ces sujets. Les réunions s’enchaînent en ce moment pour la rédaction du second PPA. Il devrait être soumis à enquête publique à l’automne.

 

« JE VOUDRAIS QUE LE SECOND PPA DE LA VALLÉE DE L’ARVE SOIT, COMME LE PREMIER, L’OCCASION D’INVENTER DES OUTILS. NOUS DEVONS ÊTRE LE LABORATOIRE DE LA QUALITÉ DE L’AIR EN FRANCE. »

 

Où en est-on sur la qualité de l’air en France ?

La réalité, c’est que la situation s’améliore. La masse globale des polluants émis baisse, y compris celle des particules fines, y compris dans la vallée de l’Arve. Mais il faut aller plus loin, bien sûr.

 

Quels objectifs fixez-vous au second PPA ?

Nous en sommes encore au stade des négociations, mais j’estime qu’il faudrait faire au moins aussi bien sur le second que sur le premier PPA, où nous avons atteint une baisse de 30 % des particules fines. Ce serait un objectif ambitieux, d’autant que nous restons soumis à une pression démographique importante. Il s’agit de polluer moins avec plus d’habitants.

Un nouveau plan de prévention de l’atmosphère (PPA) pour la vallée de l’Arve est en cours de préparation. Le problème de la qualité de l’air, localement comme nationalement, est de plus en plus sensible. Crédit Ph.C – Eco Savoie Mont Blanc – Archives.

Pour y parvenir, quelle est la cible prioritaire ?

Il y a seulement dix ans, personne n’imaginait que les foyers ouverts deviendraient le principal problème. Pourtant aujourd’hui, le débat scientifique est clos : pendant les pics de pollution, 75 à 80 % des particules fines proviennent des appareils de chauffage. Le deuxième PPA devra poursuivre son travail de pédagogie et d’accompagnement sur ce sujet. Depuis cinq ans, les propriétaires de foyers ouverts ont eu la possibilité de recevoir 1000 euros pour changer leur matériel. Le second plan devrait doubler cette aide, à nouveau pour cinq ans. Mais je n’ai pas peur de dire qu’ensuite, il me paraîtra légitime d’interdire purement et simplement ces équipements. Vous voulez vous payer votre cheminée ? Très bien, mais pas dans la vallée de l’Arve où la topographie, l’aérologie ne le permet pas.
Le second PPA doit être l’occasion d’avancer sur d’autres dossiers comme la réduction des quantités de déchets. Nous en sommes à 100 000 tonnes d’ordures ménagères, mais aussi 350 000 tonnes de déchets issus du BTP. Il faut agir.

 

De quelle manière ?

Tout est encore en discussion. Mais je voudrais que le second PPA soit, comme le premier, l’occasion d’inventer des outils. Nous devons être le laboratoire de la qualité de l’air en France.

 

« LE SECOND PPA DEVRAIT DOUBLER l’AIDE PROPOSÉE AUX PROPRIÉTAIRES DE FOYERS OUVERTS. MAIS, ENSUITE, IL ME PARAÎTRA LÉGITIME D’INTERDIRE PUREMENT ET SIMPLEMENT CES ÉQUIPEMENTS. VOUS VOULEZ VOUS PAYER VOTRE CHEMINÉE ? TRÈS BIEN, MAIS PAS DANS LA VALLÉE DE L’ARVE ! »

 

Vous parlez peu des transports, pourtant la sensibilité reste forte dans la vallée pour cette source de pollution…

Et je le comprends. Avant 2007-2008, il était impossible de tracer les origines des particules fines, ainsi que de les mesurer finement. Identifier précisément les origines n’est possible que depuis deux ans, pas plus. De plus, le drame de l’incendie sous le tunnel du Mont-Blanc marque encore les esprits.

Cela dit, le deuxième PPA s’occupera aussi des oxydes d’azote liés aux motorisations. Mais l’enjeu n’est pas le même, simplement parce que les nouveaux modèles sont moins polluants. L’évolution naturelle de la flotte devrait faire chuter les concentrations de ce polluant. Même s’il reste à traiter le cas des véhicules utilitaires. Il circule encore un millier de véhicules classés euro 0 dans la vallée.

 

On a tors de se focaliser sur le transport routier ?

Enclencher des changements profonds prend du temps, et j’ai appris que certains discours sont inaudibles par la population. Objectivement, les incinérateurs sont équipés de filtres à particules, mais allez expliquer aux populations que les incinérateurs ne polluent pas ! c’est impossible. Il faudra forcément s’attaquer aussi à ces entreprises visibles parce qu’elles sont des marqueurs. J’ai travaillé au déménagement d’une centrale à enrobés, qui consommait un million de litres de fioul lourd par an, un peu à l’écart des voies de communication. Elle est passée au gaz naturel mais se trouve maintenant en bordure d’autoroute, où les gens voient un panache de fumée blanche s’échapper des cheminées. De la vapeur d’eau pour l’essentiel, mais allez l’expliquer… et j’en entends plus parler aujourd’hui qu’avant !

 

Comment devient-on spécialiste de l’environnement lorsqu’on est député de la vallée de l’Arve ?

Je suis reconnu à la fois sur les dossiers de l’économie et de l’environnement. Ma formation agricole m’a sans doute aidé à me saisir de ces dossiers, mais je crois plus fondamentalement que les deux sujets font partie de l’ADN de cette vallée. Ici, les dossiers industriels sont fondamentaux. Mais l’environnement s’impose de lui-même.

Martial Saddier a occupé le poste de vice-président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes en charge de l’économie de 2015 à 2017, avant de renoncer au profit de son mandat de député, pour cause de loi sur le cumul des mandats. Crédit : Ph. C. – Eco Savoie Mont Blanc.

Sur le front de l’économie, justement, vous avez quitté votre poste de vice-président à l’économie du conseil régional. Sans regret ?

Je suis assez fier d’avoir rédigé la feuille de route du mandat sur ce sujet, avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Fier également des solutions trouvées avec les conseils départementaux, dont ceux de Savoie et Haute-Savoie, pour pérenniser les actions entreprises sur le terrain.

 

En février 2017, alors qu’il cumulait encore les fonctions de député et de vice-président d’AURA à l’économie, Martial Saddier avait interpellé le gouvernement sur le financement des pôles de compétitivité et leur périmètre dans le cadre des nouvelles régions.

 

 

Comment vous êtes-vous entendu avec Laurent Wauquiez ?

Il y a un gouffre entre la manière dont beaucoup – dont la presse – le décrivent, et le personnage que j’ai connu. Oui, j’ai eu du plaisir à travailler avec lui. Je demande à ce qu’il soit jugé sur ses résultats, comme chacun est d’accord pour le faire concernant Emmanuel Macron.

 

Sur le front politique, comment avez-vous vécu l’année 2017 ?

On m’aurait prédit la situation actuelle il y a un an, je ne l’aurais pas cru ! Je n’avais jamais connu une telle campagne présidentielle de premier tour, entre indifférence, envie (que je comprends) de sanctionner Fillon, aveuglement pour le mouvement En Marche… il y a eu une prise de conscience au second tour. Je crois aussi qu’avoir avec Virginie Duby-Muller dit qu’à titre personnel nous voterions Macron au second tour de la présidentielle nous a aidé. Il fallait être clair.

Alors qu’ils en est à son quatrième mandat, le député Martial Saddier ne manque pas de sujets de réflexion. Crédit : Ph.C. – Eco Savoie Mont Blanc.

Où en sont les Républicains en Haute-Savoie ?

Au fond du trou ! Mais nous nous relèverons, parce qu’il le faut. Notre démocratie est basée sur l’alternance et nous sommes la seule alternance crédible. Je ne souhaite pas l’échec d’Emmanuel Macron. Mais construisons une alternative.

 

Et au plan départemental ?

Il me semble légitime de reconstruire le parti autour des deux députés élus.


A lire aussi:

L’évolution sur 10 ans de la pollution aux micro-particules et aux dioxydes d’azote dans la vallée de l’Arve (cliquez sur le lien)

 

La Région prône une économie décloisonnée

 

 

Qualité de l’air : de nouvelles mesures en vue

 

Martial Saddier, député Les Républicains (LR) de Haute-Savoie, vient d’être élu président du Comité de bassin Rhône-Méditerranée au sien de l’Agence de l’eau. Il est aussi président du Comité national de l’air. Crédit : DR.

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